Discours (enrichi par l'auteur de quelques détails supplémentaires) de Fidel Castro Ruz, président du Conseil d'Etat de la République de Cuba, devant le groupe d'enfants ayant servi de cordon de protection de la Section d'intérêts des Etats-Unis à La Havane, lors du défilé de protestation pour réclamer le rapatriement de l'enfant Elián González (Cercle social José Antonio Echeverría, le 23 décembre 1999, année du quarantième anniversaire de la Révolution.

 

Chers pionniers,

Je ne voudrais pas être trop long, mais j'ai de toute façon un certain nombre de choses à vous dire. Bien que le temps presse ces jours-ci, il ne faut pas nous arrêter de travailler et de lutter.

Vous savez pourquoi vous êtes ici, n'est-ce pas ? (Réponses de Oui.) Parfait, vous le savez.

Vous savez qu'un enfant comme vous - plus petit que vous, en fait, puisqu'il vient de fêter ses six ans et que vous êtes, vous, des trois dernières années du primaire - est séquestré aux Etats-Unis.

Vous avez entendu beaucoup de déclarations, on vous a expliqué ce qu'il s'était passé, et je n'ai donc pas à le répéter ici. Mais imaginez une seule seconde que cela arrive à n'importe lequel d'entre vous, qu'on vous emporte, que vous ayez un malheur, une tragédie comme celle de cet enfant qui a perdu sa maman, et tout ceci à cause de l'hostilité de cette nation-là, du gouvernement de ce puissant pays qui stimule les voyages illégaux, et se fiche pas mal que des enfants meurent, ou des mamans, ou des femmes.

Notre pays n'empêche pas les familles d’émigrer. Les USA délivrent un certain nombre de visas tous les ans, parce que vous avez toujours des personnes qui rêvent de déménager dans un autre pays, et comme le pays en question a pillé le monde et continue de le faire, qu'il exploite le monde, eh bien il possède beaucoup de richesses et peut disposer de nombreux pauvres qui y travaillent, des millions de Mexicains, d'Haïtiens, de Dominicains, de gens de bien d'autres nations qui font les travaux les plus durs, comme couper la canne, cueillir des tomates ou des fruits. Il utilise donc des immigrants de ces pays que je vous disais pour leur faire faire les travaux les plus difficiles et les plus mal payés.

Vous savez que dans notre pays, et dans n'importe quel pays juste, la richesse se distribue entre tous. L'égoïsme n'existe pas dans un pays juste. Ces gens-là, en revanche, profitent du fait qu'il existe des gens très pauvres pour leur faire accepter les pires travaux, et sans le moindre avantage social, sans assistance médicale, sans éducation; le lot de ces pauvres, c'est l'exploitation, l'obligation de travailler pour les riches.

Quand vous, les enfants, vous allez faire un jour une activité quelconque, ou quand un lycéen va à la campagne cueillir des tomates, des légumes, ce n'est pas pour vous, ce n'est pas pour gagner de l'argent : c'est pour que ces produits soient envoyés ensuite dans les hôpitaux, dans les foyers, à la population, et aussi pour que vous appreniez, comme le disait Martí, en combinant les études et le travail.

Et c'est pour ça que vous pouvez constater, vous les pionniers, que notre jeunesse est capable de faire de grands exploits, parce qu'elle n'a pas peur de gâcher du mortier ou de couper les mauvaises herbes ou de travailler deux ou trois heures en plein soleil. Voilà pourquoi Martí disait qu'il fallait combiner les études et le travail comme la meilleure forme d'éducation.

Mais cela ne peut arriver que dans notre pays, ici. Parce que là-bas, les travaux durs sont réservés aux immigrants qui viennent des pays pauvres. Les riches ne font aucun travail de ce genre, ceux-là n'ont jamais cueilli une tomate.

Et voilà pourquoi bien souvent des personnes et des familles des pays pauvres, parfois influencées par la propagande des sociétés qu'on appelle de consommation - ce qui veut dire des sociétés de la pacotille - aspirent à y aller pour y faire n'importe quel travail.

La politique de la Révolution est la suivante : si quelqu'un veut partir de notre pays pour aller dans un autre pays, et que le pays en question lui donne un visa d'entrée, eh bien, il peut partir. Notre pays n'interdit à aucune famille d'émigrer, parce qu'édifier une société révolutionnaire et juste comme la société socialiste, c'est une décision volontaire et libre.

Bien entendu, les enfants ne sont pas responsables de cette situation . Les enfants ne sont que des enfants, ils sont en train de se former, d'apprendre, ce ne sont pas des adultes, et nous respectons le droit de la famille de décider pour eux. Si une famille veut partir à l'autre bout du monde avec ses enfants, personne ne le lui interdit. Ce n'est pas non plus la faute de notre pays que des gens veuillent partir illégalement, ce qui est dangereux. Pourquoi partent-ils donc illégalement ? Eh bien, parce que la Section d'intérêts ne leur délivre pas de visas, celle justement que vous avez protégée. Elle en délivre une quantité limitée, et si ceux auxquels elle n'en délivre pas partent illégalement, là-bas on ne leur oppose aucun obstacle.

Beaucoup de ceux qui veulent partir légalement ne reçoivent pas de visas, parce que leur niveau culturel n'est pas assez élevé, parce qu'ils n'ont pas les connaissances professionnelles requises, ou alors parce qu'ils n'aiment pas travailler, qu'ils n'ont pas l'habitude de le faire, ou alors parce que ce sont des asociaux, dont beaucoup ont un casier judiciaire chargé. Donc ils partent illégalement, sans aucun visa, et ils sont bienvenus aux Etats-Unis. On leur y applique une loi dont vous avez entendu parler beaucoup ces derniers jours, qui leur donne le droit de séjour et même le permis de travail, s'il y a des emplois libres. Et bien que nos deux pays aient signé un accord selon lequel les USA délivrent vingt mille visas par an afin que les familles puissent émigrer légalement, en sécurité, sans le moindre danger - car c'est là le but de ces accords - que font ceux qui sont exclus de cette quantité, parce qu'ils n'ont pas les qualifications requises ou qu'ils ne veulent pas attendre ? Eh bien, ils volent un bateau, ou ils le fabriquent, ou ils montent à bord de vedettes rapides qui viennent des Etats-Unis, et le voyage coûte des milliers de dollars que paient leurs familles qui vivent là-bas. Là où tiennent six personnes, il en monte quinze. Les bateaux coulent bien souvent en cours de route et les gens se noient.

Autrement dit, ceux à qui ils ne délivrent pas de visas, les Etats-Unis leur permettent de voyager d'une façon ou d'une autre et les reçoivent, ce qui a pour conséquence que des personnes se noient, ou que des familles emmènent des enfants dans des conditions risquées. Et j'affirme que ça ne devrait jamais arriver, parce que personne, même pas ses parent, n'a le droit de risquer la vie d'un enfant !

