INTERVIEW ACCORDÉE PAR LE COMMANDANT-EN-CHEF FIDEL CASTRO À LA PRESSE NATIONALE ET ÉTRANGÈRE. Grand amphithéâtre de l'université de la Havane. 23 juin 1998.

 

Journaliste : Quel est votre avis sur la conférence [de la Ministre des affaires étrangères du Mexique]?

Fidel Castro : Bonne. Elle a dressé un bilan historique, exposé clairement la politique mexicaine, toujours basée sur certains principes de respect du droit, toujours fidèle à cette maxime de Juárez selon laquelle le respect du droit d'autrui, c’est la paix, et expliqué ces principes suivis toujours de façon conséquente par le Mexique, car il ne faut pas oublier que la première révolution sociale de ce siècle a eu lieu au Mexique, même avant la Révolution russe.

Cette révolution a significativement influé sur tout le continent, et donc sur Cuba. Tous les révolutionnaires latino-américains voyaient en ce pays un patrimoine commun, nous aussi. Au moment de chercher un endroit pour nous organiser, nous avons choisi le Mexique, pratiquement le seul endroit possible.

A la suite du triomphe de la Révolution cubaine, le Mexique a donné un exemple unique à cet hémisphère : le seul pays qui n'a pas rompu avec Cuba, qui a maintenu fermement les relations face aux pressions des Etats-Unis, celui qui a suivi aux Nations Unies une politique internationale ferme, conséquente.

Il ne faut pas oublier qu'un important accord sur les droits et devoirs économiques des Etats, un rêve non seulement du Mexique mais aussi de toute la planète, adopté par les Nations Unies, bien qu’il n’ait jamais été respecté, a été une initiative mexicaine.

Le Mexique s’est opposé au blocus, a assumé des positions très fermes à l’égard de Cuba et face à toutes les pressions, aussi bien au Sommet de Santiago qu'à la dernière réunion de l'OEA.

Cette dame, la ministre mexicaine des Affaires étrangères, a fait des déclarations très fermes, claires et catégoriques à la réunion de l'OEA. Ces prises de position peuvent être qualifiées d’amicales.

Le Mexique a dû agir dans des conditions géopolitiques, comme on dit aujourd’hui, très difficiles: le voisin du Nord, 3 000 kilomètres de frontière, un mur cent fois plus grand que celui de Berlin, un pays qui a été l'objet d'une série de mesures et agressé au siècle dernier. Un pays frère du sous-continent, auquel les Etats-Unis ont arraché plus de la moitié de son territoire dans une guerre injuste; bref, un pays qui a souffert, fort d’un sentiment patriotique, un pays où l'on a voulu établir un empire, qui a livré des luttes héroïques, d’abord pour son indépendance, puis, lorsqu’on a voulu le reconquérir depuis l’Europe.

Donc, il a dû lutter hardiment pour préserver l'indépendance, raison pour laquelle il apprécie grandement ces valeurs et la souveraineté qu’il défend dans des conditions complexes.

Elle a rappelé quelque chose, elle a dit une phrase que j’ai écouté attentivement : "C’est la frontière nord de l’Amérique latine».

Je dois aussi ajouter qu'elle a été très respectueuse, comme vous avez pu le constater. Je peux me permettre d’en parler , mais elle a été très respectueuse et elle a évité de dire quelque chose pouvant donner lieu à un différend avec son voisin. Ses réflexions ont été sereines et prudentes. Or, son comportement est très méritoire. Elle n'a pas abordé ces thèmes auquels je fais allusion maintenant, mais à l'OEA elle a énergiquement protesté contre l'exclusion de Cuba et en faveur de Cuba.

Commandant, les points communs entre Cuba et le Mexique dans l’arène internationale, ont-ils à voir avec cet attachement à l'indépendance, à la souveraineté et aux principes internationaux ?

Elle l’a expliqué lorsque qu’elle a abordé la question historique; elle a rappelé que Cuba, sans être encore indépendant, mais possédant déjà un esprit de nation, a été l'endroit choisi par Juárez lorsque son pays vivait des moments difficiles.

A cette époque-là, nombre de Mexicains, dont de Mexicains éminents, se sont rendus à Cuba en qualité d’exilés. A vrai dire, nous sommes très honorés du fait que Juárez se soit rendu à Cuba, car Juárez est l'une des personnalités les plus remarquables de l'histoire mexicaine; elle a aussi rappelé un autre lien qui nous unit, à savoir la présence de Martí, les activités de Martí au Mexique, ce qui est grandement apprécié par les Cubains.

La réciprocité et l’aide mutuelle ont toujours existé entre ces deux pays. J’ai oublié de souligner l'une des plus grandes preuves de mérite et d'attachement à l'indépendance du Mexique, à savoir que ce pays a reconnu la République espagnole, accueilli, une fois terminée la guerre, des milliers et des milliers d'exilés, entretenu des relations avec la République espagnole lorsque que cette république n'existait plus ; disons qu’il s’agit d’ un exemple, d’une preuve de loyauté à certaines idées et à certains principes.

Pour nous, le Mexique a une signification toute particulière, car il a été le seul, écoutez bien, le seul pays de ceux qui sont indépendants depuis le Río Grande del Sur jusqu'ici, le seul pays latino-américain qui a maintenu des relations avec notre pays, et ce en dépit d’être le plus proche du voisin du Nord. Seuls deux pays latino-américains ont des frontières avec les Etats-Unis : le Mexique et Cuba.

Commandant, que pensez-vous des pressions exercées par les Etats-Unis sur le Mexique dans des domaines tels que le trafic des drogues ou Chiapas ?

Ou dans des domaines comme le blanchissage d'argent ou bien d’autres. Ces sujets pourraient faire bien l’objet des débats dans une conférence.

Cela met en évidence l'arrogance grandissante de l'empire, l’ingérence dans les affaires intérieures des autres pays, même s’il faut dire que le Mexique - j'ai mes opinions là-dessus - est un pays qui fait peur aux Etats-Unis, car il s’agit d’un pays relativement grand, qui compte des ressources, notamment une population nombreuse ; ils ont toujours craint les explosions, les crises, les problèmes au Mexique. Ils ne peuvent d’ailleurs oublier l’expérience mexicaine, un épisode d’une grande portée historique qui a même donné lieu à des interventions, à plus d'une intervention de la part des Etats-Unis.

Le Mexique est le premier pays à adopter une mesure comme la nationalisation du pétrole, oeuvre de la Révolution mexicaine, mise en oeuvre par l’un de ses fils les plus célèbres, Lázaro Cárdenas. Cette mesure a déclanché nombre de conflits ; mais les Mexicains ont leur pétrole qu'ils ont défendu à outrance face aux tentatives, aux intérêts et aux convoitises des voisins du Nord, désireux de s'emparer aussi de cette branche de l'économie mexicaine.

Les Etats-Unis, je l'ai déjà dit, se sont immiscés à plusieurs reprises dans les affaires mexicaines tout au long des années de Révolution, ainsi qu’au siècle dernier. C'est une vieille histoire, et, maintenant, ils viennent de commettre une infamie contre le Mexique, à preuve l’opération dénommée Casablanca, en vertu de laquelle leurs agents ont mené pendant trois ans une investigation illégale, sans consulter ni le gouvernement ni les autorités.

