FIDEL CONVERSE AVEC CHÁVEZ

 

Fidel Castro Rúz, Président de la République de Cuba et Hugo Hávez Frías, Président de la République bolivarienne du Venezuela ;  ont dialogué pendant trente-deux minutes, le 27 février 2007, pendant le Programme de radio vénézuelien  ¨ ALLÔ PRÉSIDENT ¨ .

 

Hugo Chávez. Qui est à l’appareil ?

Fidel Castro. Allô.

Hugo Chávez. Oui, j’écoute.

Fidel Castro. Cher et illustre ami, comment allez-vous?

Hugo Chávez. Mince alors, c’est Fidel ! (Applaudissements et slogans de « Fidel, Fidel, Fidel ! »)

Fidel Castro. Je suis en train d’écouter ici ton « Allô Président ». Toutes les données que tu as sorties en quelques minutes… Elle me semble très bonne, ton explication au sujet de la croissance, du PIB, de la baisse du chômage, des tas de choses très intéressantes.

Hugo Chávez. How are you, Fidel ?

Fidel Castro. Very well. (Rires.)

Hugo Chávez. Quelle joie de t’entendre et de savoir que tu vas bien !

Fidel Castro. Je te remercie.

Hugo Chávez. Une grande accolade. Nous sommes très surpris, agréablement surpris. D’ailleurs, nous parlions de toi, il y a juste un moment, comme toujours.

Fidel Castro. Je savais que tu étais sur le point de terminer un « Allô Président ».

Hugo Chávez. Oui, maintenant, c’est tous les jours.

Fidel Castro. Non, non, ne me fais pas faire ça, je travaille dur ici, tu sais ! (Rires) J’étudie beaucoup et de tout, mais je vois que toi non plus tu ne lâches pas les livres. A quelle heure te couches-tu ?

Hugo Chávez. Euh, tard dans la nuit, je dors un peu.

Fidel Castro. Un peu…

Hugo Chávez. Je dors un peu, j’étudie beaucoup, c’est une des tâches de tout révolutionnaire. Nous suivons ton exemple.

Fidel Castro. Oui, tu lis depuis pas mal de temps, et puis tu as un don privilégié pour te souvenir de tout. Toi, c’est parfois les chiffres que tu oublies… (Rires.)

Hugo Chávez. Euh, oui, j’en oublie, mais pas tant, non plus.

Fidel Castro. Oui, mais tu notes toujours tout bien, tu n’en perds pas un. On a du mal maintenant à te prendre en défaut.

Hugo Chávez. Sais-tu combien il faut d’hectares de maïs pour produire un million de barils d’éthanol ?

Fidel Castro. D’éthanol ? Je crois que tu as parlé l’autre jour de vingt millions d’hectares, quelque chose comme ça (rires), mais redis-le-moi donc.

Hugo Chávez. Vingt millions. Va, c’est toi qui as un mémoire privilégiée !

 

Fidel Castro. Vingt millions, donc. Bien entendu, l’idée de faire produire du carburant aux aliments est tragique, dramatique. Personne ne sait exactement jusqu’où vont monter les cours des aliments quand le soja sera converti en carburant, alors que le monde a tant besoin de produire des œufs, de produire du lait, de produire de la viande. C’est une tragédie, alors qu’il y en a déjà tant.

            Je me réjouis beaucoup que tu aies agité la bannière de la sauvegarde de l’espèce, parce qu’il va falloir lutter dur pour la sauver. Il y a des problèmes nouveaux, très difficiles, et tu en es en quelque sorte le prédicateur, vraiment un grand prédicateur, devenu un défenseur de la cause, ou plutôt un défenseur de la vie de l’espèce. Je te félicite donc.

            Je te vois en train d’impulser le programme « Morale et Lumières », pour éduquer les gens, pour leur faire comprendre. A ce propos, il y a tout un tas de choses que je vois et que je révise chaque jour, et je suis très au courant : dangers de guerre, dangers climatiques, dangers alimentaires, parce que, comme tu l’as rappelé, des milliards de personnes ont faim. Tout ça est bien réel.