Les autorités des Etats-Unis, elles, se fichent pas mal de ce qui se passe. Il existe pourtant une façon de voyager en toute sûreté. Serait-il juste qu'on vous monte, n'importe qui d'entre vous, sur un radeau, sur une vedette de ce genre qui peut couler en chemin ? (Cris de Non !) Non, ce ne serait pas juste. Ce serait pratiquement la seule fois où un enfant aurait raison de désobéir à ses parents. En tout cas, moi, si j'étais un enfant, je m'opposerai à ce qu'on me fasse monter sur une de ces vedettes, sur un de ces radeaux qui se déglinguent en chemin. C'est bien triste, quand ça arrive.

Cuba a insisté pour qu'on ne stimule pas les départs illégaux. Cette loi des Etats-Unis dont je vous ai parlé, elle n'existe que pour Cuba, elle ne s'applique à aucun autre pays au monde. Elle sert à faire de la propagande contre nous, à dire des mensonges, au point que bien des gens ont risqué la vie et l'ont même perdue.

Quand nous avons signé les accords migratoires, les Etats-Unis se sont engagés à ne pas stimuler les départs illégaux, mais ils n'ont pas tenu parole, comme l'ont expliqué de nombreux compañeros, comme l'a expliqué Alarcón qui a discuté avec eux de tous ces accords, et ils n'ont pas tenu parole parce qu'ils continuent de stimuler les départs illégaux. Des personnes meurent, des mamans, des enfants, des jeunes, des personnes âgées à cause de cette loi, à cause de cet encouragement aux départs illégaux, ce qui explique des cas aussi dramatiques que celui qui vient d'arriver.

Dans ce cas-ci, dont on connaît toute l'histoire, ce bateau à bord duquel on a fait monter le petit Elián pour un voyage aventurier, c'est un délinquant qui l'a préparé, un individu violent et agressif qui n'a jamais rien fait de sa vie. Il était allé illégalement aux Etats-Unis, où il y restait environ trois ou quatre mois, il est rentré ici tout aussi illégalement, on l'a découvert, il a passé quelque temps en prison, peut-être trois ou quatre mois. Quelque chose de vraiment très bizarre : il part illégalement, il rentre illégalement. Qui est donc cet homme-là ? Il a dit qu'il était parti, qu'il s'était ennuyé, qu'il s'était repenti, et on l'a relâché. On l'a ramené à son lieu de résidence, qui est Cárdenas pour qu'il travaille s'il le voulait, bien que cet individu n'ait jamais rien fait de sa vie.

C'est cet homme qui est le principal responsable de cette tragédie. Pourquoi? Je dois vous le dire pour que vous le compreniez. Il est devenu le beau-père, et il y a des beaux-pères qui sont très bons et qui s'occupent des enfants avec beaucoup d'attention. Cet enfant de moins de six ans ne savait ce qu'il se passait, et ce bandit dont je vous parle est le principal responsable de cette aventure : il a fabriqué un bateau avec la complicité d'un ou plusieurs scélérats qui se prêtent à ce genre de choses, en volant des matériaux par ci par là, un bateau précaire. Et c'est ce monsieur qui faisait fonction de beau-père, et non de vrai père, de l'enfant, et encore moins un beau-père qui aurait agi en vrai père, mais un sujet perfide, qui a influé décisivement sur le départ du petit Elián, parce qu'il a poussé et intimidé la maman. Et c'est ainsi qu'avec d'autres personnes qui avaient payé mille dollars, ils sont lancés en mer sur cette embarcation minable, emportant la mère et l'enfant.

Il y avait d'autres enfants, mais je ne pourrais pas vous dire exactement combien. Il y en a au moins un autre qui s'est noyé. Une fillette s'est sauvé par pur hasard : il faisait mauvais, le bateau est revenu à la côte pour chercher une pièce, et le père et la mère de la fillette l'ont laissée à terre et ne l'ont pas prise avec eux. Mais le petit Elián n'a pas eu cette chance. Il pleurait beaucoup à ce moment-là, et le beau-père a ordonné méchamment à la maman de le faire taire, ou sinon il s'en chargerait, lui. Des personnes qui sont encore dans notre pays ont vu cette scène dramatique. Ce jour-là, en fait, deux personnes ont été conduits de force sur cette misérable embarcation, deux passagers sans défense : la mère et l'enfant.

Ils sont partis le 22 novembre au matin. Un patrouilleur les découvre, tente de les persuader de ne pas entreprendre le voyage. C'est la règle dans ces cas-là : ne jamais recourir à la force pour intercepter un bateau, parce que, si vous y recourez, vous risquez de provoquer un accident, et il y a généralement à bord des femmes, des enfants. Alors, ce que font nos patrouilleurs dans les douze milles d'eaux territoriales, c'est tenter de persuader les passagers, de leur explique les dangers qu'ils courent, mais sans utiliser la force. En effet, un bateau avec à bord quatorze personnes, comme dans ce cas, vous ne pouvez pas l'attraper à la main, vous ne pouvez pas lui lancer un lasso comme on attrape un cheval. C'est dangereux. Si les patrouilleurs ne parviennent pas à persuader les passagers, alors, finalement ils alertent les garde-côtes nord-américains qu'un bateau se dirige dans leur direction, par courrier électronique, par télécopieur, sur-le-champ, pour qu'ils escortent, ou soutiennent ce bateau dont les passagers veulent aller à tout prix aux Etats-Unis.

Et c'est bien ça qu'il s'est passé encore cette fois. Les informer aussitôt. Les garde-côtes disent que deux hélicoptères sont partis repérer l'embarcation mais qu'ils ne l'ont pas trouvée.

On n'a plus aucune nouvelle de cette embarcation depuis le 22 novembre, à midi, où notre patrouilleur l'a accompagnée jusqu'aux limites des douze milles. Et ce jusqu'au 25 novembre. On ne sait pas ce qu'il s'est passé le 22 dans l'après-midi, ni le 23, ni le 24, ni toute la matinée du 25. C'est dans l'après-midi du 25 novembre - trois jours se sont alors écoulés - qu'on apprend qu'un bateau emportant quatorze personnes a fait naufrage, que deux adultes ont survécu et que des pêcheurs ont trouvé un enfant accroché à une chambre à air de voiture. Quelle tragédie, quelle traumatisme ! Imaginez un peu un enfant, imaginez-vous vous-mêmes sur un bateau qui coule et que vous surviviez parce que vous êtes accroché à une chambre à air !

Combien de temps a-t-il passé dans cette situation ? On ne sait pas. Deux adultes ont survécu, mais, ceux-là, personne ne les interroge, aucun journaliste ne les a interrogés, et le gouvernement des Etats-Unis n'a pas voulu nous informer de la façon dont le bateau a coulé, ni même du jour, ne serait-ce que pour savoir combien d'heures cet enfant a été accroché, de jour et de nuit, à sa chambre à air.