A mon avis, il s'agit d'un acte tout à fait déloyal qui a beaucoup touché les Cubains, non seulement les Mexicains. Cette action ressemble à un épisode de gangsters : déplacement d’agents, enquêtes, organisation d’une fête à Las Vegas - je crois que le site est nommé Casagrande. Ils ont organisé une grande fête et invité quelques fonctionnaires bancaires mexicains qu'ils ont ensuite arrêtés avec plusieurs Vénézuéliens. Et je ne juge pas les violations et les illégalités qu'ils auraient pu commettre; je signale seulement les méthodes utilisées: une investigation qui a duré trois ans pour tromper ces gens-là et les capturer aux Etats-Unis, faisant alors un grand scandale à ce sujet, ce qui ne leur a permis qu’obtenir des résultats très limités; une enquête des opérations de blanchissage d'argent, censément des opérations de blanchissage d'argent pour la modeste somme de 30, 40 ou 50 millions, tandis que ceux qui ont blanchi le plus des dollars en ce monde sont les banques américaines elles-mêmes. Ces banques ont blanchi des milliards de dollars et presque tout l'argent découlant du trafic des drogues a été blanchi par ces mêmes banques américaines.

Ils ont déployé toute une opération, toute une infamie pour faire une enquête sur ce qui s’est passé avec quelques dizaines de millions de dollars et faire un grand scandale pour offenser, humilier non seulement le Mexique, mais aussi le Venezuela.

J'ai lu une dépêche qui disait que leur objectif était d’arracher aux détenus des informations sur d’autres banquiers concernés. Il faut vraiment s’étonner devant de tels actes commis contre un voisin si prudent et si respectueux comme le Mexique. C'est vraiment choquant et ceci a choqué à juste raison les Mexicains.

Elle n'a pas voulu aborder ce sujet-là pour les raisons que j'ai expliquées; elle a été très prudente, elle a donné une conférence académique; or, ils mènent une ferme politique et maîtrisent bien les sujets qui les concernent.

Il faut tenir compte des conditions difficiles et complexes dans lesquelles les Mexicains doivent lutter, et ils essayent par tous les moyens de résister aux pressions dont ils sont l'objet au milieu d'une situation qui les oblige à rester en contact permanent.

Pendant tous les jours de l'année, par exemple, un million de Mexicains traversent la frontière, puis ils rentrent; autrement dit, plus de 350 millions d’entrées et sorties. Je ne parle pas du petit nombre de Mexicains qui s'y rendent pour travailler légalement, mais de ceux qui traversent souvent la frontière tout simplement parce qu'ils habitent au Mexique et se déplacent à des endroits proches de la frontière dans le territoire des Etats-Unis, pour faire les travaux que les Américains eux-mêmes ne veulent plus faire; s’il faut aménager un jardin, c’est le Mexicain qui le fait; s'il faut cueillir des tomates ou quoi que ce soit, c'est un mexicain qui le fait; s'il y faut faire un travail pénible et mal rémunéré, c'est un Mexicain qui le fait. Mais, qu’est-ce qui se passe ? Que lesbas salaires de l'autre côté de la frontière sont plus élevés que de ceux payés de ce côté; voilà pourquoi, nombre de Mexicains dont leur famille, leur résidence se trouvent sur le territoire mexicain, traversent la frontière pour rentrer ensuite.

Le mur énorme dressé là-bas constitue aussi une autre pression; nombre de Mexicains sont morts dans leur tentative de franchir ce mur pour quitter définitivement le pays, et ce pour des raisons économiques, ce qui suit la ligne des mouvements migratoires qui ont lieu au niveau mondial en raison de la situation économique des pays du tiers monde, des pays les plus pauvres.

Les Etats-Unis ont donc déclenché une guerre contre les immigrants. Compte tenu des mesures adoptées, un grand nombre de Mexicains sont morts. J'ignore le chiffre exact de ceux qui sont morts, mais j'ai l'impression que le nombre de ceux qui meurent chaque année essayant de franchir ce mur dépasse le nombre de personnes qui sont mortes du temps du mur de Berlin, car, pour le franchir, ils doivent parcourir des déserts, des coins dangereux.

J’ai même entendu dire qu’ils doivent parfois traverser des autoroutes par où les voitures vont à une folle vitesse, qu'ils marchent juste au milieu, sur les séparateurs des autoroutes; dans leur fuite, ils meurent par des accidents ayant à voir avec la poursuite, la soif, l'asphyxie ou les coup de feux de la police. Bref, ils doivent tout endurer.

Aux Etats-Unis, tout comme en Europe, il existe un sentiment toujours croissant anti-latinoaméricain, anti-immigration, ce qui est le fruit du sous-développement, de l’existence d’un monde qui est resté sous-développé du fait du pillage et de l'exploitation.

Effrayés, ces pays riches prennent maintenant des mesures chaque fois plus radicales et assument même des positions de xénophobie raciste, très proches de la politique fasciste.

La persécution des immigrants est un phénomène en progression. Il y alors non seulement les pressions auxquelles tu as fait allusion, mais aussi bien d’autres.

Les Mexicains doivent se battre tous les jours pour faire respecter ledit accord, car les autres inventent des mesures non tarifaires; s'ils trouvent une toute petite tache sur un fruit ils dissent : «Non, il y a une épidémie, ces produits ne peuvent être acceptés». Ils entravent, appliquent des mesures très restrictives quant au transport. Il peut y avoir un camion chargé de fruits, d'avocats, de légumes, et alors les difficultés pour franchir la frontière sont insurmontables; c'est onéreux, car ils empêchent, sous divers prétextes, que les camions puissent circuler sur le territoire américain, alors que les camions américains circulent à travers tout le territoire mexicain où il y a beaucoup de routes déjà construites et bien d’autres en cours de construction.

Les camions mexicains ne bénéficient pas des mêmes avantages pour transporter les produits d’exportation; alors, imaginez, ils doivent y attendre beaucoup d’heures, faire des queux interminables, alors qu’ils sont fouillés pour chercher des drogues ou des immigrants, entre autres formalités. Ainsi, ces mesures entravent énormément les exportations.

Il est vrai que ces mesures sont appliquées aussi à d’autres pays. Les mesures non tarifaires seront de plus en plus à la mode au fur et à mesure que les tarifs douaniers disparaissent.

Par exemple, des mesures sont prises à l’égard des Chiliens leur interdisant d'introduire le saumon, ou bien il est grevé de tarifs très élevés, et ce tout simplement pour éviter la concurrence avec le saumon produit en Californie par les Américains. Ils exercent cette sorte de pression pour dire après que le saumon au Chili est subventionné; ils appliquent des tarifs plus élevés ou toute autre mesure. Ces mesures sont parfois sanitaires; ils trouvent par exemple une grappe de raisins qui présente un problème quelconque et alors ils inventent une épidémie et suspendent les importations de raisins chiliens et d'autres produits.

En fait, ils ont affaire à un voisin fort, puissant, arrogant, présomptueux, habitué à donner des ordres.

C’est l'impression que j'ai eu de cette conférence et des questions qui ont attiré mon attention; j’ai réfléchi et je n’ai pas oublié non plus qu’ils ont ces voisins à leurs côtés.

Commandant, la ministre a parlé du traité de libre-échange avec des pays de la région, de l'Amérique latine. Cuba envisage-t-il la possibilité de souscrire un traité de libre-échange avec le Mexique? Le pays a-t-il par hasard cette aspiration ?

Elle n'en a rien dit, peut-être par crainte des Etats-Unis. Or, nous prêtons une attention toute particulière aux relations avec ce peuple frère. Ces relations se dévoloppent, le commerce se développe aussi et il y a d'autres questions aussi importantes. Nous avons passé des accords en matière d'investissements, entre autres choses. On avance, on fait des progrès. Je pense qu’il ne faut pas aborder pendant cette visite des accords de ce genre qui pourraient être relativement importants aujourd’hui et qui pourraient eventuellement soulever l’irritation des Etats-Unis. Nous ne devons pas soulever ou aborder des sujets, ou demander des mesures qui, bien que justes, puissent créer, dans les circonstances actuelles, des problèmes, des conflits entre les Etats-Unis et le Mexique. Je peux même dire qu'il s'agit d'un thème épineux.

