INTERVENTION DE M. CARLOS LAGE
DÁVILA, VICE-PRÉSIDENT DU CONSEIL D’ÉTAT DE
3-
Excellences,
Emigrer est un droit qu’il faut respecter. Devoir émigrer, abandonner sa
patrie, s’éloigner de sa famille pour garantir l’alimentation, la santé et
l’éducation de ses enfants est injuste et cruel.
Envoyer des fonds à sa famille est une noble tâche qu’il faut faciliter.
Mais c’est une humiliation qu’une nation doive vivre des envois familiaux.
Que les pays riches adoptent des mesures toujours plus restrictives,
abusives et xénophobes contre les émigrants est moralement inacceptable.
Le mur érigé à la frontière du Mexique et la traque d’émigrants qui y a
lieu est une preuve, si tant qu’il en faille une, du mépris que les puissants
vouent à ceux qui ne le sont pas, même si les gouvernements concernés sont
leurs alliés.
A côté de cette émigration-ci, il y en a un autre qui n’est pas moins
outrageante. Les pays riches encouragent les médecins, les informaticiens, les
enseignants, les personnels infirmiers et d’autres spécialistes et techniciens
à émigrer chez eux en leur offrant les facilités, les salaires et les
conditions que nos pays ne peuvent leur procurer. Pour eux, pas de murs ni d’expulsions forcées. Au contraire, il
existe même des plans et des programmes pour les attirer. Environ 240 000
diplômés universitaires latino-américains ont émigré l’an dernier. Leur
formation a coûté non moins de cinq milliards de dollars. On devrait nous
indemniser, et je propose que nous formulions cette exigence.
Les émigrés dont nous défendons les droits aujourd’hui à juste titre
sont des victimes du pillage, de l’exploitation et de la distribution inégale
de la richesse.
Nul n’empêchera cette émigration tant que régneront le
sous-développement et la pauvreté, tant qu’on continuera d’imposer aux pays du
Sud des politiques économiques néolibérales, tant qu’on ne transformera pas
l’ordre économique international en vigueur.
Il est une vérité que je tiens à dire sans ambages : dans la
plupart des pays développés, il n’existe aucune volonté politique, ni aucun
intérêt économique ou humain pour changer cette situation. Le Nord opulent et
gaspilleur use les immigrants et les discrimine. Le Sud constitue le
fournisseur de la matière première du Nord, l’entrepôt d’où sortent des
ressources de toutes sortes, depuis les minerais jusqu’au talent.
Un seul exemple confirme ce que je dis : les objectifs du
Millénaire, qui ne constituaient qu’un modeste palliatif aux problèmes actuels
des pays sous-développés, ne seront pas atteints. Le monde développé n’a même
pas eu l’intention de faire le moindre effort financier qu’on lui demandait, et
des milliards de personnes continuent de ne pas avoir accès à l’alimentation, à
la santé ou à l’éducation.
Les dépenses en armements et en guerres dépassent d’ores et déjà un
billion de dollars ; un autre billion s’envole en publicité commerciale
qui, dans le cas des médicaments, par exemple, en décuple parfois les
prix ; la dette extérieure n’en finit pas de se payer, tandis que l’Aide
publique au développement est toujours plus conditionnée : les conseillers
du Nord doivent vivre dans le luxe, il faut acheter aux pays donateurs, tandis
que la coopération concerne toujours moins la santé et l’éducation, et toujours
plus la lutte contre le trafic de drogues, la gouvernance et les conseils en
droits de l’homme.
Loin d’œuvrer pour modifier cette situation, les Etats-Unis certifient
de « la bonne conduite des gouvernements en matière de migration »,
la bonne conduite voulant dire : laisser émigrer les spécialistes,
restreindre l’émigration de ceux qui ne le sont pas et accepter le retour de
ceux qui sont devenus indésirables après avoir fait de hautes études de
délinquance dans les rues et les prisons de ce pays.
