Allocution prononcée par Fidel Castro Ruz, président de la République de Cuba, au meeting organisé pour la Fête internationale du travail, sur la place de la Révolution de La Havane, le 1er mai 2004 (texte écrit plus improvisations du moment plus quelques points supplémentaires)

 

M’est avis que ce meeting bat tous les records (exclamations et applaudissements).

Très chers invités ;

Chers compatriotes ;

C’est la quarante-cinquième Fête internationale du travail que nous célébrons depuis la victoire de la Révolution.

Des choses capitales surviennent dans notre pays et à l’étranger.

La Révolution poursuit sa marche victorieuse, dotée de plus de force politique et remportant plus de succès que jamais. Nous en avons eu des preuves récentes : les séances tenues à Genève les 15 et 22 avril passeront à l’histoire de la diplomatie révolutionnaire. Elles marquent le moment où nous avons porté un coup retentissant à la grande hypocrisie, au mensonge permanent et au cynisme par lesquels les maîtres du monde prétendent préserver le système de domination politique et économique putride qu’ils ont imposé à l’humanité.

Notre pays avait été assis une fois de plus au banc des accusés. La nouvelle administration nord-américaine – si tant est qu’on puisse appeler ça une administration (rires) – de concert avec les Etats de l’Union européenne, avaient oublié, ce qui est un erreur, qu’à l’extrémité est de Cuba, sur une superficie de 117,6 km2 occupée par la force, là où se trouve la base navale de Guantánamo – ce qui constitue déjà en soi un outrage grossier aux droits souverains d’un petit pays et au droit international – il existait au même moment un des cas les plus atroces de violations des droits de l’homme que le monde ait connus. Le gouvernement nord-américain ne nous a jamais consulté au préalable, se bornant à nous informer de sa décision de transférer les prisonniers dans cette base.

Le gouvernement cubain a publié le 11 janvier 2002 une déclaration pour faire connaître en toute clarté la position de notre pays.

Le crime horrible commis contre les tours jumelles de New York a été condamné unanimement par toutes les personnes conscientes de la planète, et l’opinion publique mondiale le sait.

Or, au mépris des principes élémentaires des droits de l’homme reconnus par l’humanité, le gouvernement de la nation la plus puissante de la Terre a créé cette prison horrible où il séquestre des centaines de ressortissant de nombreux pays du monde, dont des alliés des Etats-Unis, sans procès, sans communication avec l’extérieur, sans identification, sans défense légale, sans la moindre garantie pour leur intégrité physique, sans loi de procédure ni loi pénale, et sans limite de temps. Il aurait pu employer son propre territoire pour faire une si curieuse contribution à la civilisation, mais il l’a pourtant fait sur le pan de terre qu’il occupe illégalement et par la force dans un autre pays, Cuba, qu’il accuse tous les ans à Genève de violer les droits de l’homme.

Des choses admirables se passent pourtant à la Commission des droits de l’homme.

Dans les conditions actuelles, le monde en général a peur du féroce empire, de ses menaces, de ses pressions et de ses représailles de toute sorte, qui visent en particulier les pays les plus vulnérables du tiers monde. Voter à Genève contre une résolution peaufinée et imposée par les Etats-Unis, surtout si elle vise Cuba, le pays qui défie depuis presque un demi-siècle leur arrogance et leur toute-puissance, se convertit en un acte quasi suicidaire. Même les Etats les plus forts et les plus indépendants sont contraint de prendre en considération les conséquences politiques et économiques de leur décision à cet égard.

Et pourtant, comme on a pu le constater voilà quelques jours à Genève, vingt pays, en plus de Cuba, se fondant les uns sur des principe solides, faisant preuve les autres d’une audace singulière, ont voté contre la résolution nord-américaine et dix se sont abstenus par dignité et respect de soi-même. Des cinquante-trois membres de la Commission, seuls vingt-deux, dont les Etats-Unis, ont fait chorus avec l’infamie.

D’Amérique latine, sept pays, dont quatre souffrent d’une grande pauvreté sociale et économique, extrêmement dépendants et affublés de gouvernements contraints à l’abjection totale. Nul ne les considère des Etats indépendants. Ils ne sont pour l’heure qu’une simple fiction.

Le Pérou, le cinquième gouvernement latino-américain à avoir voté avec les Etats-Unis contre Cuba, constitue un exemple du niveau d’abjection et de dépendance auquel l’impérialisme et sa mondialisation néo-libérale ont conduit de nombreux Etats d’Amérique latine qu’ils ruinent politiquement en un clin d’œil quand ils les contraignent à ce genre de choses qui sont comme le baiser de Judas.

Le chef d’Etat péruvien a vu chuter sa popularité à seulement 8 p. 100 en quelque mois. Je crois que ses partisans doivent tenir sur un petit bout de cette place-ci. Il est absolument impossible de se colleter avec les énormes problèmes économiques et sociaux qui frappent ce pays avec une assise aussi insignifiante. En fait, il ne dirige rien, faute de pouvoir. Ce sont les transnationales et les oligarques qui s’en chargent, jusqu’au jour où la société implosera, comme cela commence à arriver dans plus d’un pays.

Tout d’un coup, me souvenant des paroles de notre frère vénézuélien, j’ai envie de crier : Vive le Venezuela ! (Applaudissements et vivats.) Vive la révolution bolivarienne ! (Applaudissements et vivats.) Vive Chávez, dirigeant brillant et courageux du peuple de Bolívar ! (Applaudissements et vivats.)

Je poursuis.

Restent les gouvernements chilien et mexicain.

Je ne vais pas juger le premier. Je préfère que ce soit Salvador Allende (applaudissements), qui est tombé en combattant une arme à la main et qui occupe désormais une place d’honneur et de gloire dans l’histoire de ce sous-continent, que ce soit les milliers de Chiliens disparus, torturés et assassinés en vertu des visées de celui qui a rédigé et proposé la résolution condamnant Cuba – où jamais aucun fait similaire n’a jamais eu lieu – que ce soit, en leur nom, ceux qui défendent au Chili des idées nobles et aspirent à bâtir une société vraiment humaine, qui jugent la conduite du président chilien à Genève.