Je me souviens des pays auxquels elle a fait allusion. Eux-mêmes, ils nous ont raconté ce qu'ils font. Je suis persuadé que le Mexique doit resserrer ses liens avec le monde, à savoir avec l'Europe, avec l'Asie, avec tous les pays latino-américains, car plus ce pays développera ses relations avec le monde, plus il aura la possibilité de préserver le caractère indépendant de sa politique; n’oublions pas que, du point de vue économique, ses exportations aux Etats-Unis représentent plus de 80%, voire 82 ou 84%.

Il y a un fait objectif : ils disent que le Traité de libre-èchange n'a fait que conférer un statut juridique à un acte déjà mis en pratique. Compte tenu de sa proximité des Etats-Unis, il existait déjà des relations économiques basées sur les exportations à destination de ce pays, très élevées, de l’ordre d’environ 70%. Ils estiment que le traité ne fait que légaliser une situation de fait, ce qui leur permet de mieux défendre leurs intérêts. C'est leur avis à eux.

Evidemment, le traité a rencontré des problèmes et subi des conséquences, n'est-ce pas ? Le traité doit être analysé à la lumière de l’époque actuelle et à celle de l'avenir parce que le temps passe. Les yankees tracent leurs stratégies à long terme et, au fur et à mesure que le temps passe, ils auront davantage de possibilités de pénétrer l'économie mexicaine, de s’emparer des branches importantes et d'exporter leurs marchandises au Mexique. Il y a beaucoup des problèmes à discuter, dont les accords qui seront mis en vigueur dans 10, 15 ans; or, le jour viendra où il n'y aura guère d'entraves pour aucun type de marchandise ou de service; évidemment, le partenaire en question est très fort, très ambitieux, très riche, ce qui entraîne un certain risque, n’est-ce pas ?

Je crois alors que la stratégie des Mexicains est celle de se développer au maximum et d’investir le plus possible partout.

A mon avis, le traité doit censément attirer non seulement les capitaux des Etats-Unis, mais aussi d'autres pays; nombreux sont les hommes d’affaires qui veulent pénétrer le marché américain; donc, si leurs industries sont installées au Mexique, ils pourront exporter leurs produits aux Etats-Unis.

Le Mexique a dû faire face non seulement aux problèmes économiques mais aussi aux problèmes politiques de différent genre. Il y a eu donc aussi une situation compliquée du point de vue politique, suivie d’une profonde crise du fait de l’énorme quantité de capitaux à court terme y investis. A mon avis, les opérations spéculatives ont freiné des investissements accrus de la part d’autres pays.

Il y ait des choses qu'il ne faut pas demander, autrement dit nous n'allons pas interroger les Mexicains sur leurs stratégies ou sur ce qu’ils pensent. Nous devons donc tirer nos propres conclusions. Je pensais qu’un grand flux de capitaux venant d'autres régions vers le Mexique allait avoir lieu: nonobstant, les investissement n'ont pas beaucoup augmenté.

J'ai cru comprendre que les Mexicains essayent de gagner du temps, de renforcer leur économie, de consolider leur industrie, pour être ainsi en mesure de cohabiter et de coexister dans la société avec un monstre économique, technologique, culturel, politique et militaire comme les Etats-Unis. Il s’agit là d’une lutte ardue pour défendre leur identité et leur souveraineté dans des conditions difficiles.

Mais il faut évaluer ces phénomènes à plus long terme encore, parce qu'il y a deux tendances qui priment dans la planète : les accords économiques régionaux, autrement dit, des accords régionaux et des accords multilatéraux. Il y a deux tendances qui vont de pair. Je m’en suis rendu compte à Genève, à l'OMC.

Les yankees se prononcent toujours plutôt en faveur de la tendance multilatérale. Clinton a été même accusé de s'éloigner de la politique traditionnelle consistant à favoriser les accords multilatéraux, car ils veulent que tout soit conçu à l'échelle planétaire. Mais voilà que maintenant avec leur pragmatisme habituel et leurs énormes ambitions, ils font comme le pêcheur à deux lignes, ou à deux palangres : ils pêchent à l'hameçon aussi bien les accords régionaux que les accords multilatéraux, en quête du Traité de libre-échange et l’Accord de libre-échange des Amériques là-bas en Amérique latine. Ils n'aiment pas beaucoup, mieux ils n’aiment pas du tout ni le MERCOSUR, ni l’ALADI, ni aucune modalité de partenariat économique latino-américain. Ils refusent tout cela; ils veulent certes discuter avec chaque pays individuellement. Ils sont contre l’union, car l’union fait la force.

A mon avis, les Latino-Américains auraient dû d’abord s’unir pour ensuite discuter ensemble avec le puissant voisin du Nord.

Malheureusement, les Latino-Américains ont été incapables de surmonter les obstacles, de déjouer les intrigues utilisées par l'impérialisme pour éviter leur union.

Ils viennent d'inventer quelque chose de nouveau, une sorte de course aux armements dans la région, de libre commercialisation d'armes sophistiquées; en conséquence, si l’Argentine achète des armes, les Chiliens les achètent aussi; si les Chiliens les achètent, les Péruviens les achètent aussi; si les Péruviens les achètent, les Equatoriens les achètent aussi et si ceux- les achètent, les Brésiliens les achètent aussi.

Pourquoi suppriment-ils, en ce moment précis, les restrictions concernant la vente d'armes sophistiquées? Pourquoi parlent-ils déjà des pays alliés stratégiques? C’est vraiment un truc curieux.

Le gouvernement militaire argentin est donc maintenant un allié stratégique des Etats-Unis. Les militaires argentins ont joué un rôle très important en Amérique centrale : ils ont envoyé des groupes spéciaux d'intelligence et d'instruction travailler avec les contras pour mener la guerre sale au Nicaragua et pour réprimer le mouvement révolutionnaire en El Salvador.

Enthousiasmés, les militaires argentins, convaincus de compter sur un allié stratégique, ont décidé d’envahir les îles Falkland dans le cadre d’une opération mal organisée qui les a fait commettre de graves erreurs militaires. On en pourrait parler beaucoup, mais il serait trop long, car il faudrait parler par exemple du fait qu’ils étaient en train d’acheter des armes en Europe, les fameux missiles Exocet, capables d’être lancés depuis 300 kilomètres et de voler au ras de la mer sans être détectés et qui que ne pouvaient être contrecarrés par les navires de guerre. Ils en avaient achété environ 80 en France. Ils étaient si enthousiasmés qu'ils n'ont même pas attendu l’arrivée de ces fusées-là

Les pilotes ont été, parmi les militaires argentins, les plus audacieux et courageux. J'ai fais la connaissance de certains d’entre eux lorsque j’ai visité Bariloche; j'ai fait une escale dans une base d’où partaient les avions qui ont attaqué et fait couler quelques bateaux britanniques. Ils y ont envoyé des soldats mal entraînés qui ne savaient même pas piloter les fusées; par ailleurs, ils n’en avaient reçu qu’un petit nombre. S’ils avaient attendu six ou sept mois, les pilotes argentins auraient pu faire couler la flotte de Sa Majesté britannique. Je vous le dit franchement.

J’ai passé en revue les erreurs commises, car j'ai assez lu sur cette guerre-là, et je connais tous ces détails. Ils se sont ainsi enthousiasmés parce qu'ils prêtaient d'importants services en Amérique centrale; ils sont maintenant considérés des alliés stratégiques. Cela n’est pas du tout clair. S'il y a une guerre dans le golfe, ils envoient un bateau là-bas. Le golfe est loin, les îles Falkland sont plus proches, et cela ne veut pas dire que je leur conseille de l'envoyer aux îles Falkland; or, si l'on ne peut l’y envoyer, pourquoi alors l'envoyer si loin pour voir la guerre par la CNN.