            Pour la première fois dans l’histoire, les gouvernements se sont mis à penser à ça, des gouvernements qui ont des facultés, qui ont une autorité morale pour le faire. Et tu es l’un de ces rares exemples.

            J’ai lu tout récemment que l’Australie se proclamait le premier pays au monde à faire une révolution énergétique, et il s’avère que c’est encore en projet sur deux ou trois ans. Ça fait rire, vraiment, parce que vous, en deux mois, vous avez déjà installé trente-quatre millions d’ampoules à basse consommation et qu’en quatre mois, vous aurez atteint votre premier objectif d’installer ce genre d’ampoule, qui est si avantageuse, dans tous les foyers ! Il y a donc quelqu’un d’autre qui apparaît… Heureusement qu’un certain nombre de gens dans le monde contestent cette première place à l’Australie[1].

            Pas un seul pays, en Europe ou ailleurs, qui ne soit inquiet aujourd’hui devant ce problème.

            Pardonne-moi d’avoir été si long et de t’avoir pris la moitié de ton programme…

Hugo Chávez. Mais non, mais non, tu n’as pas été si long. Il est 7 h 49.

            Nous parlions de toi, parce que nous sommes le 27 février, tu le sais, et qu’on a dit ici que l’un des causes du caracazo[2] voilà maintenant dix-huit ans, c’est que, quand tu es venu ici cette fois-là, tu avais laissé deux cents agitateurs qui auraient mis le feu à la prairie, comme on dit ! Et nous étions en train d’analyser les causes : la dette extérieure, le « vendredi noir[3] », le pillage du pays, la fuite des capitaux, les privatisations, l’inflation accompagnée d’une récession terrible, le chômage, et même l’effondrement de la classe moyenne.

            Après tout, comme le dit Einstein que j’étais en train de lire il y a un moment – je ne sais si tu l’as écouté – quand il réfléchit sur le pourquoi du socialisme, et conclut que le capitalisme engendre le chaos.

            Bien, nous parlions de toi au sujet du caracazo, Fidel. Et je me suis rappelé que, ces jours-là, je t’avais vu de loin et que j’avais voulu m’approcher pour te saluer, mais sans y parvenir. En tout cas, notre mouvement révolutionnaire était en marche. Et je voudrais dire au monde, ici, sur « Allô Président », tout en t’écoutant et en dialoguant avec toi : quel grand honneur qu’un peuple se soit soulevé ce jour-là contre le néolibéralisme !

            Le caracazo, tu le sais, Fidel, a été la première réponse dans le monde, avec une force énorme, au plan néolibéral, alors que l’Union soviétique était en train de s’effondrer, que le mur de Berlin s’était effondré, et qu’on commençait à dire que la fin de l’histoire et l’ère de la pensée unique étaient arrivées.

            Et le 4 février[4] est né du caracazo. On ne pourrait pas comprendre ces événements l’un sans l’autre, tu le sais. Et après, tout ce chemin parcouru, notre révolution, dans laquelle Cuba a toujours été présente, hier, aujourd’hui et demain, avec toi à sa tête.  Tant de choses dont nous devons vous remercier… Sans Cuba, notre révolution énergétique aurait été impossible.

            Nous allons donc poursuivre avec toi. La Septième Réunion de la Commission mixte de haut niveau entre nos deux pays est en train de se tenir à La Havane, tu le sais, et les conclusions qui m’en sont parvenues jusqu’à présent, c’est que l’ALBA[5] et nos relations bilatérales avancent fantastiquement bien.

            Je dois t’informer ou plutôt, comme tu dois déjà le savoir, je dois commenter avec toi, pour que tout le monde le sache, que j’ai approuvé hier, sur demande de notre ministre Rafael Ramírez, la création d’une société mixte avec le Vietnam, et je lui ai demandé d’en parler aujourd’hui à La Havane, parce qu’on pourrait faire à trois, Cuba, le Vietnam et le Venezuela, une société mixte qui installerait au Venezuela ou à Cuba, ou dans les deux pays, une usine d’ampoules à basse consommation et d’autres articles nécessaires à l’approfondissement de la révolution énergétique, des panneaux solaires, le système d’énergie éolienne. Je voudrais que nous installions ici toutes ces usines, Fidel, en introduisant les technologies. Qu’en penses-tu ?