Au Mexique, dont le peuple est un frère pour tout Cubain, le Congrès a demandé en vain au président de s’abstenir de soutenir la résolution présentée par Bush. Quelle pitié de voir réduits en cendres tant de prestige et tant d’influence gagnés par le Mexique en Amérique latine et dans le monde par sa politique étrangère sans faute, parce que découlant d’une révolution vraie et profonde ! La solidarité et l’appui de l’Amérique latine au Mexique, et du Mexique à l’Amérique latine sont vitaux. Le Mexique a perdu la moitié de son territoire aux mains de son voisin du Nord et d’énormes risques menacent ce qu’il en reste. La frontière entre les Etats-Unis et le Mexique n’est pratiquement plus désormais marquée par le fleuve Bravo dont parlait Martí. Les Etats-Unis sont bien plus à l’intérieur du Mexique. Cette frontière est maintenant la ligne de mort où environ cinq cents Mexicains perdent la vie tous les ans en tentant de la franchir. Et ce, en vertu d’un principe brutal et impitoyable : libre circulation des capitaux et des marchandises ; poursuites, exclusion et mort pour les êtres humains. Et pourtant, des millions de Mexicains ont couru ce risque. De nos jours, le pays touche de plus gros revenus par l’intermédiaire des envois d’argent qu’ils adressent à leurs familles que par les exportations du pétrole, malgré les cours élevés de celui-ci actuellement.

Une situation si inégale et si injuste se réglera-t-elle par hasard en votant des résolutions contre Cuba à Genève et en l’accusant de violer les droits de l’homme ?

Le pire, le plus humiliant pour le Mexique, c’est que les décisions concernant son vote à Genève, aussi bien le 15 que le 22, ont été annoncées depuis Washington.

Comme toujours, l’Union européenne a voté en bloc, telle une mafia alliée et subordonnée à Washington.

Ces manœuvres sales et immorales contre la Révolution cubaine, qui ne datent pas d’hier, n’avaient jamais eu de succès avant l’effondrement du camp socialiste. Une nuée de renégats, assoiffés des crédits et des marchandises de la société de consommation, s’est jointe à la mafia de l’Union européenne. Et c’est alors qu’ils ont pu accoucher d’une souris à la Commission des droits de l’homme : des résolutions accouchées au forceps dans le cadre de la bataille rangée que Cuba n’a jamais cessé d’y livrer contre la farce infâme que l’empire, ses alliés, ses suppôts et ses vassaux imposent pour ne finir pourtant par obtenir qu’une ou deux voix de plus, face à l’opposition ou à l’abstention de 60 p. 100 des membres de la Commission. Une fois, ils n’ont pas pris garde et ils ont perdu. Depuis, ils triplent leurs efforts, ils centuplent leurs pressions et leurs menaces contre des pays qui dépendent totalement d’eux en matière de crédits, de fonds, de ressources dont décident les organismes internationaux, tous contrôlés par les Etats-Unis.

Il faudra un jour ériger une statue aux pays qui ont tous risqué dans des conditions aussi dures et qui ont voté contre les projets yankees (applaudissements). L’histoire de cette bataille constitue une page digne de mémoire. Voyez un peu : cette année-ci, 60 p. 100 des cinquante-trois membres de la Commission ne les a pas soutenus. Ces victoires à la Pyrrhus, l’empire les qualifie de succès et de condamnations de Cuba, bien que les efforts et les coûts politiques en soient toujours plus lourds chaque année.

Je peux vous dire ici, en aparté, qu’un examen approfondi de ce qui se passe dans le monde, de ce qui se passe dans les sociétés humaines, sans en exclure aucune, à plus forte raison en Europe où elles sont purissimes et sacro-saintissimes, prouve qu’aucune ne peut afficher la feuille de services qui est celle de la glorieuse Révolution cubaine en ce qui concerne les égards et le respect dus aux êtres humains (applaudissements).

Rien que leur système, qui réduit à zéro une partie de la société tandis que l’autre vit dans une opulence extrême, fait que ces sociétés sont indignes, du point du vue moral, de porter le nom d’humaines.

Les campagnes des droits de l’homme concoctées par la superpuissance dominante et soutenues par les alliés qui exploitent le monde aux côtés de l’empire sont tout simplement des farces, des mensonges, des expressions politiques impudiques provenant de la nécessité de justifier des inégalités énormes qui ne pourront jamais être éliminées tant que le système économique imposé au monde n’aura pas disparu. Ici, oui, nous savons ce que veulent dire vraiment les droits de l’homme.

Je ne peux m’expliquer comment une société opulente comme celle de notre voisin, où quarante-quatre millions de personnes n’ont pas le droit à des soins médicaux, où des millions de citoyens vivent dans des ghettos, où de nombreux mendiants vivent sous les ponts, où il existe des millions d’analphabètes et de semi-analphabètes, où des millions et des millions d’hommes et de femmes sont au chômage, où les prisons regorgent de membres des secteurs les plus pauvres et les plus exclus de la société, ose parler des droits de l’homme !

Dans un autre domaine, nul ne pourrait justifier les bombardements brutaux que ces gens-là réalisent contre n’importe quel pays. Comment le chef d’un empire qui proclame son droit de lancer des attaques surprise et préventives contre soixante pays ou plus, sans tenir compte des innocents qui vont mourir, peut-il parler de droits de l’homme !

La haine que cette puissance et les puissances alliées, qui pillent le monde, vouent à Cuba provient de la résistance inattendue que leur oppose un petit pays. La présence de Cuba est comme un index accusateur, une preuve que les peuples peuvent lutter, résister et vaincre. La simple présence de Cuba est une humiliation pour ceux qui ont imposé le système d’exploitation le plus répugnant qui a jamais existé sur la Terre.

Il y a bien des manières de l’expliquer. Ici, notre frère vénézuélien nous a rappelé quelque chose dont nous ne parlons pas en général : la coopération médicale que notre peuple offre à d’autres pays. Qui aurait été impossible sans une révolution. Car Cuba comptait en 1959 au moins 30 p. 100 d’analphabètes et 90 p. 100 entre analphabètes et semi-analphabètes, parce qu’une personne qui n’a pas au moins conclu la primaire en notre monde, voire maintenant au moins conclu le premier cycle du second degré, est un semi-analphabète.

Nos adversaires veulent cacher que Cuba occupe la première place en matière d’éducation, que ses écoliers du primaire occupent les premières places en tests de connaissance, devant même des pays développés (applaudissements) ; que le minimum de scolarité, sauf rares exceptions, est d’au moins le premier cycle du second degré et qu’aucun pays au monde n’a atteint ces minimums d’une manière généralisée.