Dans une guerre de ce genre, livrée avec des armes intelligentes, des missiles de croisière et des bombardiers invisibles qui échappent aux radars, la collaboration qu’ils peuvent accorder est très, très modeste.

Les yankees, par contre, aimeraient organiser une force panaméricaine d'intervention, pour ne pas envoyer des soldats, le moment venu.

Un haut fonctionnaire américain a récemment déclaré qu’un incendie en Amazonie, pouvant porter atteinte à l'atmosphère et de ce fait aux Etats-Unis, pouvait justifier une intervention militaire au Brésil. Seigneur !

Des rumeurs courent sur d’éventuelles interventions en Colombie sous divers prétextes.

Ils aimeraient bien compter sur une force panaméricaine de paix pour y faire la guerre à leur place, tout comme en Afrique, forts de l'expérience de la Somalie, autrement dit des forces d'intervention.

Ils aimeraient aussi compter sur ces forces en Amérique latine, mais je considère qu'à présent, malgré le respect qu'ils inspirent encore chez un grand nombre de gouvernements latino-américains, malgré leurs habitudes de dépendance et d'obéissance, le monde d'aujourd'hui est différent, les intérêts sont différents et les peuples sont plus conscients. Il ne serait pas du tout facile pour les Etats-Unis de créer un groupement de troupes panaméricaines, mais cette idée les enthousiasme beaucoup. Cependant, je ne crois pas que les Latino-Américains mordent à l’hameçon, qu’il soit petit ou grand.

Leur stratégie est facile à déceler : diviser en matière économique, tout inventer, tout transformer en pomme de discorde, vendre des armes, choisir une catégorie d’alliés stratégiques, épaulés par leur potentiel au Conseil de sécurité, encourager le surgissement de plusieurs candidats pour les diviser ensuite au moyen d’une tactique machiavélique.

Qui a dit : «Diviser pour régner» ? Je crois que cette phrase date de l’époque de l'Empire romain. C'est la tactique de diviser pour régner. Cette une phrase très ancienne, qui date de l’époque du premier empire, de celui qui a existé avant celui-ci. Non, il a été suivi de l’empire britannique; or, le premier empire arborait déjà le mot d’ordre de diviser pour régner, tout comme celui soutenu par certains pays dont la politique consiste à diviser : diviser pour affaiblir, diviser pour détruire.

S’ils sont furieux contre Cuba, c’est parce qu’ils n’ont pas réussi à diviser et à détruire, et ce en dépit des grands efforts consentis dans ce sens.

Il y a toute une série de facteurs politiques et économiques qui y jouent.

Aussi, sommes-nous absolument en faveur de l'intégration européenne. Les yankees, eux, ils n’aiment pas du tout cette idée. Nous sommes en faveur de l'Euro; les yankees n’aiment pas beaucoup l’Euro et s’abandonnent à leur imagination. A cet égard, ils disent : «C’est très bien ça, ce sera un grand succès» En fait, ce qu’ils veulent, désirent, c’est que l’Euro échoue pour que le dollar demeure la monnaie unique de réserve sur la planète.

La présence d’une monnaie forte, ou de toute autre monnaie, pouvant concurrencer à un moment donné le dollar serait bénéfique au monde. Mais cela ne leur intéresse pas.

Je réitère qu'ils sont en train de pêcher à deux lignes, car il y a deux mouvements importants à ce jour, dont l’un qui se prononce en faveur de la levée de toutes les barrières à l'échelle planétaire, autrement dit un Traité de libre-échange mondial, et qui veut se servir de l'OMC pour y parvenir avec l'inconvénient que l'OMC regroupe nombre de pays du tiers monde. Je l’ai dit à Genève : il faut s'unir; il faut que la Chine, la Russie et les autres pays de l'ancienne URSS adhèrent à l'OMC, il faut que tous y adhèrent. Ils leur mettent des entraves et leur imposent des conditions parce qu'ils dirigent cette opération, et ce tout simplement parce qu’ils sont suffisamment forts pour le faire.

Ils frappent la monnaie mondiale et ils ont transformé le papier en or. Autrefois, le papier avait une valeur en or, pas maintenant. A partir de sa suppression par Nixon, le dollar n’est pas convertible en or, mais c’est la seule monnaie dont dispose le monde. Ils impriment le papier et les autres le gardent; ils n'épargnent pas et, cependant, sont ceux qui investissent le plus au monde avec l'argent des autres.

Ils aimeraient accélérer le processus d'accords multilatéraux visant à éliminer toutes les entraves aux investissements de leurs transnationales, aux investissements américains, aux technologies et au commerce américain.

Cette question est tellement compliquée qu’elle n’est même pas comprise par nombre de Nord-Américains. En définitive, cela répond aux intérêts impériaux, bien que cela ait créé des difficultés au gouvernement.

A cet égard, Clinton suivait une stratégie intelligente en faveur des intérêts économiques de l'empire; il faut dire dans ce sens que Clinton veille avec zèle aux intérêts des transnationales; il téléphone à n'importe quel pays ou gouvernement lorsque ses entreprises essayent de concurrencer pour décrocher une concession ou une affaire. Il a des téléphones à sa disposition et travaille en étroite liaison avec les entreprises. Mais ses opposants sont même aux Etats-Unis, au sein de son parti, car ils abritent certaines craintes.

Certains entretiennent des rapports étroits avec les syndicats et craignent qu'une usine quelconque soit transférée à l'autre côté de la frontière du Mexique où les salaires sont beaucoup plus bas, ou à Saint-Domingue où il y a 80 zones franches, où en Amérique centrale où le salaire représente un vingtième ou un trentième du salaire perçu aux Etats-Unis. Certains ouvriers ont peur que les entreprises délocalisent ces usines-là. Un certain nombre de législateurs sont associés à ces syndicats et, en quelque sorte, entravent la politique de l'empire et ont même refusé le fast-track à Clinton, mettent des entraves à ses projets, les projets voraces de l'empire qui cherche à avaler et à digérer l'économie latino-américaine, à transformer l'Amérique latine en une région d’usines de sous-traitance, sans que personne ne sache où en est arrivé la production, faute de débouchés.

Les relations entre le Canada et les Etats-Unis sont bien différentes. Le premier exporte au second de l'énergie, même de l'eau potable qui fait défaut dans ce pays-ci, de l'électricité des centrales hydro-électriques et des produits de haute technologie.

Au Canada, personne ne fabrique ni chaussures, ni jeans pour les exporter aux Etats-Unis. Leurs échanges se montent à un milliard par jour, mais ils exportent un autre type de produits.

Pour leur part, les Mexicains exportent du pétrole, du gaz, des matières premières, nombre de produits des usines de sous-traitance qui paient des bas salaires. Le commerce entre le Canada et les Etats-Unis, deux pays développés, et celui entre le Mexique et d'autres pays, dont ceux de l’Amérique centrale avec les Etats-Unis, sont d’une toute autre nature.

Je peux conclure en disant que les Etats-Unis pêchent à deux lignes, et ce inlassablement; ils veulent maintenant accélérer l'Accord de libre-échange des Amériques, mais pour y parvenir ils ont rencontré des difficultés, car la concrétisation de cet 'accord pouvait prendre des années; aussi, ont-ils proposé, les représentants des Etats-Unis en Amérique du Sud, de parvenir à des accords partiels au lieu d’un accord final, et ce en vue de gagner du temps. Un stratagème subtile pour adopter les accords qui les intéressent le plus et pour ajourner les intérêts des Latino-Américains. Au cas où ils accepteraient, - ce qui serait idiot -, car au moment de discuter ce qui les intéressent vraiment, ils n’auraient aucun élément pour discuter. Ils ont eu au moins le sens commun de s’y refuser.