Les Etats-Unis qui ont tant dépendu et dépendent encore des immigrants
pour leur développement économique, et l’Union européenne, qui fut toujours un
émetteur d’émigrés, sont ceux qui traquent le plus les migrants dans le monde,
ceux qui appliquent les politiques les plus restrictives.
Le libre-échange de marchandises qu’on veut nous imposer et le
libre-flux de capitaux qu’on exige de nous sont un traquenard s’ils ne sont pas
accompagnés du libre-déplacement des personnes.
Dans ce domaine comme dans d’autres, on touche du doigt l’hypocrisie et
le deux poids deux mesures du monde où nous vivons.
Le thème migratoire en ce qui concerne Cuba mérite une mention à part.
Un Latino-Américain qui part vivre aux USA est un émigrant. Un Cubain, lui,
est un exilé politique qui fuit le régime communiste.
Un Latino-Américain doit attendre dans son pays l’autorisation de
voyager aux USA ; s’il le fait illégalement, il est renvoyé dans ses
foyers. Un Cubain, une fois aux USA, obtient ipso facto, grâce à
L’administration Bush a suspendu les conversations migratoires, a de nouveau
limité les envois de fonds familiaux à trois cent dollars par trimestre et a
restreint à une fois tous les trois ans les voyages dans l’île d’émigrés
cubains et uniquement s’il s’agit de la famille en ligne directe : parents
ou grands-parents, enfants ou petits-enfants et frères : pour Bush, un
cousin ou une tante n’est pas de la famille.
L’administration Bush offre un refuge et accorde l’impunité aux USA à
des terroristes qui ont assassiné ou détourné des bateaux ou des avions pour
émigrer, restreint l’émigration légale
et encourage l’émigration illégale pour s’en servir comme d’un outil de
propagande contre Cuba, même si on ne sait combien de personnes meurent en
traversant le détroit de
Cette politique poursuivie depuis des décennies vise à promouvoir un
jour un exode massif qui pourrait servir de prétexte pour intensifier la
campagne contre Cuba et, en dernier ressort, pour lancer une agression
militaire.
Un programme financé par le gouvernement des Etats-Unis vise à attirer
des médecins et d’autres spécialistes de la santé cubains qui prêtent
d’importants services dans différents pays, mais fait fiasco devant la volonté
résolue d’une nouvelle génération de professionnels formée par la
Révolution ; mais nos programmes de solidarité ne cessent pas.
L'Opération Miracle, en à peine deux ans, a rendu la vision à plus de
450 mille personnes de l'Amérique latine
et les Caraïbes ; et tous ces services ont été prêtés gratuitement. À présent, nous sommes déjà en capacité
d'opérer un million de personnes par an.
Bien que Cuba toute seule, avec ses propres ressources, ne peut prêter ces services ; si l'impérialisme
réussissait son offensive contre les ressources économiques cubaines, la
capacité d'opérer de la vue à un million de Latino-américains et de Caraïbéens,
en 2007, serait exclue. Ce chiffre ne
comprend pas les Cubains intervenus,
dont le nombre s'élève cette année à presque cent mille personnes.
Les nouvelles conceptions liées à la formation en masse et accélérée des
médecins Latino-américains et d'autres pays du monde ; nous permettrons de
compter sur plus de dix mille médecins par an,
en très peu de temps. Ils seront formés,
non pour pratiquer la médicine privée, mais pour apporter santé et vie à
des millions de personnes.
La coopération dans le domaine sanitaire, assure les soins gratuits et
d'excellence, sans exception, aujourd'hui à tous les Cubains, et de plus en plus
à des Boliviens et des Vénézuéliens.
Dans once pays, deux millions quatre cent mille Latino-américains ont
été alphabétisés. Des milliers d'entraîneurs cubains travaillent aussi, comme
instructeurs sportifs.
Les pays latino-américains pourront toujours compter sur Cuba, en butte
au blocus et agressée, mais jamais
terrassée, pour lutter en faveur de droits dont, nous le savons bien, on ne
nous fera jamais cadeau.
Je vous remercie.