Nos adversaires savent que, malgré leur blocus criminel et les obstacles qu’ils nous imposent dans l’achat de médicaments, d’équipements et de technologies médicaux, la mortalité infantile dans notre pays est inférieure à celle des Etats-Unis (applaudissements). Mais peut-être ignorent-ils que nous allons la réduire à moins de 6, voire à moins de 5 dans un avenir pas si éloigné. Je suis convaincu – même si je n’en parle jamais – que l’espérance de vie dans notre pays, d’ici à cinq ou six ans, sera d’au moins quatre-vingts ans (applaudissements) et que notre pays deviendra le centre de services médicaux le plus avancé au monde.

Quand vous voyez les millions d’enfants qui meurent chaque année et qui pourraient se sauver dans les pays du tiers monde, où les taux atteignent parfois plus de 150 décès pour 1 000 naissances vivantes, quand vous voyez ceux qui meurent dans la population de la majorité des pays qui ont voté contre Cuba à Genève, vous vous rendez compte qu’il se commet tous les ans un génocide sur la terre ; qu’il meurt chaque année autant de millions de personnes, enfants ou adultes, qu’il en est mort durant la première guerre mondiale et presque autant que durant la seconde guerre mondiale, des millions de personnes qui pourraient se sauver mais qui ne survivent pas faute de ressources médicales.

L’arsenal d’arguments disponibles pour prouver que ce système est le plus atrocement cruel qui a existé est énorme. De simples calculs mathématiques suffisent à prouver le génocide que les Etats-Unis et leurs alliés européens commettent tous les ans dans le monde.

Et ces gens-là savent que c’est vrai, ils n’osent même pas le contester. Ce sont eux qui ont provoqué le sous-développement ; ce sont eux qui ont maintenu le retard en imposant la colonisation, en pillant les ressources naturelles, voire en réduisant à l’esclavage des millions et des millions d’êtres humains, engendrant ce monde de misères que nous connaissons, ce monde plein de problèmes encore insolubles – je ne tente même pas de les mentionner ici – des problème quasiment insolubles qui, de pair avec d’autres, menacent l’existence même de l’espèce humaine.

Compte tenu de la brièveté que doivent avoir ces meetings et des efforts que doit faire la population pour venir ici et rester debout de nombreuses heures, je me borne à citer quelques faits isolés. Mais je vous le dis tout net : le système capitaliste qui a joué à un moment donné un rôle progressiste face au féodalisme et qui est devenu ensuite le système impérialiste avec ses formes actuelles de mettre les peuples à sac, de gaspiller et de détruire les ressources naturelles de la planète, est aujourd’hui ce qu’il existe de plus inconcevable et de plus irréconciliable avec la notion honnête, sincère, objective des droits de l’homme.

À Genève, les maîtres de l’économie mondiale forment des gangs. Il vaudrait la peine de leur demander avec combien de pays du tiers monde ils ont collaboré, ce qu’ils ont fait contre l’apartheid en Afrique du Sud, combien d’enseignant ils ont envoyés dans le tiers monde, combien de médecins… Je vous ai dis que je n’aimais pas mentionner ces choses-là, et je le fais sans doute parce qu’on a parlé justement en ce 1er Mai de ce qu’il s’est passé à Genève voilà quelques jours.

Il faudrait demander à chacun de ces messieurs combien ils ont de médecins dans un pays du tiers monde. Il existe de fait des organisations, Médecins sans frontières, par exemple, ou alors des fondations qui offrent une aide, mais je peux leur dire, en guise de référence : je suis convaincu que les Etats-Unis et l’Europe réunis ne disposent pas de la quantité de médecins que Cuba a en Haïti et qui soignent, dans des conditions très dures, plus de sept millions d’habitants (applaudissements).

Vous pouvez le leur demander un par un, parce que ces sociétés-là n’ont pas été conçues pour la justice, pour la solidarité : éduquées dans l’égoïsme, elles sont incapables de faire le moindre sacrifice pour les autres êtres humains.

J’ai mentionné un pays, Haïti, où ils ne cessent d’intervenir, qu’ils ne cessent d’envahir, mais où ils n’envoient jamais un médecin. Et si je leur disais que Cuba développe actuellement de nombreux programmes médicaux en Afrique et en Amérique latine, que le total de médecins, de dentistes et de techniciens de la santé cubains prêtant service à d’autres peuples se montent à au moins dix-sept mille (applaudissements), qui sauvent tous les ans des centaines de milliers de vies et rendent la santé à bien des dizaines de millions d’êtres humains ou la leur préservent. Et que personne ne pense que nous allons nous retrouver sans médecins, parce que cet effort de coopération va de pair avec une véritable révolution dans les services médicaux de notre pays.

Je parlais avec Sáez, voilà quelques instants, de la marche des réparations totales des polycliniques et des nouveaux services. Le ministère de la Santé se propose de conclure d’ici à la fin de l’année la réparation des quatre-vingt-deux polycliniques de la capitale – dont certains sont même nouveaux – et de les doter de services sans précédent (applaudissements). Je ne mentionne que ce détail, parce que nous sommes en train de faire bien d’autres choses, pas seulement à La Havane, mais dans tout le pays.

Vous n’imaginez pas combien de millions ou de dizaines de millions de voyages nous allons épargner aux personnes qui, au milieu des difficultés de transport, doivent rendre visite à des proches dans les hôpitaux, dans la mesure où de nombreux services que ne prêtaient avant que les hôpitaux seront offerts dans les polycliniques.

Notre pays aura assurément – je le répète : assurément – le meilleur service médical au monde. Nous parlions voilà quelques années de dizaines de milliers de spécialistes en médecine générale intégrale. Eh bien, le jour n’est pas loin où nous pourrons parler de dizaines de milliers de docteurs en sciences de la santé. Sans parler des programmes que nous menons en éducation, en culture, en sport et dans d’autres domaines, et qui reposeront sur une assise économique bien plus solide que celle à partir de laquelle notre pays a dû se développer, à savoir la canne à sucre et d’autres produits similaires que seule une population analphabète et affamée pouvait réaliser comme unique forme de survie.

Les gangsters qui nous accusent de violer les droits de l’homme n’ont pas le courage de reconnaître que Cuba est le seul pays au monde – voyez un peu la prouesse de notre peuple ! – où il n’existe pas un seul disparu, pas un seul torturé en quarante-cinq ans de Révolution (applaudissements).