Cette politique est très claire. Comme je vous le disais tout à l’heure, il existe toute une stratégie économique, politique consistant à affaiblir, à diviser, à attaquer et à défendre par tous les moyens à leur portée leurs intérêts économiques, autrement dit les intérêts des sociétés transnationales.

Or, ces deux tendances progressent graduellement. Je crois qu’il serait peut-être plus logique, plus intéressant pour le tiers monde de réaliser d’abord les unions régionales, ce qui lui permettrait d’avoir la force suffisante pour discuter, autrement cela deviendrait le combat entre David et Goliath.

L’Europe elle-même a dû s'unir pour former un ensemble de pays très développés afin de pouvoir résister et concurrencer, pour ne pas être exclue du jeu; en outre, si elle ne prête pas suffisamment d’attention, elle sera aussi exclue. Actuellement, on y défend bien des choses, dont la culture, comme l’industrie des loisirs; ils ne veulent pas céder les chaînes de télévision ou le cinéma aux entreprises nord-américaines. L'Europe se bat actuellement pour défendre certaines choses.

Les pays européens doivent s'unir, car autrement Soros pourrait arriver, ce qu’il l’a déjà fait d'ailleurs, avec ses monnaies. Un beau jour, il a liquidé la peseta española, l'autre le franc, le lendemain la lire et puis la livre sterling. Toutes ces monnaies étaient européennes. L’union n’est pas un acte découlant d’un raisonnement philosophique, mais de l’impérieuse nécessité de parvenir à la stabilité et à l'indépendance économique.

Il faut être conscients du fait que que l'union signifie une renonciation de souveraineté, comme cela s’est déjà passé dans les pays européens. Lorsque l'Euro entrera en vigueur, il y aura une banque centrale européenne tout à fait indépendante. Les gouvernements ne pourront plus faire des opérations avec leur monnaie, par exemple, appliquer des politiques monétaires, élever les taux d’intérêt pour éviter l'inflation, baisser les intérêts. Ces prérogatives des pays développés, d’une importance considérable, auraient alors disparues; elles seraient dorénavant entre les mains d’une banque.

Une offensive est maintenance lancée contre les forces populaires dans le cadre du néolibéralisme qui liquide aujourd’hui des syndicats, tout, même les facilités accordées aux travailleurs dans beaucoup de ces pays, voire plus qu’aux Etats-Unis, et ce en raison de la présence du camp socialiste et de l’URSS et de la crainte du communisme. Aujourd’hui, le néolibéralisme tente de liquider ces conquêtes.

L’Europe rencontre beaucoup de problèmes, dont celui du chômage qu’elle n’a pu pas encore régler, d’où la nécessité de s’unir pour être suffisamment forte.

La Chine, en revanche, n'a pas besoin de s'unir, car elle est déjà, en soi même, une force. Les pays de l’Asie du Sud-Est devront s'unir et la Russie doit nécessairement, pour éviter une tragédie, se redresser. Il s'agit d'une situation fort compliquée, voire sur le plan économique où les symptômes sont déjà visibles.

Une crise très forte vient par exemple d’y faire irruption. Personne n’a trouvé une réponse, en dépit de grands efforts consentis. Pour y remedier, le Fonds monétaire devra accorder des prêts de l’ordre de 10 ou 15 milliards. Certains disent que ces prêts ne sont pas nécessaires, alors que d’autres affirment qu’il faut d’urgence compter sur ces 10 ou 15 milliards. Or, le Fonds monétaire a dû utiliser presque tous les fonds en Asie du Sud-Est et en Corée du Sud. Les réserves du Fonds monétaire ne sont que de 10 ou 15 milliards. Les Russes ont besoin maintenant de 10 à 15 milliards; les pays de l’Asie du Sud-Est ont besoin de davantage d'argent pour contrer les effets de la crise; le Japon, lui, a besoin d’argent pour revaloriser le yen; il s’agit-là d’une autre manoeuvre astucieuse des voisins du Nord : ils achètent des yens, car la chute permanente du yen pourrait détruire finalement l'économie de l’Asie du Sud-Est. Nous vivons une époque chargée de grands risques, peut-être celle d'une crise économique globale imminente. Cela ne veut pas dire qu’elle soit la dernière ou la fin du capitalisme, mais il en faudra peut-être d’autres; or, ils courent des risques.

A quelles armes font-ils appel ? Au premier chef, au mensonge. Etant donné que la panique est un ingrédient des crises financières aux bourses, et que celles-ci se sont énormément gonflées aux Etats-Unis, le risque de crise pèse sur tout le monde. Il existe même la possibilité que tous commencent à vendre des actions, que leur valeur chute dramatiquement et que des millions de personnes de classe moyenne dont parlait Clinton soient ruinées, et qu’une crise similaire à celle survenue en 1929, éclate.

Les Etats-Unis cherchent inutilement à inventer des choses pour l'éviter; ils sont en train de chercher midi à quatorze heures, de tout faire pour y trouver une solution. Le Fonds ne compte plus suffisamment d’argent pour y parvenir. Clinton a demandé 18 milliards en faveur du FMI, à quoi la droite américaine a répondu : «Pas du tout». Ils refusent de donner ces 18 milliards pour renforcer un peu le Fonds.

Qu'est-ce qu'on fait maintenant lorsque le yen chutait et menacait d’en finir avec les économies et de créer une catastrophe qui pouvait toucher l’Amérique latine ? Car les conditions requises à cette fin existent dans certains pays importants. Les opérations des spéculateurs trouvent au Brésil, par exemple, un terrain fertile, et ce grâce à une monnaie surévaluée, à un énorme déficit budgétaire et un compte courant très déficitaire, à quoi viennent s’ajouter les risques découlant de la diminution des prix des produits d’exportation des pays de l’Asie du Sud-Est, ce qui porterait atteinte à leurs exportations. Il y a donc des pays sensibles, très sensibles; et lorsqu’une crise touche un pays comme le Brésil, celle-ci se répercute immédiatement dans d’autres comme l’Argentine, pouvant même reculer et arriver au Mexique. Voilà la situation actuelle.

Lorsque le yen a commencé à chuter dangereusement, l'économie mondiale a eu peur. Les yankees, qui imposent des conditions de tout genre aux Japonais, leur ont dit : «ouvrez portes et fenêtres», tandis qu'ils avaient toujours affirmé : «développement, mais sur la base de l’argent des Japonais», qui sont ceux qui économisent le plus au monde, «les banques japonaises»; «les compagnies d'assurances japonaises, les industries japonaises» se sont empressées de freiner la chute du yen.

Est-ce qu’Ils ont agi par philanthropie ? Non, ils craignaient plutôt les retombées de cette chute au-delà de certaines limites. Ils ont immédiatement investi 8 milliards, ce qui leur a permis de revaloriser un tout petit peu le yen, de 146 yens le dollar à 138. Mais personne ne saurait en prévoir la suite, car ils sont à la merci des phénomènes incontrôlables.

Ils faisaient appel au mensonge pour se protéger, en disant par exemple : «Ça va, l’économie fonctionne à merveille. Les Etats-Unis ne courent aucun danger, le taux de chômage est plus bas que jamais, il n’y a pas d’inflation et il y a même un excédent budgétaire.»

C'est la tactique du Fonds monétaire international et de la puissance dominante. Chaque fois qu'il y a une crise quelque part menaçant les intérêts du système, Clinton se précipite pour dire : «Tout marche bien, les mesures prises sont géniales.» Et, le représentant de la réserve déclare : «Oui, oui, les mesures prises sont miraculeuses. L'économie marche à merveille, tout va très bien.» Et celui de la Banque mondiale dit: «C'est très bien». Au premier rang, le président du Fonds,pour éviter la panique.