Mais cet enfant est si robuste, cet enfant possède de telles conditions physiques, une telle volonté qu'il a résisté, qu'il n'est pas mort. S'il était mort, on n'aurait peut-être plus jamais entendu parler de lui. Mais le hasard a voulu que des pêcheurs le retrouvent et le conduisent - ce qui est tout à fait correct - à un hôpital pour qu'on le soigne sans perdre de temps.

Les autorités nord-américaines de la Floride doivent très bien savoir quel jours le bateau a coulé, qui a organisé cette aventure et comment, parce qu'elles disposent des témoignages de deux adultes survivants. Un journal de Miami est allé jusqu'à parler de contrebande de personnes, avant qu'on ne connaisse certains détails. Ce bandit qui a organisé l'expédition et dont le casier judiciaire est bien chargé en délits de droit commun - selon nos archives, il a fait plus d'un séjour en prison - était un type agressif qui avait recouru plus d'une fois à la violence contre la maman de l'enfant, une honnête travailleuse qui était le seul soutien du foyer. Il l'exploitait et en vivait sans le moindre scrupule. Il est très possible - et certaines personnes très proches d'elle en sont absolument persuadées - qu'il ait employé sa violence habituelle et qu'il ait intimidé la maman de cet enfant pour qu'elle fasse le voyage. Les deux survivants doivent connaître des détails gênants sur ce qu'il s'est passé et ont disparu de la circulation. Où sont-elles ? Personne n'en sait rien. Mais il est évident qu'ils ont parlé aux autorités et qu'ils ont raconté quelque chose. Un journal qui n'est certainement pas ami de Cuba, tant s'en faut, a informé que les passagers de ce bateau avaient payé chacun un millier de dollars.

Il ne s'agissait donc pas seulement d'un départ illégal organisé par un délinquant de droit commun qui n'a jamais rien fait dans sa vie, mais aussi d'une opération de contrebande de personnes punie par les lois internationales, et même par celles des Etats-Unis. Je ne sais pas si vous comprenez bien tout. Comprenez-vous ? (Les enfants répondent oui.)

Vous êtes vraiment les premiers à qui je raconte cette partie de l'histoire dont on n'a pas encore parlé, et si on ne l'a pas fait, c'est pour ne pas blesser en quoi que ce soit la sensibilité de personne. Une maman est morte, victime de ce bandit. Nous avons tâché de savoir si la maman voulait abandonner le pays, et d'après notre enquête, elle n'avait jamais fait de demande de départ légal, la permission d'abandonner le pays, alors qu'elle aurait pu obtenir un visa des Etats-Unis où elle a de la famille. C'était une travailleuse qui maintenait son foyer, et elle remplissait toutes les conditions requises. Non, il n'existe pas la moindre preuve que la maman ait exprimé le désir de se rendre dans ce pays-là, et elle aurait pu le faire légalement en compagnie de l'enfant si le père l'y avait autorisé. Parce que, en effet, pour qu'une mère parte avec son enfant, il faut l'autorisation du père. En revanche, celui qui n'aurait jamais pu obtenir de visa à cause de son casier judiciaire, c'était le beau-père.

Il est toujours dur qu'un enfant parte, mais nous respectons le droit des parents, ce que ne font pas les autorités des Etats-Unis, en revanche, avec les enfants de Cubains. Oui, bien que ça nous fasse très mal, nous respectons ce droit du père ou de la mère, nous ne mettons aucun obstacle au droit de la famille d'emmener légalement ses enfants, parce que ce droit relève de l'autorité paternelle tant que les enfants ne sont pas majeurs. Et nous donnons des preuves que nous respectons ce droit tous les jours, tous les mois, tous les ans, parce que c'est tous les jours, tous les mois, tous les ans que des familles partent légalement et en sûreté avec un mineur aux Etats-Unis. Ça nous fait mal, oui, parce que cet enfant va en classe ici et personne ne sait ce qui l'attend là-bas, à cause de ce genre de choses que vous avez dénoncées qui arrivent là-bas. Ça nous fait mal parce que c'est un pionnier de moins à l'école, un pupitre vide dans une classe.

Cuba respecte comme quelque chose de sacré ce droit des parents, même si ça nous fait très mal qu'un enfant, né sur cette terre-ci, soit déraciné de sa patrie. Et nous ne nous en repentons pas, parce que ce que décide la famille sur le sort futur de l'enfant ne nous concerne pas, ou ce que celui-ci fait une fois adulte : nous le protégeons en lui faisant les treize vaccinations obligatoires pour qu'il ne meure pas de maladies qu'on peut prévenir, pour qu'il ait la possibilité de vivre en bonne santé, et intelligent comme vous l'êtes, et nous nous efforçons pour qu'il soit bien alimenté, pour que les médicaments ne lui manquent pas, pour que le litre de lait quotidien ne lui manque pas.

Nous sommes le seul pays au monde où chaque enfant sans exception est sûr de recevoir, jusqu'à un âge donné, un litre de lait par jour. Et c'est pour ça que vous voyez que notre jeunesse est saine, comme on peut le constater en regardant le visage, le physique, la denture, et tout le reste, grâce aux soins de grande qualité que notre société prodigue aux enfants. Ça se voit quand ils sont adolescents, quand ils sont étudiants. Il suffit de regarder ces visages : celui qui a un défaut physique, on le lui corrige; s'il a un problème, s'il ne peut pas bien marcher, il va à l'hôpital orthopédique, on lui corrige ce défaut, on lui met des appareils qui sont gênants mais qui corrigent le problème; on lui corrige n'importe quel défaut physique qui le différencie des autres, les dents, et le reste, et on fait l'impossible pour que les enfants grandissent non seulement cultivés, instruits, sains, mais encore beaux, les garçons pareil que les filles.

C'est d'ailleurs quelque chose qui étonne les visiteurs : le visage, la beauté généralisée de nos élèves et de nos jeunes. Nous remplissons ce devoir-ci. Si le jeune en question, une fois adulte, veut partir ailleurs parce qu'on lui a mis dans le crâne l'une de ces nombreuses histoires à dormir debout par lesquelles la propagande des sociétés de consommation berne bien des gens, ça nous fait mal, mais nous respectons ce droit d'émigrer, nous respectons le droit des parents.

En revanche, là-bas, sans la moindre raison, tout simplement parce que ça leur chante, ils nous retiennent l'enfant et ne respectent pas le droit du père à l'autorité paternelle, le droit du seul parent au premier degré encore vivant; ils retiennent cet enfant qui vient de perdre sa maman et qui n'a plus que son papa, qui a été un papa affectueux, qui s'est vraiment occupé de son fils, et tout le temps, comme le prouvent tous les documents, comme le sait toute la population de Cárdenas, comme le savent tous les élèves de l'école où allait l'enfant, comme le savent tous les professeurs, comme le sait tout le voisinage. Et pourtant, ces gens-là ne rendent pas l'enfant à son père, ils le donnent à un parent éloigné qui n'a vu l'enfant qu'une seule fois dans sa vie, et toute la bande d'ennemis de Cuba là-bas s'en empare, les pires bandits de ce pays-là, l'auteur de cette loi Torricelli qui cherche à nous tuer tous de faim, et jusqu'aux enfants, les promoteurs, les auteurs et les défenseurs impénitents du cruel blocus qui contraint notre peuple à faire tant de sacrifices.