Nous avons fait une Révolution aussi irréprochable que la guerre que nous avons livrée dans la Sierra Maestra où jamais un prisonnier n’a été fusillé ou alors frappé pour en obtenir des informations. C’est presque le seul pays d’Amérique latine qui n’a jamais connu d’escadrons de la mort, d’exécutions extrajudiciaires. Et ce en quarante-cinq ans. Que les langues de vipère de l’empire et de leurs séides trouvent un seul cas, et nous faisons cadeau de la République de Cuba ! (Applaudissements.)

Je vous parle de réalités. Je n’exagère pas, tant s’en faut. Nous savons ce que nous avons fait en quarante-cinq ans, et la ligne droite que nous avons suivie inflexiblement, la loyauté totale que nous avons maintenue aux principes qui ont garanti la victoire pendant la guerre et une Révolution que nous avons su défendre tout ce temps-là. Qu’est-elle aujourd’hui ? Quel degré de conscience, de culture, d’idées, d’unité n’a-t-elle pas atteint ? Aucun peuple, je vous le dis, n’a plus de culture et de conscience politique que le nôtre. J’ajouterais juste : nous commençons à peine ! (Applaudissements.)

Je le constatais ce matin, en attendant l’heure, à la télévision. Les reporters ont interviewé je ne sais combien de personnes, et il faut voir ce qu’elles disaient. On voyait un monde nouveau, des élèves et des étudiants partout et de partout, des étudiants, des élèves de l’Université des sciences de l’information, des élèves de l’Ecole d’animateurs culturels (cris), des élèves des écoles de travailleurs sociaux, des élèves des écoles de formation accélérée de professeurs, d’instituteurs, de personnel infirmier, des écoles que nous partageons avec des milliers de jeunes d’autres pays, pas des étrangers, non, mais des frères provenant d’Amérique latine et même d’ailleurs (applaudissements).

Comment ne pas sentir de la fierté quand on pense que non seulement nous envoyons des milliers de médecins, mais que nous avons invité des milliers et des milliers de jeunes d’Amérique latine et d’ailleurs à faire des études de médecine à Cuba !

Nous avons mis au point des méthodes de transmission des connaissances toujours plus efficaces. Allez savoir combien les autres peuples du monde tarderont à atteindre cette efficacité et ces méthodes, et surtout à les appliquer ?

En revanche, je n’ai pas le moindre doute que le Venezuela, là où les guerres d’Indépendance en Amérique, qui applique et appliquera toujours plus d’excellents programmes d’éducation conduira sous peu ce peuple combattant et héroïque à des niveaux similaires à ceux de Cuba.

Je vous disais donc que le coût politique de ce petit jeu à Genève est chaque fois plus cher. Mais cette année-ci, il y eu un retour de flamme qui a failli les calciner !

Quand Cuba a proposé cette année d’envoyer un représentant de la Commission vérifier ce qu’il se passe sur la base navale de Guantánamo, la panique a envahi le troupeau d’hypocrites, notamment ceux de l’Union européenne. Aux oubliettes, la morale ! Certains gouvernements européens étaient vraiment honteux : ils devaient soit avouer leur inconséquence et leur hypocrisie, soit faire quelque chose d’impossible, défier l’empire. C’était trop demander à de si augustes défenseurs des droits de l’homme dont les flèches ne visant que ceux qui ont été leurs colonies des siècles durant, d’où ils ont éliminé des dizaines de millions d’autochtones et où ils ont transporté d’Afrique des quantités incalculables d’êtres humains convertis en esclaves et ayant moins de liberté que les animaux de trait. C’est d’ailleurs ainsi qu’ils continuent de traiter des milliards d’habitants du tiers monde, victimes du pillage, de l’échange inégal, dont les richesses naturelles sont ponctionnées ainsi que les devises convertibles conservées comme réserves dans leurs banques centrales et finissant par aboutir dans les banques des Etats-Unis, surtout, mais aussi d’Europe, ce qui permet à l’empire et à ses alliés de financer des investissements, des déficits commerciaux et budgétaires, et leurs aventures militaires.

Face à la proposition cubaine à Genève, Bush en personne et ses hiérarques les plus importants ont dû de nouveau se démener frénétiquement, et téléphoner à des présidents et à des chefs d’Etat. Nul ne sait où il a trouvé le temps, – surtout qu’il aime bien, selon ce qu’on dit, faire la grasse matinée (rires) – ni comment il a pu s’occuper de l’Irak, des problèmes financiers de l’Etat, des banquets destinés à collecter des fonds et des activités de la campagne électorale. Peut-être est-il injuste de le taxer de führer. Après tout, c’est peut-être un génie…

Pourquoi Bush peut-il évoquer un déficit budgétaire de 512 milliards de dollars et d’un autre déficit commercial similaire, soit un total d’un billion de dollars rien qu’en un an ? Parce qu’il manipule et dépense les devises de l’immense majorité du monde pour défendre ces privilèges et d’autres.

Les banques centrales des pays du tiers monde gardent leurs réserves dans des banques étrangères, surtout des Etats-Unis. Quiconque a de l’argent, bien ou mal acquis, le change en dollars par peur des dévaluations constantes que souffrent les monnaies faibles de ces pays et le dépose dans des banques des USA ou d’un autre pays développé. En effet, le Fonds monétaire international interdit aux banques centrales de ces pays du tiers monde d’empêcher qui que ce soit de changer l’argent du pays en dollars ou une autre monnaie convertible.

Les propriétaires de cet argent économisé ou volé cherchent la sécurité : ils font sortir l’argent du pays non pour acheter quelque chose, voire pour le gaspiller, mais pour le protéger à jamais. Ensuite, les banques nord-américaines ou européennes prêtent cet argent-là à des hommes d’affaires ou qui en a besoin, et les gouvernements font partie de ceux qui ont le plus de besoin. L’argent permettant d’éponger un déficit budgétaire de plus de 500 milliards de dollars vient de là.

Si bien que le système économique imposé oblige les peuples du tiers monde à transférer leur argent vers les pays les plus développés. Et ce, indépendamment du fait tout aussi détestable que ceux-ci se font payer leurs produits toujours plus cher, paient les produits de base du tiers monde toujours moins cher, et indépendamment d’une dette qui se monte maintenant en Amérique latine à plus de 750 milliards de dollars, et, pour l’ensemble du tiers monde, à 2,5 billions de dollars.