            Fidel Castro. Ça me paraît merveilleux. Il y a trois jours, nous avons inauguré sur l’île de la Jeunesse un parc éolien, encore petit, des aérogénérateurs de 275 kilowatts, mais qui servent pour les essais que nous voulons y faire. Il y a aussi une zone très importante à l’Est du pays où nous sommes en train de faire toutes les mesures nécessaires à l’installation d’autres parcs éoliens qui produiront de l’électricité à partir d’investissements meilleur marché.

            Vous avez un avantage, vous : vous ne connaissez pas les cyclones, alors que nous, ils nous rendent constamment visite. Il faut donc prendre des mesures pour protéger ces installations, soit en utilisant des grues, soit en ôtant les ailes, bref, en cherchant des solutions. Il y a aussi l’énergie solaire. Vous avez installé à Caracas une technologie qui en vaut la peine, qui a été très utile, même si les investissements ont été très coûteux. Ensuite, si vous la fabriquez dans le pays, ce sera bien plus économique.

            Vous allez construire une usine d’acier inoxydable en partant de l’énergie bon marché dont vous disposez et surtout de l’énergie que vous pouvez économiser.

            Le Venezuela fait presque un million de kilomètres carrés ; nous, nous sommes une coquille de noix que le Gulf Stream a entraînée tout près de tes amis du Nord.

            Hugo Chávez. Our friends.

            Fidel Castro. Tu dis que j’ai su parler anglais, mais c’était autrefois.

            Hugo Chávez. Tu l’as oublié?

            Fidel Castro. Le traumatisme qu’ils m’ont causé ensuite me le fait oublier, et puis je n’ai pas la mémoire privilégiée que tu as, toi, ta capacité de synthèse, ton oreille musicale, ta capacité à te rappeler n’importe quelle chanson. Je ne peux pas croire en effet que tu aies tant fait la fête pour pouvoir te rappeler toutes les chansons que tu chantes pendant « Allô Président ». Ça, je te l’envie.

            Hugo Chávez. Non, non, je n’ai pas fait autant la fête que toi, et je n’ai jamais autant chanté que toi…

            Fidel Castro. Tu blagues, hein ? Moi, je me souviens en gros de l’essence des idées, mais toi, tu as le mot exact, je constate que tu le cherches, que tu le répètes…

            En fin de compte, tu vas passer à la postérité parmi les grands écrivains de ce continent. Et ne le regrette pas, parce que les écrivains ont de plus en plus de pouvoir.

            Hugo Chávez. J’allais te demander : que penses-tu de cette nouvelle de dernière minute qui vient de tomber ? 67 p. 100 des Etasuniens désapprouvent la politique de Bush en Iraq. Tu sais que nous nous préparons à lui souhaiter la bienvenue en Amérique du Sud.

            Fidel Castro. Ah ! bon, vous allez lui souhaiter la bienvenue? Oui, j’ai entendu quelque chose dans ce genre. Je crois qu’il va y avoir des manifestations, mais tout dans un esprit très pacifique et très respectueux.

            Chiche, en tout cas, que tu ne sais pas deux dernières nouvelles d’aujourd’hui !

            Hugo Chávez. Dis-moi voir, fais-nous donc un scoop ici à « Allô Président » !

            Fidel Castro. Eh bien, écoute : la bourse de Shanghai a dégringolé de 9 p. 100 aujourd’hui, et celle de New York, qui est la reine, de 4 p. 100. C’est l’une des plus grandes dégringolades des dernières années. Ce qui ne fait que vérifier ce que nous pensons.

            Hugo Chávez. Euh, cette nouvelle, moi je ne…

            Fidel Castro. Des pertes de 800 milliards de dollars, aujourd’hui, pour la reine des bourses. Une dégringolade encore pire que lors de la crise dans le Sud-Est asiatique.