Oui, ils parlent de cet enfant, ils disent qu'ils veulent son bonheur. Quelle hypocrisie ! Alors qu'ils nous font par ailleurs une guerre économique implacable pour tenter de faire mourir notre peuple de faim, sans excepter les enfants.

Que nous avons du mal parfois à trouver un médicament, à trouver les aliments ! Nous devons les chercher parfois très loin où ils coûtent bien plus cher. Et si, pourtant, nous n'avons fermé aucune école, si, pourtant, nous sommes le pays qui a le plus grand nombre de professeurs par habitant entre tous les pays du monde, c'est parce que la Révolution s'est attachée avant tout à soutenir les enfants, à soutenir les mamans, à soutenir la famille.

Vous avez entendu parler ces jours-ci de la façon dont, une fois, les mercenaires au service d'une puissance étrangère sont parvenus, en trompant les gens, en leur mentant, en utilisant de sinistres procédés, à faire partir illégalement quatorze mille enfants de notre pays, dans ce cas-là avec la permission des parents qu'ils avaient trompés, à qui ils avaient fait croire que la Révolution allait leur enlever l'autorité paternelle, comme si un enfant était un latifundio, ou une sucrerie ou une mine ! Oui, encore et toujours le mensonge, parce qu'ils fonctionnent à partir du mensonge ! Toute leur propagande se fonde sur le mensonge, qu'ils introduisent dans la tête des gens à force de le leur seriner des milliers de fois ! Oui, mais dans ce cas-là, c'était illégal. Et maintenant, devenus adultes depuis bien longtemps, ces enfants-là ont raconté des histoires très douloureuses, parce qu'ensuite les Etats-Unis ont suspendu les voyages entre les deux pays, et des milliers d'enfants se sont retrouvés là-bas sans leurs parents, dans des orphelinats, et ils ont souffert des traumatismes dont ils parlent et à propos desquels ils ont écrit, et beaucoup d'entre eux critiquent même leurs parents de leur avoir fait ça, de s'être séparés d'eux et de les avoir envoyé vivre une aventure terrible. On a pu en voir quelques-uns tout récemment dans un documentaire présenté à la télévision, en train de raconter cette triste histoire.

Dans le cas d'Elián, il ne s'agit pas seulement d'une injustice. Il y a au moins trois faits graves : le voyage était illégal; l'opération était une opération de contrebande et elle a été organisée par un délinquant qui n'a jamais travaillé de sa vie et qui est coupable de la mort de onze personnes, dont des enfants, et de la tragédie de ce petit, qui n'avait même pas encore six ans à ce moment-là, et de la mort de sa maman.

De quel droit les autorités nord-américaines ont-elles pris cet enfant et l'ont-elles confié à un proche qui ne l'avait vu qu'une seule fois et qui l'a converti en une marchandise, en une affaire commerciale éhontée, le faisant prendre en photo entouré des pires ennemis de notre patrie, de ceux qui veulent que nous mourions de faim et qui promulguent sans arrêt des lois empêchant le commerce, empêchant les importations d'alimentation, de technologies et de machines, entravant au maximum le développement économique et social de notre pays ? Bien qu'ils n'y soient pas arrivés. Nous sommes le pays qui occupe dans bien des domaines le premier rang au monde, dans les secteurs qui dépendent de notre volonté, et non de grandes richesses, de nos grands désirs d'aider le peuple, parce que c'est pour ça que la Révolution existe, et pour rien d'autre, pour qu'il y ait des écoles et des médecins, pour qu'il y ait des loisirs, pour qu'il y ait ce dont ont besoin les enfants, les adolescents, les jeunes, les adultes et les personnes âgées. Car les besoins sont différents selon les âges, et la Révolution s'efforce de les satisfaire.

Voilà comme ça s'est passé. Le parent éloigné, on lui confie l'enfant sans lui demander un seul document. En revanche, le papa, que tout le monde connaît, on lui demande de prouver qu'il l'est. Et de fait deux fonctionnaires sont venus ici prendre tous les documents qui prouvent d'une façon absolument irréfutable qui est le père et quelle est sa conduite morale. Lui, le vrai père, on lui demande de le prouver. Les autres, ceux qui ont volé l'enfant, on ne leur réclame pas le moindre document ! Et maintenant, les autorités ne savent plus quoi faire, elles tournent autour du pot, elles sont divisées, elles n'arrivent pas à prendre une décision, et elles continuent de le retenir là-bas, malgré ce qu'ont dit les médecins et les psychologues en voyant la mine de cet enfant à qui ces gens-là ont fait là-bas tant de saletés, et dont ils tentent même d'acheter l'âme innocente par des jouets dernier cri, par des pacotilles, par des séjours à Disneyworld !

Bien souvent, ils ne le laissent même pas parler à son papa. Et je le dénonce ici une fois de plus : le papa, et les grands-parents paternels et maternels se plaignent constamment qu'on ne les laisse pas parler à l'enfant avec qui ils avaient des relations si affectueuses et si intimes. On invente des prétextes, on le promène, et il se passe parfois deux ou trois jours sans que la famille d'ici puisse lui parler. Or, la seule chose qui peut contrecarrer l'état d'âme terrible de ce enfant, c'est cette communication avec le papa, avec les parents les plus proches, qu'il connaît et qu'il aime. Et on lui interdit même ça. C'est monstrueux ! Ce sont de vrais bandits, des canailles !

Tous ceux qui apparaissent sur la fameuse photo autour de l'enfant sont des bandits, les pires ennemis de Cuba, ceux qui veulent à tout prix garder l'enfant là-bas. Mais ils ne vont pas pouvoir, parce que notre cause est très juste, parce que toutes les lois et tous les arguments plaident pour nous !

Nous exigeons qu'ils respectent l'autorité paternelle qui revient au père de cet enfant, tout comme nous avons respecté, nous, l'autorité paternelle de milliers, de dizaines de milliers, et peut-être même, en quarante ans, de centaines de milliers de parents !

Ce que nous demandons maintenant, c'est qu'on respecte l'autorité paternelle d'une famille cubaine ! Voilà ce que nous demandons (applaudissements) et ils ne sont même pas capable de le faire !

Je n'avais pas l'intention, en venant ici, de vous expliquer tout ça. Je profite de l'occasion et je vous raconte tout ça à vous et, par l'intermédiaire de nos médias, à tous les citoyens de notre pays, parce qu'il faut que ça se sache.