Et tout ceci pousse le monde à la catastrophe, à une impasse, à des problèmes insolubles. L’humanité devra donc se battre pour plus que la justice économique ou la juste distribution des richesses : elle devra se battre pour la survie de l’espèce. Je vous le dis en ce 1er Mai, à l’heure où ce meeting aurait dû avoir déjà fini (rires).

Les Etats-Unis accumulent cette année-ci un déficit budgétaire de 512 milliards de dollars, à quoi s’ajoute un déficit commercial de plus de 500 milliards. Et c’est le monde qui les finance, du fait de cet argent qui part des autres pays et n’y revient jamais. Et c’est avec cet argent qu’ils s’arment jusqu’aux dents en recourant aux équipements militaires les plus perfectionnés et en menant des guerres de conquête à la recherche de matières premières.

L’ordre établi dans le monde à la fin de la seconde guerre mondiale dans le cadre des accords de Bretton Woods – vous en avez sûrement entendu parler – concédait aux USA des privilèges énormes parce qu’ils thésaurisaient alors 80 p. 100 de l’or du monde. Ce pays n’avait pas été détruit par la guerre, – alors que l’Europe, que l’Asie avaient été détruites – il exportait beaucoup, il exportait énormément, et il avait accumulé trente milliards de dollars en or. C’est pour ça que les autres lui avaient concédé le droit de battre monnaie pour le commerce mondial, pourvu que chaque dollar imprimé ait sa contrepartie en or.

Comme la guerre du Viet Nam coûtait des sommes fabuleuses et que les réserves d’or avaient diminué d’un tiers, M. Nixon, quelqu’un que nous connaissons bien, a suspendu en 1971 la convertibilité de l’or par rapport au papier-monnaie, si bien qu’il ne circule plus maintenant que celui-ci sans couverture en or.

Ça me prendrait trop de temps de mieux vous l’expliquer, mais à nos tables rondes télévisées, surtout que nous avons maintenant une autre chaîne éducative, nos techniciens, nos professeurs pourraient expliquer ces questions à la population, qui sont très intéressantes et qui aident à comprendre comment est vraiment le monde.

La situation internationale est complexe. La politique aventuriste – aventuriste ! - de l’administration actuelle a conduit le monde à des problèmes toujours plus insolubles. L’ordre économique imposé est toujours plus intenable. Que personne donc ne s’étonne que des mouvements sociaux irrépressibles éclatent ou alors des révolutions à tel ou tel endroit, tel ou tel jour… Ça arrive déjà.

Dans le cadre de l’Europe, un événement grandiose et stimulant a eu lieu en Espagne. Œuvre extraordinaire et quasiment exclusive du peuple espagnol, notamment de ses jeunes. Je le répète : « Œuvre extraordinaire et quasiment exclusive du peuple espagnol, notamment de ses jeunes. » Que personne ne tente maintenant de s’approprier cette gloire. Nous savions bien quelle était la situation alors en Espagne. La bataille politique héroïque du peuple espagnol d’à peine quarante-huit heures, à la suite de la tragédie et à la veille des élections, a porté un coup terrible à la manœuvre perfide du gouvernement antérieur qui a cherché à manipuler l’action horrible du 11 mars à son profit et à celui des intérêts bellicistes nord-américains.

Tout le monde savait d’avance le résultat des élections. Le parti conservateur de M. Aznar, grâce à des facteurs économiques conjoncturels favorables et au monopole des principaux médias, devait peut-être obtenir, selon tous les sondages, la majorité absolue au Parlement. C’est alors qu’est survenu cette grande tragédie, cet acte terroriste qui a causé plus de mille victimes entre morts et blessés. Nous avons vu comment les événements ont évolué.

M. « Anznar » – c’est comme ça que Bush l’appelle, parce qu’il n’a pas bien appris la prononciation (rires) a tout de suite entrepris de manipuler la nouvelle et d’accuser l’Eta qui n’avait absolument rien à voir avec.

Quand on connaît la façon d’agir de telle ou telle organisation, il était évident que cet attentat ne correspondait pas au style de l’ETA.

Aznar a donc accusé tout de suite les etarras de l’action du jeudi 11 mars, et l’a soutenu mordicus. Je me rappelle que le 12 mars, à vingt heures, nous avons décoré Gladys Marín de l’ordre José Martí, et que ce même jour, à dix-huit, les journalistes de la table ronde télévisée ont dénoncé cette manigance cynique et grossière. Ces tables rondes parviennent à bien des endroits, dont l’Espagne en particulier, grâce à Internet et à la télévision par satellite. Et nos journalistes tenaient à faire parvenir d’urgence à nos amis espagnols des renseignements importants recueillis en Occident au sujet des événements et les opinions d’observateurs internationaux de renom. En Espagne, les grands médias n’en parlaient pas. Nous ignorons si l’émission cubaine a pu être utile aux jeunes cadres espagnols qui ont déclenché cette bataille politique épique. Les élections allaient se dérouler trente-six heures après.

Le samedi 13, Aznar persistait et signait, furieux, accusant les etarras, alors que ceux d’Al-Qaeda avaient déclaré être les auteurs de l’attentat.

Aznar et les Etats-Unis, ça leur convenait absolument que ce soit les etarras, parce que beaucoup de gens en Europe s’opposaient très fort à la guerre d’Irak, et le peuple espagnol faisait justement partie de ceux qui s’y opposaient le plus (applaudissements). Si les etarras avaient commis un tel attentat en plein cœur de l’Europe, ça aurait grandement profité au capital politique de M. « Anzar » et à sa ligne de conduite belliciste.

D’où son intérêt de réaliser cette sale manœuvre quarante-huit heures avant les élections au cours desquels il espérait récupérer encore plus de voix, mais le peuple espagnol a découvert le piège. Le samedi précédant les élections, il s’est réuni en masse devant les sièges du parti au pouvoir, surtout la jeunesse, pour protester et dénoncer cette tromperie atroce. Ce que personne ne pouvait imaginer – j’avoue qu’une réaction de ce genre me semblait impossible – c’est cette chose insolite qui s’est produite : tous ces gens, entrant en contact par différentes voies, ont répercuté cette dénonciation à travers toute l’Espagne, mais pas précisément par les médias. Toute la nuit, ils ont utilisé toutes les voies possibles pour le faire savoir, si bien que le lendemain plus d’électeurs que jamais se sont rendus aux urnes. Et puis, la grande nouvelle : le peuple espagnol avait durement puni ce farceur, cette entremetteuse espagnole – comme nous l’appelions, nous – qui avait recruté à Saint-Domingue, au Honduras, en El Salvador et au Nicaragua comme chair à canon en Irak. Oui, même un petit contingent de l’Armée sandiniste – qui l’eût cru ! – a été envoyé en Irak aux côtés des autres jeunes soldats de ces pays… Et c’est Aznar qui avait fait les démarches pertinentes. Qui aurait pu imaginer que de jeunes Latino-Américains seraient envoyés un jour comme chair à canon à cette guerre injuste et génocide !