            Alors, je ne sais pas ce qui va tourmenter le plus les dirigeants des Etats-Unis – ou plutôt celui qui dirige les Etats-Unis motu proprio : la nouvelle de la bourse ou sa tournée en Amérique latine ? Qu’en penses-tu ?

            Hugo Chávez. Non, je ne connaissais pas ces deux nouvelles, ces chutes des bourses de Shanghai et de New York. En tout cas, tu dois savoir, parce que tu sais toujours tout, que le Fonds monétaire est en crise. Et je disais hier, et je le dis encore aujourd’hui, qu’il va peut-être devoir faire un emprunt à la Banque du Sud[6] ! Le Fonds monétaire n’est pas en mesure de payer ses employés et il est en train de vendre ses lingots d’or.

            Fidel Castro. Oui, il vend de l’or, la seule chose qui vaille maintenant. Ce qu’il devrait vendre, ce sont des papiers, les papiers avec lesquelles paient les Etats-Unis… Vendre de l’or aujourd’hui, il faut être fou ! De toute façon, la Banque du Sud est une banque sérieuse, ou du moins elle y aspire.

            Hugo Chávez. Ce sera une banque sérieuse.

            Fidel Castro. Le Fonds monétaire international ne l’a jamais été, mais il est en crise, il est en crise. Et ça survient deux ou trois jours avant la dégringolade des bourses, tu te rends compte ?

            Hugo Chávez.  C’est la même crise, tu le sais bien, la crise de l’économie mondiale, mais  il y a une alternative. A l’échelle nationale, en tout cas, chacun cherche son propre modèle : nous autres, le socialisme, là-bas à Cuba, ici au Venezuela, avec leurs particularités, et, à l’échelle internationale, l’ALBA que nous somme en train d’accélérer, Fidel, tu le sais, d’accélérer.

            Tout le monde me demande de tes nouvelles. Je suis passé par la Martinique, je suis allé à la Dominique et à Saint-Vincent-et-Grenadines. Le Premier ministre de la Dominique, Roosevelt Skerrit, notre ami, et le Premier ministre de Saint-Vincent t’adressent leurs meilleurs saluts. Nous sommes allés voir les travaux d’agrandissement de l’aéroport. Là, j’ai rencontré les travailleurs cubains et vénézuéliens,  le corps d’ingénieurs de l’armée vénézuélienne. Nous avons inauguré le premier dépôt de carburant à la Dominique, et l’usine à gaz de Saint-Vincent, avec Ralph Gonsalves.

            Tout le monde m’a demandé de tes nouvelles, et je leur ai dit ce que je savais, ton rétablissement, ta nouvelle Sierra Maestra, cette grande bataille que tu as livrée et que tu continues de livrer et dans laquelle nous t’accompagnons tous les jours, en priant Dieu, puisque tu  as dit : « Qu’il aide Chavez et ses amis », qu’il continue de t’aider, toi, à te rétablir totalement. Nous sommes des millions dans le monde, Fidel, tu le sais bien, à s0uhaiter ton prompt et total rétablissement. Et j’en suis sûr que tu te rétabliras.

            Ah ! autre chose : Daniel Ortega est venu ici voilà trois jours. Nous avons discuté plusieurs heures. La semaine prochaine, la Commission mixte se réunit à Managua.

            Kirchner aussi est venu, tu le sais, dans le bas Orénoque, et il m’a invité. Et je profite de ton coup de fil pour l’annoncer publiquement : la semaine prochaine, à Buenos Aires, nous allons avoir une réunion pour resserrer les relations bilatérales entre l’Argentine et le Venezuela, et ensuite une autre réunion en Bolivie – nous allons rendre visite à Evo, donc, la semaine prochaine – tout ceci afin de resserrer l’alliance stratégique, l’axe Caracas-Buenos Aires, mais aussi Brasilia, La Paz. Et maintenant, en plus, Correa.