Ainsi, ce personnage du beau-père dont j'ai parlé. Et nous possédons tous les documents sur cet individu; nous n'avions même pas voulu le mentionner à ce jour, mais il nous faut maintenant prouver au monde tout ce qu'il y a de cynisme et d'insolence derrière tout ça : d'où vient ce voyage et qui l'organise. Quelqu'un qui a vécu plusieurs mois aux Etats-Unis.

Il s'est passé un mois. Nous avons dit, nous, que nous allions nous battre sans répit, et toujours plus.

Un fonctionnaire du Service d'immigration vient de déclarer que cette histoire n'allait pas se régler tout de suite, que l'affaire était ajournée au 21 janvier... Là-bas, ils inventent tous les jours quelque chose de nouveau, et tout ça par peur de la vermine de là-bas. Et quand je dis vermine, je ne parle pas de tous les Cubains qui vivent aux Etats-Unis, parce que bien des membres de cette communauté sont favorables au rapatriement d'Elián et s'opposent au blocus : je veux parler uniquement de la vermine mercenaire au service d'une mafia antipatriotique et terroriste - les preuves ne manquent pas - et des individus les plus cyniques, les plus arrogants et les plus réacs des Etats-Unis !

Les autorités nord-américaines ne règlent rien, par peur de ces gens-là, et semblent vouloir nous défier. Alors, si elles veulent que nous menions une longue lutte, il vaut mieux qu'elles sachent le prix qu'elles auront à payer, à mesure que le monde verra ce que c'est que notre peuple et qu'il le connaîtra, à mesure que nous lui prouverons notre moral, notre conscience, notre raison et notre force. Parce que la plupart des Nord-Américains, malgré toute la cochonnerie de propagande réactionnaire et tous les mensonges qu'on répand là-bas, soutiennent le rapatriement d'Elián. Aux Etats-Unis, comme partout ailleurs, les familles apprécient beaucoup ce droit qu'on appelle l'autorité paternelle et voient clairement qu'on viole là-bas les droits de cet enfant et de son papa (applaudissements).

Alors, cette lutte, combien de temps va-t-elle durer ? Il faut se préparer. Pour l'instant, je peux vous dire quelque chose : la Tribune ouverte ne sera plus seulement devant la Section d'intérêt, où c'est, pour ainsi dire, le siège officiel depuis presque trois semaines. Désormais, cette Tribune peut se déplacer partout dans le pays : un jour, on peut la monter à Cárdenas, par exemple, pour que les gens s'y expriment de là-bas; un autre jour, elle peut être sur la place Cadenas de l'Université de La Havane.

J'ai déjà expliqué que si cette lutte se prolongeait, ce qui est très possible, nous ne pouvions user nos forces, qu'il fallait accumuler des énergies et des forces. Et vous êtes bien placés pour le savoir puisque vous êtes des éclaireurs : si vous partez en raid pour trois jours, vous emportez de l'eau pour la marche et vous ne la buvez pas toute dans la première demi-heure. Si vous allez marcher six heures, vous devez attendre au moins deux ou trois heures avant de commencer à boire.

J'avais pris l'habitude, quand je faisais de longues marches, de ne pas toucher à l'eau avant d'arriver à un endroit où je pouvais me réapprovisionner. Vous savez pourquoi ? Parce qu'on souffre plus de soif la gourde vide que la gourde pleine. Oui, on supporte mieux la soif - et c'est un petit secret que je vais vous donner - quand on sait, même si on a envie de boire, que la gourde est pleine. Quand elle est vide, ah, alors, on souffre deux ou trois fois plus d'anxiété ! Et j'en ai tiré la leçon, utilisant cette méthode pour de longues marches.

Nous devons avoir la gourde pleine pour cette longue lutte, et quand nous buvons un peu, nous efforcer de remplacer l'eau au plus vite. Et augmenter la quantité d'eau, utiliser une gourde plus grande, ou alors, si le chemin est très long, emporter deux gourdes. Il nous faut accumuler des forces et de l'énergie pour la distribuer tout au long de cette lutte en vue de laquelle nous avons toute la raison, toute la morale, la raison absolue, la morale absolue : ils se sont laissés prendre en effet à leur propre piège parce qu'ils auraient dû régler la question tout de suite. Chaque jour qui passe, ils devront y laisser un peu de leur prestige, comme on y laisse des plumes, et au bout du chemin, à la fin de cette longue lutte, ils risquent de se retrouver entièrement déplumés ! Je le dis tout net.

Voilà pourquoi nous devons bien administrer nos forces colossales. Pour la marche d'hier, les organisateurs avaient convoqué soixante-dix mille personnes - il est toujours bon si jamais quelqu'un tombe malade ou ne peut pas participer pour une autre raison importante, de compter sur une réserve - en avaient annoncé cinquante mille, et de fait ce sont cent mille personnes qui ont défilé. Tous ceux qui portaient un tee-shirt avec le visage d'Elián et beaucoup de ceux qui n'en avaient pas se sont présentés en ordre dans les différents blocs, et il y avait des tee-shirts de réserve. On en a distribué à tous ceux qui ont dit qu'ils voulaient participer de toute façon. Bref, hier, il y eu au moins cent mille personnes, alors que l'idée de départ était cinquante mille.

Pourquoi cinquante mille? Eh bien ! pour ménager nos forces et nos énergies. Combien de défilés nous attendent encore si la lutte se prolonge ? Et puis, il y a les classes, les examens, les vacances. Il faut donc tout bien calculer et ne pas lancer, ce qui serait incorrect, toutes les forces dans la bataille. Nous sommes prêts à les employer dans la mesure où ce sera vraiment nécessaire. Les gourdes pleines - peut-être cette image vous aidera-t-elle - et prêts pour une longue marche. Ce sont eux qui ne sont pas préparés pour une longue marche. Nous, oui. Bien entendu, nous ferons l'impossible pour qu'elle soit minime, parce que ce qui nous intéresse avant tout, c'est que l'enfant rentre, qu'il cesse de souffrir.

Quels sont les coupables du fait que cet enfant souffre un jour de plus, une semaine de plus, un mois de plus ? Ce n'est pas nous. Nous avons même proposé une formule honorable, nous avons dit que nous ne voulions humilier personne. Nous savons aussi qu'aux Etats-Unis, ils sont divisés et bien divisés au sujet de ce problème, et que bien des gens sages, intelligents et sereins sont partisans du retour de l'enfant. Si la libération d'Elián prend du retard et qu'on le fasse souffrir une minute de plus, un jour de plus, une semaine de plus, un mois de plus, ce ne sera jamais de notre faute. Plus on le retiendra là-bas, et plus nous lutterons avec toujours plus de volonté et de décision, et autant de temps qu'il le faudra. Et nous verrons bien qui gagnera cette bataille : eux ou nous ! (Applaudissements et exclamations.) Nous allons bien voir ce qui peut le plus : l'arrogance et la force, ou la raison et les sentiments de tout un peuple qui ne sera pas seul dans le monde.