En Espagne, bien que l’immense majorité des médias ait soutenu une mauvaise cause, le peuple a été capable de se redresser et de flanquer une rossée à la Célestine, de la même manière que le peuple vénézuélien en a flanqué une à l’oligarchie nationale traîtresse (applaudissements).

Il faut croire aux peuples. Plus ils apprendront, plus ils auront de connaissances, de culture générale et de culture politique, et plus il sera difficile de les traiter comme des troupeaux d’analphabètes et d’ignares.

Si vous me permettez, je poursuis… Il ne manque pas beaucoup, mais ça dépend de vous (applaudissements).

Le gouvernement espagnol actuel a tenu sa promesse de retirer les troupes espagnoles d’Irak. C’est assurément une action louable. Mais l’Etat espagnol avait assumé sous le gouvernement antérieur la responsabilité de recruter un grand nombre de jeunes Dominicains, Honduriens, Salvadoriens et Nicaraguayens comme chair à canon en Irak sous les ordres de la Légion espagnole, cas unique dans l’histoire de ce continent. L’Espagne qui, à titre d’ancienne métropole des peuples latino-américains, aspirent à en recevoir le respect et des égards, voire à jouer un rôle donné en Amérique latine et dans les Caraïbes, a la responsabilité et le devoir moral de lutter pour le retour définitif dans leurs patries des jeunes latino-américains qui ont été dépêchés en Irak à la suite de démarches du gouvernement précédent.

Il existe un nouveau gouvernement, mais l’Etat doit assumer la responsabilité de ce qu’a fait le précédent. L’Espagne a la responsabilité et le devoir moral de promouvoir et de soutenir le retrait d’Irak de ces jeunes.

Les métropoles sont les métropoles, vous le savez, et elles tendent à croire que leurs anciens sujets sont comme des arrière-petits-fils, des nouveau-nés qui ont besoin de l’aide de leur sagesse. Elles parlent parfois d’aider. Ou alors, comme en Europe, elles disaient qu’elles nous fournissaient une aide humanitaire. Et un jour, elles ont eu l’idée de prendre des mesures de représailles contre nous !

Ces gens-là ne se souvenaient pas de la monstrueuse prison de Guantánamo ; ils ne se souvenaient pas de l’injustice monstrueuse, de la façon cruelle et impitoyable dont le gouvernement des Etats-Unis traite cinq héros de ce pays-ci, qui défendaient leur patrie contre le terrorisme en cherchant des informations… Un terrorisme que les administrations nord-américaines ont inventé et pratiqué contre Cuba pendant quarante-cinq ans (exclamations).

À quoi bon répéter cette histoire ? Des milliers de compatriotes y ont perdu la vie. À quoi bon rappeler l’attentat de la Barbade ?

Le fait est que ceux de l’Union européenne ne se souvenaient de rien, alors que la mafia de Miami organisait librement des plans d’attentat et des actes terroristes contre Cuba, une mafia associée au gouvernement nord-américain et agissant toujours en toute impunité. M. Bosch qui a organisé de concert avec Posada Carriles le sabotage en plein vol de l’avion de Cubana, jouit de la liberté à Miami. Non, ces gens-là ne se souviennent pas de ça, et ils ne peuvent pas s’en souvenir.

L’impérialisme a organisé pendant quarante-cinq ans des conspirations contre notre pays pour le déstabiliser, et continue de le faire ; il a payé et paie des mercenaires, et il parle maintenant de dépenser encore bien plus d’argent dans ce but. Alors, qu’on ne pousse pas les hauts cris et qu’on ne se plaigne pas si Cuba adopte les mesures pertinentes pour punir des mercenaires au service d’une puissance étrangère ! (Applaudissements.)

Dès que Cuba se défend, arrête et punit des mercenaires afin que nul ne se croie couvert de l’impunité, on orchestre de grandes campagnes contre elle. On veut lui interdire de se défendre. Eh bien, ce pays, sans violer les normes qu’il a toujours appliquées dans ses luttes, se défendra en recourant aux lois et aux armes, le cas échéant, jusqu’à la dernière goutte de son sang (cris et applaudissements).

Qu’ils ne se bercent donc pas d’illusions et qu’ils ne viennent pas ensuite, comme des pleureuses, nous présenter comme des violateurs des droits de l’homme.

Ce qu’ils font contre Cuba, ils le font aussi contre le Venezuela : ils provoquent, causent des incidents, tuent, et accusent ensuite le gouvernement vénézuélien. C’est un cas extrêmement intéressant. Bien que le peuple vénézuélien n’ait pas le niveau de connaissances massives du peuple cubain, il faut voir ce qu’est l’instinct du peuple et combien il se maintient ferme, et comment il est très difficile de le tromper.

À Cuba, tout le monde connaît la vérité. Mais l’empire orchestre ces campagnes à l’étranger pour nous discréditer. Ça ne nous empêche pas de dormir sur les deux oreilles. Qu’importe ce qu’ils pensent aujourd’hui ; l’important c’est qu’ils penseront demain. Cette Révolution-ci laissera des traces indélébiles dans l’histoire du monde (applaudissements) et n’a absolument rien de quoi rougir, parce que sa morale est plus haute que les étoiles, que sa conduite a été impeccable, indépendamment d’erreurs individuelles d’autre nature qui puissent avoir été commises et qui n’ont rien à voir avec les droits de l’homme. Il serait absurde de penser qu’on ne commet pas d’erreurs, économiques, politiques, administratives, légales. Mais en ce qui concerne les choses fondamentales qui ont à voir avec les principes les plus sacrés de la Révolution, avec les êtres humains, personne ne se trompe, personne ne fait d’erreurs, pas plus qu’on ne permet des erreurs ou des tromperies de ce genre.