A la suite de la dernière crise financière russe, les Russes ont inventé je ne sais pas combien des choses pour essayer d'encaisser un peu d'argent, car l’un des problèmes que rencontrent les Russes, c’est précisément la collecte d’impôts. Ces gens-là, devenus multimillionnaires du jour au lendemain, en plus de détourner vers l'étranger entre 200 et 300 milliards, ne payent pas des impôts. Si l’on ne collecte pas d’impôts, on ne peut payer ni l'enseignant, ni l'employé, personne.

Que fait alors le Fonds monétaire ? Alors qu'ils ont suspendu la remise de 670 millions gelés d'un crédit accordé dans le passé, alors qu'ils octroient des crédits par tranches, ils demandent de privatiser le gaz, le pétrole, ce qui reste; ils imposent des conditions et leur signalent la nécessité de collecter les impôts. Ils gardent le calme. Lorsque les autres désespèrent, c'est le bon moment pour exiger, voilà leur tactique. Par ailleurs, ils vantent à outrance les mesures proposées par le nouveau gouvernement, pour rétablir la confiance et gagner du temps.

Ils font connaître maintenant des choses qui se passaient en Asie du Sud-Est, ce dont ils ne parlaient point avant, par exemple du dévelopement des pays de cette région : «Ils contituent un modèle à imiter par le monde».

Lors de la catastrophe, ils commencent à raconter tout ce qui s'est passé avec les banques : la politique bancaire, la façon dont les crédits étaient répartis, les privilèges, la corruption, etc; mais avant, ils ne disaient un traître mot. Ils ont trompé le monde; ils font recours au mensonge très souvent; ils se servent du Fonds monétaire pour appliquer une politique impériale et dominante. Cette fois-ci, ils ont, en grande hâte, acheté des yens avec l’argent américain; ils devront ensuite les vendre, tout en imposant des conditions draconiennes : «Changez, ouvrez les portes tout grand aux investissements, mettez-vous à genoux». Voilà ce qu’ils disent au gouvernement japonais, et, à ce qu’il semble, les Japonais ont du mal à se mettre à genoux, ils ont toujours opposé une forte résistance.

J'ai déjà dit qu’il y a deux voies : les accords régionaux et les accords multilatéraux. A la fin de ce processus inéluctable de mondialisation, toutes les deux se rencontrent, car ce sont les sociétés transnationales celles qui maîtrisent la planète. Il n'y a pas et il ne peut y avoir de programme, de sens commun, c'est le marché qui règle et decide tout.

Le marché - je l'ai dit il y a quelques jours - est une bête folle, défoulée, féroce, qui seme le chaos partout. Telle est la situation économique mondiale.

Etant donné qu’on avait commencé à parler du Mexique, qui fait partie maintenant de cet accord, lorsque le multilatéralisme semble l’emporter, ce pays rencontrera les mêmes difficultés. A présent, ils sont régis par un régime de partenariat avec le voisin du Nord; ensuite, ils devront s'associer au monde.

Reste à savoir maintenant ce qui va se passer dans l’avenir, autrement dit si ce monde sera durable du point de vue économique, car le monde mondialisé qui s’approche est un monde conçu il y a plus de 150 ans.

Marx avait parlé il y a 150 ans des éventuelles retombées du développement des forces productives et de la technique, possibilité qui se présente aujourd’hui à nos yeux dans toute son ampleur.

Ce phénomène irréversible s’amplifie et se développe à un rythme croissant. Personne ne saurait le freiner. Evidemment, les Etats-Unis s’y oppose; même s’ils voudraient le faire, ils n’en arriveraient pas, car il renferme plusieurs gouvernements : un procureur fait ceci, le Congrès fait cela, le président agit autrement. Par conséquent, la situation interne est assez chaotique, ce qui leur empêche de prendre des décisions et d’appliquer une stratégie cohérente.

Clinton a défini une stratégie économique assez claire qui favorise les intérêts économiques des sociétés transnationales; or, il est incapable de l’appliquer ne serait-ce que partiellement. Ceux qui détiennent des dizaines de milliards ne demandent à personne où serait investi l’argent, la monnaie qu’ils vont acheter, le mouvement spéculatif qu’ils vont réaliser.

Savez-vous qui prend les décisions ? Les ordinateurs, auxquels ils ont introduit une série des paramètres, à l'instar de ces ordinateurs qui pouvaient jouer aux échecs et donner une réponse à chaque mouvement des pièces adversaires. Leur réponse a été la suivante : «Si l'adversaire déplace le pion, tu dois déplacer cette pièce-là.»

En fait, les ordinateurs donnent des ordres aux agents du capital financier : «Vendez cette monnaie immédiatement, achetez celle-là. Vendez l'action telle ou telle d'un pays quelconque, achetez celle-là. Placez des millions par-ci, placez d'autres par-là. L'argent n'appartient plus aux Etats-Unis, mais aux sociétés transnationales. C'est la vérité. Les sociétés transnationales décident les questions les plus importantes du monde contemporain, à savoir le mouvement des capitaux. Qui détient les finances au monde, de la planète mondialisée ? Personne.

Il y a belle lurette que les sociétés transnationales se sont internationalisées. Nous pouvons dire alors que les sociétés transnationales sont internationalistes (Rires). Elles n'ont plus de patrie. Elles ne font appel au gouvernement que pour lui demander protection. Devant la moindre difficulté, le moindre conflit : «Ecoutez, on veut m'arracher un morceau», et alors le gouvernement américain commence à prendre des mesures. Les transnationales agissent à leur guise partout dans le monde, sont celles qui commandent. C'est le chaos.

L'environnement ? Elles s'en fichent !

Tout cela saute aux yeux et les jeunes doivent être conscients de toutes ces questions, car ce sont eux qui devront faire face à cette situation, autrement dit à la mondialisation la plus absolue et aux sociétés transnationales éparpillées partout dans le monde.

Qu'est-ce qu'il va donc se passer avec l'environnement ? Un grave problème concerne, entre autres choses, la nature, un problème vraiment sérieux. Et ce n’est plus Rubiera qui en parle, ce n’est pas un théoricien qui en parle (Rires), mais les voisins qui, du jour au lendemain, doivent supporter une chaleur insupportable, ou un pays où il pleut 80 fois en 110 jours de récolte sucrière, comme à Matanzas, alors qu’il ne pleut pas lorsqu'il faut planter la canne à sucre, une catastrophe; ou des cyclones qui ne viennent pas de l'Est mais de l'Ouest.

Et les vents de plus de 100 kilomètres qui ont renversé les plantations de bananes ? C’étaient des cyclones venant de l'Ouest et pas un seul, mais plusieurs; il n'y a pas eu des pénétrations de la mer, mais les vents ont causé des dégâts considérables aux plantations de bananes, de fruits ou d'autres cultures.

Il y a eu un cyclone à Moscou. Peut-on imaginer un cyclone à Moscou ? Un ouragan a traversé le pays de nord à sud, faisant plus de 1 000 personnes blessées et causant des dommages incalculables; les vents étaient de plus de 100 kilomètres à Moscou, soulevant une chaleur de je ne sais pas combien de dégrés, presque plus qu'à La Havane. Par conséquent, les dommages causés à l'environnement sont une réalité, non pas des théories. Les futures générations devront au siècle prochain essayer de sauver l'environnement.

Le monde chaotique que nous offre la mondialisation capitaliste ne peut survivre, ne peut subsister et entraînera une crise inévitable. Voilà pourquoi je disais que les méthodes appliquées au siècle dernier n'étaient les plus appropriées, pas non plus celles de la première moitié de ce siècle, même pas celles mises au point après le triomphe de la Révolution, car à ce moment-là, il y avait une étape d'équilibre mondial.