Nous l'avons dit voilà quelques semaines : Nous remuerons ciel et terre ! (Applaudissements.) Et les seuls responsables pour chaque atome de souffrance de cet enfant, et pas seulement de cet enfant, mais aussi de son papa qui souffre terriblement, surtout quand on ne le laisse pas lui parler au téléphone, et des grands-parents qui souffrent terriblement, et des petits camarades d'école, qui sont neuf cents et qui souffrent terriblement, tout comme souffrent, je le sais, les millions de pionniers de notre pays, ce sont les autorités des Etats-Unis.

Je crois vous avoir donné des explications que vous êtes capables de comprendre. De toute façon, quand je vous entends parler à la télévision, vous, ou les enfants qui ont pris la parole là-bas à l'école d'Elián, je constate toujours plus d'intelligence chez nos enfants, toujours plus de connaissances, toujours plus de sentiments, et c'est pour ça que je sais que vous comprenez ce que je vous dis. Si vous étiez des pionniers de onzième, de dixième ou de neuvième, je ne vous parlerai pas comme ça; mais vous qui êtes des élèves de huitième, de septième et de sixième, je crois que je peux vous parler comme ça.

Pourquoi sommes-nous ici ce soir et pourquoi nous sommes-nous réunis ? En bien ! tout simplement parce que vous avez écrit une page dans l'histoire. Le saviez-vous ? (Cris de Non !) Vous ne le saviez pas. C'est normal, il n'y avait pas de raisons que vous le sachiez, et il faut vous le dire et vous l'expliquer (applaudissements), parce que vous avez fait hier quelque chose qui n'était jamais arrivé dans aucun pays du monde. C'est vous qui veillez sur les bureaux de vote, ici, dans notre pays où les votes ne s'achètent pas et où les citoyens votent pour de bon et votent non pour celui qui a le plus d'argent, le plus d'affiches ou le plus de propagande, mais pour celui dont les voisins savent qu'il est le plus méritant et le plus capable, et ça, tous nos enfants le savent. Dans tous les autres pays du monde, les bureaux de vote sont protégés par des soldats armés jusqu'aux dents. Ici, non, ce sont les pionniers qui s'en chargent, parce que vous constituez une force morale, sociale et humaine exceptionnelle, capable de bien plus. Et alors nous avons compris que chaque fois qu'il y avait un défilé du peuple combattant, il fallait prendre des mesures de sécurité spéciales, ne serait-ce que pour rassurer un peu plus les locataires de l'édifice devant lequel les gens défilent, et renforcer la garde normale que monte le personnel chargé de la protection des ambassades par deux cordons de soldats des forces spéciales, mais de soldats désarmés, - désarmés ! - sans pistolet, sans même une matraque.

Je me demande : dans de telles circonstances, quelle est la meilleure garantie pour n'importe quelle ambassade ? Eh bien ! essentiellement, la culture élevée de notre peuple, l'éducation de notre peuple, l'unité de notre peuple. Il se peut qu'un individu isolé, rendu furieux, veuille lancer des pierres, et les mesures ont justement été prises dès le début pour éviter qu'il n'arrive des choses spontanées de ce genre; toujours est-il que nous avons une confiance totale dans notre peuple, dans nos étudiants et lycéens, dans nos jeunes, dans nos travailleurs, une confiance totale dans leur conscience, leur sérénité, leur sagesse et leur culture politique.

Tout le monde sait ici qu'il faut respecter les missions diplomatiques, que c'est un devoir international, et nous savons remplir ce devoir d'une façon exemplaire et nous savons offrir cette sécurité-là. Bien que la sécurité essentielle, nous le savons bien, réside, je le répète, dans l'éducation de notre peuple : un million de personnes peuvent bien défiler et aucune ne lancera la moindre pierre, parce qu'elle sait que ce n'est pas la bonne méthode. Elle lance quelque chose de bien plus puissant qu'une pierre : elle lance une idée, elle lance un message en quelques mots : «Libérez Elián !» ou «Sauvons Elián !» (Applaudissements.) Ce ne sont pas des pierres, ce ne sont pas des insultes que les gens lancent ici. Aucune bataille d'opinion ne se gagne à coups d'insultes; ce genre de bataille se gagne à coups de raisonnements, d'arguments, d'idées.

Soyez sûrs que chacune des phrases que vous scandez là-bas, chaque slogan, chaque cri contient un message, contient une idée. Ce sont des armes intelligentes. Vous avez entendu parler de ces armes intelligentes, qui atteignent leur cible à des milliers de kilomètres, un point exact de la grandeur de cette cour.

Eh bien ! nous aussi, nous devons lancer des armes intelligentes : nos idées. Nos armes intelligentes à nous, ce sont nos arguments; nos armes intelligentes à nous, elles sont constituées de nos principes, de notre pensée révolutionnaire, et notre arsenal d'armes intelligentes est infini, parce que chacun de vous, quand il défile ou participe à une manif, et qu'il crie : «Rendez-nous Elián !» ou «Qu'Elián revienne !» ou «Sauvons Elián !» ou «Libérez Elián !», utilise des armes intelligentes contre lesquelles il n'existe pas de défense possible (applaudissements), parce que ce sont la morale, la raison, l'exemple, l'image d'un peuple uni et d'un peuple défendant une cause juste avec une fermeté impressionnante, d'un peuple qui ne se rend pas et qui ne se décourage jamais, ni ses personnes âgées, ni ses adultes ni ses pionniers. Avec de telles armes, notre peuple est invincible parce que nous pouvons les faire parvenir à n'importe quel endroit du monde. Ces cassettes reproduisant la marche, ces manifs, les films, les discours, même si les autres sont les maîtres de je ne sais combien de chaînes de télévision et d'autres médias, nous avons les moyens et de nombreuses manières de les faire parvenir à n'importe quel coin du monde parce que nous avons beaucoup d'amis.

Voilà pourquoi il serait ridicule, et en plus vraiment sot et primitif, de lancer des pierres et de casser une vitre d'une ambassade, en l'occurrence de la Section d'intérêts des Etats-Unis. C'est pourtant bien ça qu'on voit tous les jours, à toute heure, dans le monde, des manifs face aux ambassades des Etats-Unis, chaque fois que ce pays commet une barbarie ou un crime : des gens jetant des pierres, brûlant des drapeaux ou des pantins représentant l'Oncle Sam. On n'arrête pas de voir ça, et des batailles colossales avec la police. Partout. Je ne critique pas ces gens-là, dont c'est parfois le seul moyen d'exprimer leur indignation et leur dégoût dans ce monde plein d'abus et d'injustices. Ils n'ont pas les possibilités de lutte politique dont dispose tout un peuple uni et libre, comme à Cuba. Ce sont parfois cinq cent personnes, ou un millier, ou deux mille ou trois mille qui se regroupent pour se faire entendre et réclamer la justice dans un climat hostile et répressif.