Ce que nous sommes en train de faire aujourd’hui, je le dis en ce 1er Mai, c’est vraiment comme une nouvelle grande révolution (applaudissements), forts de l’expérience de tant d’années de lutte, au-delà de ce que nous avons déjà fait à ce jour, pour le bien-être de chacun de nos compatriotes, sans la moindre exclusion sociale, toujours dans cette ligne extraordinairement humaine.

Nous savons ce qui s’est déjà fait, et vous le prouvez, mais nous savons combien de choses de plus nous aurions pu faire et que nous n’avons pas faites faute de connaissances, faute d’expérience. Comment on fait une révolution, qu’est-ce qu’une révolution, vous ne le trouverez pas dans les livres. Pas plus que n’apparaissait dans les livres que ce petit pays devrait faire face pendant quarante-cinq ans à la puissance la plus forte de l’histoire qui n’a pas pu le battre par ses armes. Il en connaissait le prix.

À Playa Girón, où ils ont sous-estimé notre peuple, ils n’ont même pas duré soixante-dix heures. Lors de la crise des Missiles, le monde a failli exploser à la suite des plans d’agression impérialistes et de la fermeté de notre peuple. Et nous avons résisté à toutes ces années de blocus et de Période spéciale. Nous sommes un petit peuple vétéran et aguerri, qui possède une énorme force de jeunes formés, cultivés et révolutionnaires que jamais personne ne pourra vaincre (exclamations et applaudissements).

De sorte que ce que nous sommes en train de faire, nous le savons bien, va transformer une nouvelle fois notre pays et est déjà en train de le faire d’une manière impressionnante.

J’ai parlé de ces anciennes métropoles qui croient pouvoir nous donner des leçons de caractère politique et social. Si les métropoles le veulent, nous pouvons leur apprendre quelques petites choses. Mais qu’aucune ne fasse preuve d’impatience ou se croie capable de nous faire la leçon.

Nous avons déjà envoyé au diable la fameuse aide humanitaire de l’Union européenne et nous les avertissons que nous ne sommes pas pressés qu’elle nous fasse de nouveau l’aumône.

Remarquez bien : si nous lui achetons chaque année pour plus de 1,5 milliard et que nous ne lui vendons que pour 500 millions, beaucoup sous forme de matières premières, c’est nous qui lui donnons une aide humanitaire ! Sur ce 1,5 milliard qu’elle nous vend, elle doit gagner au moins 500 millions de dollars nets. Après ça, les fonctionnaires de l’UE apparaissent avec leurs valises, offrant une petite aide et dépensant plus dans les hôtels cinq étoiles où ils descendent et dans les avions où ils voyagent que ce qu’ils apportent. Alors, que l’Union européenne ne vienne pas avec ces contes à dormir debout !

Que personne ne croie non plus qu’il va venir nous donner de petits conseils sur la façon dont nous devons développer notre démocratie, parce que notre pays a assez d’expérience, qu’il a assez lutté et qu’il a remporté assez de succès à force de sacrifice et de sang pour qu’un pays européen vienne nous donner des leçons de démocratie. En effet, aucun pays d’Europe, certains plus et d’autres moins, ne jouit au milieu d’inégalités colossales de la démocratie véritable, égalitaire et pleinement participative dont Cuba jouit aujourd’hui dans tous les sens (cris et applaudissements) depuis le jour où ce peuple est devenu le pouvoir et où la richesse a été distribué avec justice. Et le peuple n’a pas fait que devenir le pouvoir : c’est lui qui défend ce pouvoir, sans OTAN, sans pactes militaires avec le diable.

Il serait bon de comparer chacune des choses qui se font dans ce pays-ci avec chacune des choses qui se font dans les pays riches du monde, pour voir s’il existe chez eux le degré d’égalité, d’humanité, d’égards envers tous sans exception, ce qui n’a jamais existé nulle part ailleurs.

Nous sommes tout à fait conscients de ce que nous sommes, de ce que nous avons fait et de ce que nous avons. Mais il semble que certains idiots ne s’en rendent pas compte et s’entêtent à s’ingérer dans nos affaires intérieures, à vouloir nous apprendre comment on établit la démocratie. Nous pouvons en tout cas répondre à ce geste si généreux en leur apprenant comment on établit l’égalité, comment on supprime les privilèges et comment on instaure une démocratie révolutionnaire.

Je vous raconte ces choses en passant parce que je n’ai pas eu beaucoup de temps pour écrire.

Rappelez-vous que je vous ai parlé de ce qui arrivait aux jeunes Latino-Américains envoyés en Irak et de la nécessité de les faire rentrer chez eux, parce que l’impérialisme cherche maintenant de la chair à canon, et il se pourrait bien qu’un jour jusqu’aux Polonais, qui sont là-bas comme mercenaires, décident aussi de se retirer. Les Polonais devraient être conséquents avec leur histoire de pays bien de fois envahi, bien des fois occupé et divisé, au lieu de louer leurs jeunes comme mercenaires dans une guerre de conquête.

Je ne doute pas que ceux qui jouent aujourd’hui le rôle ridicule et honteux de dépêcher des troupes pour soutenir cette guerre répugnante ne tarderont pas à penser autrement.

Puisque j’ai dit tout ceci, je crois de mon devoir d’exprimer notre position sur le peuple nord-américain.

Les peuples du monde, dont le peuple cubain, ne haïssent pas le peuple nord-américain et ne désirent pas la mort de jeunes soldats de ce pays, dont beaucoup sont des Noirs, des métis et des Latino-Américains que la pauvreté et le chômage ont poussés au métier des armes et qui sont aujourd’hui les victimes d’une guerre inutile et stupide. Quant à nous, nous ne soutenons en Irak aucun gouvernement et ni aucun système politique donné, car c’est là la prérogatives des Irakiens eux-mêmes. Nous avons été solidaires avec ceux qui sont morts dans les attentats de New York et de Madrid, et nous condamnons ces méthodes. La sympathie énorme et croissante du monde envers le peuple irakien découle des bombardements brutaux dont Bagdad et d’autres villes ont été l’objet, des bombardements qui ont provoqué la terreur et la mort parmi des civils innocents, sans parler des traumatismes terribles qui poursuivront toute leurs vie des millions d’enfants, d’adolescents, des femmes enceintes, de mères et de personnes âgées. Une guerre injustifiable et fondée sur de grossiers mensonges. Cette sympathie se multiplie, parce que des milliards de personnes ont pris conscience qu’il s’agissait d’une guerre de conquête visant les ressources et les matières premières de ce pays, déclenchée sans la moindre justification et sans le moindre droit, en violation des normes internationales et au mépris de l’autorité et des prérogatives des Nations Unies.