Des révolutions comme celle de Cuba auraient pu survenir en Amérique latine, car toutes les conditions objectives étaient réunies; c’étaient les facteurs subjectifs ceux qui faisaient défaut.

Aujourd’hui, les questions ont un caractère différent, mondial. La force du peuple, l'éducation, la conscience, les masses avec un pouvoir grandissant seront celles qui devront régler ces problèmes.

A vrai dire, ce ne sont pas les faits d’un pays ceux qui comptent actuellement. Prenons l’exemple d’une révolution qui triomphe aujourd'hui dans un pays isolé en Amérique centrale, à quoi devrait-elle faire face dans ce monde dont je viens de parler, combien de temps pourra-t-elle survivre ?

Combien de temps pourrait-elle survivre après l'arrivée de la Banque Interaméricaine et que cette banque lui retire tous les crédits, et qu'une autre arrive et lui ferme les marchés ? Il faut même pas tirer un coup de feu.

Il serait presque sage de dire: «Soyez patients les révolutionnaires».

S'ils gagnaient les élections - j’en ai parlé à la rencontre avec les femmes, document qui n’a pas encore été publié, car je veux bien le réviser, mais je n'ai pas encore eu de temps -, il faut faire tout d'abord maintes concessions pour ne pas effrayer qui que ce soit, car autrement on va dire : «Celui-ci va effrayer le capital parce qu'il dit des propos trop radicaux». Il faut modérer le langage, même les programmes. Lorsqu'ils accèdent au gouvernement, ils ne peuvent faire presque rien, même s’il s’agit d’un parti de gauche; les autres détiennent déjà les médias, toutes les ressources, le capital, les technologies, tout.

Bien sûr, il ne faut pas décourager la lutte, tant s'en faut; bien au contraire, il faut dire à tous qu'ils doivent lutter où que ce soit : les femmes, les étudiants et les paysans doivent lutter où que ce soit, à l’usine, au syndicat, partout.

Il y a des mouvements très intéressants, comme celui de Sans Terres au Brésil, une nouveauté; il y a des terres sans exploiter; ils les occupent et attendent aux calendes grecques pour assister à une réforme agraire. Il y a aussi des mouvements comme ceux de sans abri; comme il y a beaucoup de maisons inhabitées, ils se mobilisent et les occupent.

De nouveaux mouvements de masse voient le jour avec une force extraordinaire; je suis d'avis que ces mouvements vont jouer un rôle très important dans les luttes futures.

Les tactiques ne seront plus comme les tactiques bolchéviques, même pas comme les nôtres. Ce seront les tactiques d'un monde nouveau.

Dans le monde que nous vivons actuellement et que j’ai essayé de définir, il faudra mettre en pratique de nouvelles tactiques, et je ne veux pas du tout décourager personne, nulle part. Nous essayons tout simplement d'analyser le plus objectivement possible la situation actuelle et le développement de la lutte, sous la domination unipolaire d'une grande puissance : les Etats-Unis.

Il faudra certainement trouver d’autres solutions, emprunter d’autres chemins pour que ce monde mondialisé soit transformé en un monde différent. Je ne conçoit que la mondialisation socialiste, il ne peut y avoir d’autres. Je comprends d’ailleurs que le monde marche vers des formes de gouvernement international, planétaire. Il existe un certain schéma. L'ONU est le premier embryon, assez limité maintenant par les Etats-Unis.

On discute actuellement l’idée d'une cour pénale internationale. Les Nord-Américains, que prétendent-ils ? Qu'elle soit placée sous l'égide du Conseil de sécurité où ils imposent leur politique. Quelles sont les véritables aspirations de nombre de gouvernements et de centaines d’organisations y représentés ? Qu'elle soit tout à fait indépendante pour juger et non pas pour qui que ce soit vienne exercer le droit de veto.

Que se passe-t-il si quelqu’un commet des crimes de guerre ? Les Etats-Unis opposent leur veto s’il s’agit d'un ami ou d'un allié. C'est le pays qui a exercé le plus ce droit.

Quels sont les crimes de guerre ? Nous avons exprimé que le blocus économique devait figurer parmi les crimes de guerre les plus importants commis contre un peuple. Nous sommes certainement en faveur de la création d’une cour pénale internationale; or, celle-ci doit être indépendante et non pas être sous l'égide du Conseil de sécurité. Si l’on veut, sous le contrôle de l'Assemblée générale, ce qui serait raisonnable.

La ministre mexicaine a dit que son pays luttait pour la concession de davantage d'attributions à l'Assemblée générale. En fait, l'Assemblée générale est devenue un zéro, elle est presqu'un carrefour d'opinions, un organe pour façonner l'opinion mondiale et exprimer des critères; un seul pays exerçant le droit de veto peut annuler tout accord de cet organe. Il faut se battre pour restituer les pouvoirs à l'Assemblée générale des Nations Unies.

Les Etats-Unis ont instauré la dictature du Conseil de sécurité qui a le droit d’opposer son veto à tout accord pris par le Conseil de sécurité par majorité des voix. Il peut y avoir 10 pays qui votent en faveur d'une question, mais l'accord serait nul sans l'approbation des Etats-Unis; il peut y avoir neuf, huit qui soient aussi pour; il peut même y avoir 14, mais l’accord ne serait pas approuvé si les Etats-Unis s’y opposent. Ils opposent leur veto à tout accord, depuis huit jusqu’a 14, car avec sept voix seulement pour, il ne peut y avoir accord; il peut y avoir depuis huit jusqu’à 14 voix pour, et l’accord serait aussi nul et non avenu, c’est tout. Compte tenu de leur pouvoir et des pressions de tout genre qu’ils exercent, ils peuvent contrôler les mécanismes, le Conseil de sécurité. Or, ils ne peuvent contrôler l’Assemblée générale, c’est plus difficile.

Depuis cette tribune-là, nous disons toujours aux pays du tiers monde : Unissez-vous ! L'impérialisme trompe les gens et mène une politique erronée. Il promet à celui-ci une chose, à celui-là, une autre chose, et ce pour diviser les pays - ce dont je vous parlais - latino-américains.

Le monde aura besoin d’un gouvernement, le XXIe siècle aura besoin d'un gouvernement. Qui pourra empêcher qu’ils puissent détruire ce qui reste de la nature, des mers ou de l'atmosphère ? Dans un monde mondialisé où toutes les économies sont totalement entrelacées, qui va donc gouverner ? Les sociétés transnationales ne peuvent gouverner, car elles sont livrées à une guerre les unes contre les autres, sans oublier les concurrences, les fusions, entre autres choses.

Le monde a besoin d'un ordre. Il faut instaurer un ordre mondial, global, juste, démocratique. Il y en un qui arrive, qui avance à grands pas, irrésistible, celui de la mondialisation néoliberale; il faut commencer à penser à un autre et, en attendant, il faut dénoncer et lutter.

Je fais beaucoup de confiance aux peuples et aux masses, et cette confiance s’est accrue lors de mes voyages à travers le monde, aux Nations Unies, aux réunions de Rio de Janeiro, partout. La force de la vérité est illimitée, et lorsqu'on arrive à ces rencontres et qu'on dit cette vérité, on dit tout simplement ce à quoi pense l’immense majorité sans pouvoir le dire. C’est pourquoi je dis qu’on nous a accordé maintenant le privilège, presque exclusif, de dire cette vérité.

Le monopole de dire la vérité nous appartient. Cette vérité est connue bien d'autres qui ne peuvent la dire.