Nous, avant la Révolution, nous n'avions pas cette force, nous n'avions pas un peuple uni, et quand nous étions étudiants, nous passions devant un consulat ou une ambassade, et même l'ambassade nord-américaine, pour jeter des pierres et peindre sur les murs et des choses de ce genre. Je me rappelle quand des marines ont grimpé à califourchon sur la statue de Martí, au Parc central, ce qui a causé une grande indignation : alors, nous, les étudiants, nous sommes descendus dans la rue et nous nous sommes rendus jusqu'à l'ambassade qui se trouvait dans la Vieille-Havane, près du musée de Leal, et la police nous est tombée dessus à coups de matraque pour nous en empêcher.

Quelle différence aujourd'hui ! Quelles autres armes pouvons-nous employer ! Des armes qui sont les arguments, les idées, comme je vous ai expliqué, et je sais que vous comprenez (applaudissements).

Alors, pourquoi donc avez-vous écrit une page dans l'histoire ? Parce que, pour la première fois dans notre pays, pour la première fois au monde, au lieu de troupes spécialisées et de soldats renforçant la protection de la Section d'intérêts des Etats-Unis, ce sont deux mille pionniers qui s'en sont chargés tout le temps que le défilé a duré!

Cette Section d'intérêts dispose d'une protection normale, d'un certain nombre de guérites que l'on renforce à des moments de tension, justement pour éviter qu'un individu isolé, agissant de bonne foi, ou un provocateur ne veuille jeter des pierres et ne casse une vitre, ce qui souillerait l'honneur de notre pays. Parce que vous verriez se déclencher aussitôt une grande campagne contre nous, une levée de boucliers : Agression contre le siège diplomatique des Etats-Unis à Cuba ! Et nous avons le devoir inéluctable de protéger l'immunité et l'intégrité de toutes les représentations diplomatiques, dont cette Section d'intérêts.

Voilà pourquoi je considère comme un moment historique qu'hier, un quart d'heure avant le début de la manif, vous ayez formé une sorte de muraille pour renforcer la protection. Est-ce que cette protection a été mieux renforcée à un autre moment ? (Cris de Non !) Non, et je vais vous expliquer pourquoi : ce qui la renforce, c'est la conscience croissante de notre peuple, la culture qui augmente chaque jour, le fait que notre peuple ne respecte et ne protège rien autant que les enfants. Trois cordons d'enfants sont la plus grande protection qu'ait jamais eue cette Section d'intérêts dans ce pays-ci ! (Applaudissements.) Vous vous souviendrez toute votre vie de ce jour, et vos parents seront toujours fiers de vous.

Nous savions, vous le comprenez bien, que vous ne courriez aucun risque physique, pour les raisons que je vous ai expliquées : parce que ceux qui défilaient, c'étaient justement d'autres pionniers, et aussi ceux du secondaire, et les lycéens, et les étudiants, qui vous aiment tant; et puis encore les jeunes qui vous protègent tant, et encore le peuple patriotique et révolutionnaire qui aime tant ses enfants, parce que les gens ont des enfants et sont des parents (applaudissements). Qui donc allait vous protéger mieux qu'eux ?

Votre troupe de pionniers éclaireurs a donc gardé la Section d'intérêts pendant le défilé d'hier, et croyez-moi, compañeritos, que vous avez écrit à ce moment-là une page de gloire (applaudissements). Et quand vous grandirez, vous en serez fiers, et vos parents le seront plus que vous.

Vous avez été les premiers, et vous êtes de cet arrondissement-ci, Plaza. Voilà pourquoi nous avons pu organiser cette petite réunion ici, dans cette installation des jeunes communistes, sans avoir trop à marcher. Dix-sept écoles de l'arrondissement, qui ont envoyé leurs pionniers défendre cet édifice (applaudissements). Pour défendre l'impérialisme, par hasard ? (Cris de Non !) Bien sûr que non ! Vous l'avez fait pour défendre la Révolution, pour donner au monde un exemple de ce qu'est ce pays-ci, pour démontrer au monde que seul ce pays-ci peut faire ce genre de choses (applaudissements) : que des enfants non seulement surveillent des élections, mais encore protègent des ambassades. Et puissent protéger n'importe quoi.

Voilà pourquoi, hier, au cours d'une réunion des dirigeants des Jeunesses communistes, de la Fédération des étudiants et de l'Organisation des pionniers, nous avons pris la décision de vous remettre à tous, cet après-midi, un diplôme de reconnaissance pour que vous le conserviez toute votre vie (applaudissements et cris de Vive Fidel ! Vive Fidel !). Non, non, vive vous ! Et que vous viviez très longtemps pour pouvoir en profiter. Conservez-le et transmettez-le à vos enfants quand vous en aurez et à vos petits-enfants quand vous en aurez ! J'espère que vous le placerez à un endroit qui le protégera, et si, pour une raison ou pour une autre, vous le perdez, comment nous avons le registre des bénéficiaires, on pourra vous le refaire. Mais conservez-le, parce que celui-ci est d'aujourd'hui (applaudissements et exclamations).

Nous avons rédigé le texte hier, à cette réunion. Ecoutez bien : «Reconnaissance à...», et là vient le nom du pionnier. Ça, par contre, on n'a pas eu le temps de le faire, et on voulait le faire avec une belle calligraphie... Alors, des gens viendront dans les dix-sept écoles pour pouvoir y mettre, de la meilleure écriture et le plus clairement possible, le nom de chacun de vous (applaudissements).

Donc, «Reconnaissance à...» Comment t'appelles-tu ? (Il signale une fillette du premier rang.) Dis-le tout haut, viens, dis-le, viens vite... Comment t'appelles-tu ? (La fillette lui dit son nom.) Elizabeth Gálvez Soler. Alors, ça dira ici : «Reconnaissance à Elizabeth Gálvez Soler», et puis vient le texte : «Pionnier...» Ici, je ne sais si on peut pousser la manie de la perfection jusqu'à écrire Pionnier ou Pionnière. Ce serait mieux, puisqu'il faut faire de toute façon une retouche au texte, d'écrire «pionnière» pour les filles, même si on dit en général «pionnier». Mais comme le diplôme est individuel, ça ne coûte rien de le personnaliser. Donc, «pionnier ou pionnière qui a rempli la mission que la Révolution - comme c'était son devoir - lui a confiée de protéger les bureaux diplomatiques des Etats-Unis durant le défilé historique des pionniers, étudiants et jeunes travailleurs pour la libération d'Elián.» (Applaudissements.)