Le peuple irakien se bat aujourd’hui pour son indépendance, pour sa vie, pour la vie de ses enfants, pour ses droits légitimes et pour ses ressources.

Le gouvernement nord-américain fait face à une situation compliquée parce qu’il a voulu suivre la voie de la violence, de la guerre et de la terreur. J’ai l’autorité morale suffisante pour soutenir ce point de vue, parce que, bien avant le déclenchement de cette politique belliciste, le 11 septembre 2001, le jour exact de l’horrible attaque contre les tours jumelles, j’ai affirmé textuellement au début du cours concernant quatre mille cinq cents jeunes instituteurs :

"Il  est très important de savoir quelle sera la réaction du gouvernement des  Etats-Unis. Des jours dangereux s'annoncent pour le monde. Je ne parle pas de Cuba. Cuba est le pays le plus tranquille au monde pour différentes raisons : notre politique, notre forme de lutte, notre doctrine, notre morale et notre absence totale de crainte."

  

[...]

 

 "Les  jours prochains seront d'une grande tension aux Etats-Unis et ailleurs. Tout le  monde commencera à émettre des opinions.

 

 "Quand  une tragédie comme celle-ci se produit, aussi difficile qu'elle soit à éviter,  et s'il m'est permis de faire une suggestion à l'adversaire, un adversaire qui a  été dur avec nous durant de longues années mais s'il est correct de suggérer  quelque chose à l'adversaire, en vue du bien-être du peuple nord-américain et en  utilisant les arguments exposés nous suggérerions à ceux qui dirigent le  puissant empire de garder leur sérénité, d'agir avec équanimité, de ne pas se  laisser emporter par la haine, de ne pas se lancer à la traque des gens en  larguant des bombes partout.

 

 "Je  réitère qu'aucun des problèmes que confronte le monde, même pas celui du  terrorisme, ne peut être réglé par la force, et que chaque action de force, chaque  recours irrationnel à la force, où que ce soit, ne ferait qu'aggraver les  problèmes du monde.

 

 "La  voie à suivre n'est ni la force ni la guerre. Je le dis ici, fort d’avoir toujours parlé avec honnêteté, de posséder des convictions solides et d'avoir vécu l'expérience et les années de lutte qu'a connu Cuba. Seules la  raison, la politique intelligente de chercher la force du consensus et de l'opinion  publique internationale peuvent mettre fin à ce problème. Je pense que ce fait  insolite devrait servir à favoriser la lutte internationale contre le  terrorisme. Mais la lutte internationale contre le terrorisme ne signifie pas 'éliminer un terroriste ici et un autre là; tuer ça et là en employant des méthodes similaires et en sacrifiant des vies innocentes. Elle signifie, entre autres, mettre fin au terrorisme d'Etat et à d’autres formes répugnantes de  tuer, mettre fin aux génocides, tout en suivant loyalement une politique de  paix et de respect de normes morales et légales imprescriptibles. Le monde ne pourra être sauvé que s'il suit une politique de paix et de coopération internationale."

La guerre d’Irak rappelle à beaucoup celle du Viet Nam. Moi, elle me rappelle la guerre de libération algérienne, quand la puissance militaire française s’est brisée sur la résistance d’un peuple possédant une culture, une langue et une religion très différentes qui s’est ingénié, dans des endroits aussi désertiques que bien des régions irakiennes, pour battre les troupes françaises et toute leur technologie, bien avancée à l’époque. Avant, elles avaient essuyé la défaite de Dien Bien Phu, où les prédécesseurs de Bush ont été à deux doigts de recourir à l’arme atomique. Dans ce genre de guerre, l’arsenal d’une superpuissance hégémonique est inutile. Forte de son immense pouvoir, elle peut conquérir un pays, mais elle ne peut ni le gérer ni le gouverner si sa population lutte résolument contre les occupants.

Je n’aurais jamais imaginé que M. Bush écrirait un jour humblement une lettre aimable au président syrien et demanderait aux autorités iraniennes – deux pays considérés jusqu’à ce jour des Etats terroristes – afin qu’ils l’aident à régler le conflit irakien. Il est encore plus surprenant d’apprendre voilà deux jours, selon des dépêches de presse, que l’infanterie de marine nord-américaine a été retirée de Fallouja et qu’elle sera remplacée par des militaires irakiens conduits par un ancien général de Saddam Hussein. Je ne critique aucun effort de paix ni aucune initiative de l’administration nord-américaine, mais je doute fort qu’il puisse y avoir une autre solution que le retrait des troupes nord-américaines d’un pays où elles n’auraient jamais dû avoir été dépêchées et la restitution au peuple irakien de sa pleine indépendance (applaudissements). Ceci serait soutenu par la communauté internationale qui trouvera sans doute la manière de régler la situation complexe qui s’y est nouée.

En attendant, comme Cubains, nous continuerons de suivre les événements et de livrer notre lutte avec plus de décision que jamais face à ceux qui se donnent même le luxe de préconiser des transitions politiques basées sur la disparition physique de certains d’entre nous. Le pire, c’est que ceux qui parlent d’accélérer ces transitions politiques sont des personnages dont nous connaissons parfaitement les idées assassines de toujours.

Ils crient de nouveau sur tous les toits, nous menaçant de prochaines mesures visant à frapper l’économie du pays et à le déstabiliser. Mieux vaudrait qu’ils nous rendent nos cinq Héros prisonniers de l’empire (applaudissements), qui supportent avec une dignité insurpassable la violation la plus honteuse et la plus cruelle des droits de l’homme. Leur sort dans les prisons nord-américaines, où ils sont totalement isolés, n’a pas grand-chose à envier à celui des séquestrés de la base navale de Guantánamo. Et pourtant, nous n’hésitons à suggérer aux dirigeants nord-américains – j’avais tenté de le leur suggérer l’autre fois – d’être un peu plus sereins, un peu plus sensés, un peu plus rassis, un peu plus intelligents.

Ceux qui s’entêtent à vouloir détruire la Révolution, je leur dis tout simplement, au nom de l’immense foule réunie ici en ce 1er Mai, la même chose qu’à Playa Girón et à d’autres moments décisifs de nos luttes :

Vive le socialisme !

La patrie ou la mort !

Nous vaincrons ! (Ovation.)