Sincèrement, je me sens très libre lorsque je dit cette vérité. Et pas seulement libre, car je ne me consacre pas seulement à dire des vérités, car ce sont des vérités qui doivent faire partie d’une stratégie. Il faut non seulement la vérité, mais aussi une stratégie. Il faut dire les choses au moment opportun, ni avant ni après; il ne faut pas diviser les forces, mais les concentrer; il faut déceler le problème essentiel et attirer le plus grand nombre de gens pour atteindre cet objectif; il ne faut pas ouvrir dix fronts simultanément, mais le minimum de fronts, de préférence un front, et il en existe déjà un capable de concentrer beaucoup de causes : l'impérialisme, la puissance hégémonique et sa politique de domination mondiale. Hé bien, c’est celui qui donne des ordres ou qui veut dire au monde ce qu’il faut faire; il y en a qui obéissent, alors que d’autres s’y opposent et résistent. Voilà ce qui se passe en réalité.

Les problèmes auxquels se heurte le Mexique, liés à son partenariat économique avec les Etats-Unis dans le cadre du Traité de libre-échange et ce dont vous étiez inquiets, ont, à mon avis, un caractère temporaire, car l’évolution même, le déroulement des événements, feront en sorte que les accords de ce genre soient dissouts dans le multilatéralisme et que les rapports économiques entre les pays soient plus généraux. Cuba, qui ne fait pas partie de la planète Mars, devra être admis au sein de toutes les institutions internationales car le peuple nord-américain lui-même oppose une résistance toujours plus tenace à toutes les folies du blocus imposé contre notre pays, et en a de plus en plus honte. Le monde condamne à l’unanimité le blocus.

Il ne faut pas désespérer, il n’y aura aucune concession. Notre pays ne fera la moindre concession face au blocus, ou face aux pressions. Nous ferons ce qui conviendra le mieux au pays, à la Révolution, au peuple, et suivant le même principe d'unité et de consensus.

Nous devrons aussi nous acquitter du devoir d’éduquer notre peuple, étant donné que nous faisons face à des situations nouvelles et qu’il est nécessaire qu’elles soient comprises par tous ceux qui ont appris à lire et à écrire. Si j’y consacre tellement de temps, c’est parce que je suis intéressé à ce que notre peuple apprenne et comprenne toutes ces questions.

Je me souviens qu’aux premières années de la Révolution il fallait convaincre pas mal de gens et ce parfois par des lois révolutionnaires, mais en donnant toujours des explications.

Il y a encore des gens qui ne comprennent pas ; il y a tout d’abord ceux qui ni lisent des journaux ni écoutent des nouvelles ni savent rien ; ils sont dans les nuages. Voilà pourquoi j’ai dit récemment qu’il y a des adultes qui ont aussi besoin d’éducation spéciale (Rires). Nombreux sont ceux cependant qui comprennent, et s’ils ne comprennent plus il faut avouer que c’est notre faute. Personne n’en est responsable.

Tu avez-toi une question à poser, n’est-ce pas ? Puisque je t’ai fait attendre je veux te dire ne serait-ce que trois mots car j’ai d'autres engagements. Je pensais rester ici cinq minutes et voilà le temps que j’ai dû vous accorder.

A propos de la visite du président de la Colombie, quels sont vos commentaires ?

Très bien. Nous nous rejouissons d’accueillir le président de la Colombie. Lui, il est le président du Mouvement des pays non alignés. Son gouvernement a toujours entretenu des relations amicales avec nous et de ce fait nous allons l'accueillir avec tous les honneurs et toutes les prévenances qu'il mérite.

Il viendra participer à une réunion des ministres de la Santé publique du Mouvement des pays non alignés. Il s’agit d’une réunion importante et il est intéressé à l’inaugurer. Il sera à Cuba sur notre invitation. Une fois terminée la réunion, il réalisera une brève visite officielle de notre pays.

Il sera fort fascinant de causer avec lui parce que nous sommes vraiment intéressés à écouter ses points de vue sur plusieurs questions. Nous aimerions connaître ce qui se passe en Colombie. Il faut toujours apprendre, mais pour cela il faut non seulement parler mais écouter les avis des autres. La parole exerce certainement l’esprit mais en écoutant on reçoit des informations, des idées, des points de vue, bref, on apprend. Les informations reçues constituent la matière première du produit fini finalement élaboré dans le cerveau.

Nous avons récemment reçu de nombreux visiteurs: le ministre italien des Affaires étrangères ; le président de l'Internationale socialiste, M. Mauroy, un homme d’une grande expérience, ancien premier ministre de la France. Peut-on imaginer tout ce qu’il sait sur l'Europe et le monde, entre autres choses ? Peut-on imaginer ce qu’on pense là-bas, quels sont les critères sur ces mêmes questions dont nous parlons ici, la question de l'Europe, de l'intégration, de l'euro ? Cela me permettra de connaître sa vision, ses vues sur des thèmes dont moi-même je me pose des questions.

Ziuganov, un homme très intelligent, très bien informé, nous a récemment visité. Etant donné qu’il représente une force politique importante, il est fort intéressant de connaître ses points de vue sur la situation que traverse la Russie, pays auquel nous attachons tant d’importance. Nous espérons que la Russie pourra surmonter la crise et éviter ainsi une désintégration qui serait catastrophique.

Les calamités pèsent sur nous et parfois elles vont plus vite que prévu. Par exemple, rien qu’en 30 jours quatre événements ont eu lieu : le recul de la crise économique en Asie du Sud-Est, la crise politique et sociale en Indonésie, onze essais nucléaires en Asie méridionale, ce qui pourrait déclencher pour la première fois des guerres nucléaires régionales - danger inexistant jusqu'à présent - ; et une profonde et sévère crise économique en Russie. Quatre événements en trente jours seulement ! Et ces problèmes éclantent alors que d’autres encore plus graves et nombreux ne sont pas encore réglés.

Nous sommes avides d’informations, d’avis. Récemment, le ministre français des Transports a visité notre pays. Il est membre du parti, il est communiste et membre de la coalition avec les Socialistes.

Le ministre espagnol des Industries, qui a donné aujourd'hui une autre conférence au grand amphithéâtre, est, incontestablement, un homme très instruit, très intelligent, très sérieux et très informé avec lequel on se fait le plaisir de parler.

Nous avons eu le privilège d’accueillir quelques visiteurs qui nous ont tous appris quelque chose. On parle à peine de Cuba. Nous leur expliquons que Cuba est une toute petite île, située dans cet hémisphère, non pas dans une autre planète. Aucun pays ne peut trouver des solutions sans tenir compte de ce qui se passe dans le reste du monde. Mais, des efforts énormes sont consentis pour y parvenir.

Nous sommes très heureux de recevoir Samper. C’est un homme respectueux, amical, qui a toujours été juste avec Cuba et qui sera donc reçu avec tous les honneurs. Il sera très utile pour nous de connaître ses opinions.

Nous sommes au courant des opinions de Colombiens ayant de critères politiques différents. Diverses personnalités nous rendent visite, et n’allez pas croire que nos visiteurs se limitent à ceux qui paraissent dans les journaux. Je cause longtemps avec pas mal de personnes qu’on ne voit pas dans les journaux. Moi-même, je parais assez peu dans les journaux, et si j'y suis c’est une faute à vous, car vous êtes toujours aux aguets, vous me poursuivez pour m'obliger à parler (Rires).

Que peux je faire et comment m’acquitter de mes obligations aujourd'hui ?

Juste une question commandant, je sais qu’elle est hors de propos ; elle porte sur un ami commun : Silvio Rodríguez. Que pensez-vous de Silvio ?

Je crois que ce type de question ne doit pas se poser. A mon avis, Silvio est l'un des intellectuels les plus illustres et intègres de notre pays. Je suis son ami, je l'apprécie énormément et je suis fier que notre pays compte des hommes comme lui.

Je vous remercie. (Applaudissements et exclamations de «Vive le commandant en chef !» et de «Vive la Révolution !»