Puis vient ma signature. Bien entendu, je ne pouvais pas signer les deux mille diplômes, mais j'en ai fait une spéciale pour vous, je voulais la faire du mieux possible, et la voilà donc (il la montre). Je ne vais pas vous tromper en vous disant que j'ai signé durant un mois tous ces diplômes, j'en ai fait une spéciale pour vous qui se reproduit autant de fois qu'on veut. On avait pensé en remettre aujourd’hui un, symboliquement, par école, et envoyer ensuite tous les diplômes correspondants aux élèves de chaque école.

Vous le savez donc, demain, à l'école - si la Fédération des étudiants et l'Union des jeunes communistes tiennent parole de préparer les deux mille diplômes pour demain, en distinguant bien le garçon de la fille, entre pionnier et pionnière. Cela permettra même de perfectionner le diplôme.

Tout s'est fait en quelques heures, tout comme la préparation du défilé. Allez savoir combien de choses ils vont devoir encore préparer. Notre réserve de ressources pour cette lutte est infinie, je vous le dis à vous, petits pionniers. La réserve de ressources, et la réserve d'idées (applaudissements), qui ne repose pas sur la violence. Rappelez-vous ce que disait Martí et que vous avez sans doute entendu dire au moins une fois : «Tranchées d'idées font plus que tranchées de pierres.» Et nous allons le prouver d'une manière irréfutable. Et nous ménagerons nos forces, nous préserverons la production et les services, nous aurons de bonnes notes à l'école, nous ferons tout sans rien laisser en rade.

Vous, en tout cas, les écoliers du primaire, les élèves du secondaire, les étudiants, les professeurs et tous les autres, nous ne vous demandons qu'un petit effort de plus pour ne pas cesser de faire ce que nous devons faire : produire tout en semant ce qu'il faut semer dans l'intelligence et les coeurs de cet énorme trésor que sont notre enfance et notre jeunesse.

Nous vous demandons à tous un peu plus d'effort, et je sais que vous avez de l'énergie à revendre, et même du temps à revendre, rien qu'en n'écoutant pas tel jour tel programme qui vous plaît beaucoup. En tout cas, ces spectacles extraordinaires que sont les Tribunes ouvertes, vous ne devez pas les rater, parce qu'on y obtient de la culture générale et de la culture politique, qui est la plus importante de toutes les cultures et celle dont manque le plus le monde actuel.

Je vous disais donc : samedi, la Tribune ouverte s’installe au Théâtre national. (On lui précise : à la salle Avellaneda.) Les deux fois ? (On lui dit oui.) Ce sera un programme spécial, où les enfants se présenteront dans le cadre de la lutte pour la libération d'Elián (applaudissements). Donc, Tribune ouverte, avec ses commentateurs, ses personnages et ses dirigeants, à dix-sept heures, au Théâtre national, qui sera transmise par les deux chaînes - du moins, nous l'espérons - de la télévision pour tout le pays. Les manifestations face à la Section d'intérêts, elles, vont toujours être transmises par les deux chaînes. Dans le cas du Théâtre national, on verra. En tout cas, même les enfants de Baracoa vont pouvoir le voir à la télévision. Et je propose à l'Organisation des pionniers de faire cadeau d'un certain nombre d'entrées, en guise de récompense, à ces petits gardiens qui ont écrit hier une page dans l'histoire (applaudissements). Samedi et dimanche, là. Lundi, ce sera ailleurs.

Puisqu'un fonctionnaire des Etats-Unis a dit que la solution était ajournée à je ne sais plus quelle date de quel mois, et que ces gens-là poursuivent leurs magouilles et leurs trucs, je vais vous exprimer une idée qu'on va mettre en pratique aussitôt, ou du moins le plus vite possible : rendre la Tribune ouverte actuelle, permanente ! (Applaudissements.) Oui, une Tribune ouverte permanente, mieux conçue, plus forte, pour que ces gens-là sachent qu'elle sera le siège permanent de ce programme et qu'elle y restera (applaudissements). Ce que nous ferons tout au plus, quand on nous rendra l'enfant, c'est enlever les haut-parleurs braqués sur la Section d'intérêts pour ne pas la gêner en quoi que ce soit par l'écho de nos activités non loin de chez eux. Toujours est-il que notre jeunesse glorieuse a besoin d'une tribune permanente, d'une école permanente d'éducation culturelle, d'une école permanente, mettons, de culture générale et de culture politique (applaudissements). Cette Tribune, née dans le fracas de cette bataille que vous livrez, restera. Il se peut qu'on y donne tel jour des conférences historiques, économiques, politiques, sur les thèmes variés du monde contemporain; il y aura de tout, un très riche répertoire, mais son but essentiel sera l'éducation culturelle et politique de nos enfants, de nos jeunes et de tout notre peuple (applaudissements).

Je profite donc de cette minute pour vous donner cette nouvelle : puisque les Etats-Unis emploient la tactique de renvoyer aux calendes grecques la solution du cas de l'enfant séquestré et ne cessent d'agresser cruellement notre peuple, et que cela dure depuis presque un demi-siècle, la réponse de Cuba est une tribune ouverte permanente là où il réclame aujourd'hui le retour d'Elián ! (Applaudissements.)

Je vous remercie infiniment, très chers compañeritos. Vous vous êtes bien comportés, nous continuerons de nous souvenir de vous, nous vous considérerons toujours comme un exemple. Et je pars très satisfait de l'attention que vous m'avez prêtée, de la discipline que vous avez maintenue. Je vais utiliser aujourd'hui une phrase, pas définitive - parce que nous ne devons pas renoncer de La Patrie ou la mort, ni à l'idée de Le Socialisme ou la mort - mais je vais dire comme l'a dit une jeune députée de notre Assemblée nationale : La Patrie et la vie ! Car c'est la vie pour vous, les pionniers, que nous voulons (applaudissements). Nos pionniers n'auront pas à mourir.

Il se peut bien que, dans la longue lutte historique de notre peuple - dont personne ne peut dire avec exactitude quand elle conclura - la patrie exige de vous, pionniers devenus alors des jeunes et des hommes et des femmes, le sacrifice de la vie, mais comme nous sommes maintenant plus puissants que jamais, comme nous comptons tant d'armes intelligentes, nous gagnerons cette bataille pour la vie, et pas seulement pour votre vie à vous, mais pour la vie de tous les enfants du monde.

Ce que nous ferons servira à des centaines de millions de personnes. Par la brèche que nous ouvrons aujourd'hui, s'engouffreront demain des millions d’enfants, des centaines de millions d'enfants du monde qui n'ont pas encore, en l’état des choses actuel, l'école, le médecin, l'éducation patriotique, révolutionnaire, socialiste et internationaliste dont bénéficie notre peuple (applaudissements).

À la prochaine victoire! (Applaudissements et cris de Fidel ! Fidel ! Fidel !)

Ah ! j'avais oublié de dire que les guides de pionniers qui vous ont accompagnés recevront aussi une lettre de reconnaissance bien méritée (applaudissements).