            Le premier bateau est arrivé à Quito. Tu dois le savoir, mais je profite de ton coup de fil pour résumer toutes ces choses. Nous progressons et nous continuerons de progresser.

 Et toi, Fidel, exemple de résistance et maintenant d’offensive !  Je ne veux pas laisser passer l’occasion de ton appel imprévu, qui nous stimule tant, qui nous réjouit tant, pour rappeler une fois de plus à nos peuples le courage de Cuba révolutionnaire et ton courage. Ton courage, ta conscience.

Nous nous rappelions que tu es venu ici en 1959, quand commençait ici l’expérience dite démocratique qui a été un échec total, et que cet échec a conduit au caracazo, et le caracazo au 4 février, et le 4 février à aujourd’hui, à ce qui se passe ici maintenant. Mais toi-même, Cuba et son exemple de dignité, de bataille, de courage, et sa solidarité infinie ont toujours été et seront toujours avec nous à titre d’exemple, Fidel.

Fidel Castro. Hugo, je voulais te dire que j’ai eu une réunion justement avec le chef de ta délégation. Et nous étions en conversation quand des nouvelles de là-bas sont arrivées. Je suis donc très content. Je vais voir si je peux avoir une conversation – je suis avec lui, personnellement – avec certaines des personnalités, mais un peu plus tard.

Ici, tout le monde travaille énormément, avec beaucoup d’enthousiasme, pour utiliser au mieux le peu de temps disponible. On ne peut oublier le facteur temps, et il ne nous en reste pas beaucoup, à mon avis, et les gens de ta délégation en sont plus conscients,  semble-t-il.

Je te remercie beaucoup de tous tes saluts. Et puis, je me rappelle tout d’un coup qu’il faut que je te rende le micro, parce que, sinon, je me passionne autant que toi. Je ne pourrais pas te faire concurrence, mais je peux du moins tenter de rivaliser.

Je veux aussi remercier les Vénézuéliens de leurs saluts, remercier ce peuple si héroïque et que nous aimons tant, qui t’a confié les responsabilités que tu as maintenant. L’Histoire est en train de se récrire, mais tout était très différent il y a deux cents ans. Le monde a énormément changé, surtout ces soixante dernières années, et c’est ce temps dont il faut tirer profit et surtout sur lequel il faut beaucoup réfléchir. Je consacre beaucoup de temps à ça, et je me sens bien parce que je crois qu’il n’y a rien de plus important. Et je suis content aussi de voir comment tes gens travaillent – je te l’ai déjà dit – enthousiastes, sérieux… Et je vous remercie tous de vos marques d’affection et d’encouragement, maintenant que je suis consacré à cette tâche.

Je ne peux pas te promettre d’aller sous peu là-bas, pour t’accompagner dans l’un de tes voyages, mais je gagne en tout cas du terrain, je constate que j’ai plus d’énergie, plus de force et plus de temps pour étudier. Bref, je suis redevenu un étudiant !

Hugo Chávez. Morale et Lumières !

Fidel Castro. Morale et Lumières ! J’ai constamment ça en tête, parce que c’est la première fois que je vois quelqu’un en train d’essayer de gagner cette bataille morale en conquérant le for intérieur, le cœur et l’esprit des gens.

Je ne sais pas s’il te reste encore beaucoup de temps, mais tu étais censé parler avec Ramírez. Qu’est-ce que je fais, alors ?

Hugo Chávez. Non, non, je peux parler demain avec Ramírez. Nous t’écoutons tout heureux, nous sommes ravis, et aussi d’apprendre que tu te rétablis. Continue de le faire, n’oublie pas le tsunami.

Fidel Castro. Non.

Hugo Chávez. Continue de te rétablir.

Fidel Castro. Ah ! autre chose que j’oubliais : tout le monde ici te remercie de donner de mes nouvelles. Moi, je garde le silence, mutisme total, parce que je ne peux pas parler tous les jours, je ne peux pas créer l’habitude, le vice de donner des nouvelles tous les jours. Je demande à tout le monde de la patience, du calme. Et je suis content, parce que je vois tout le monde tranquille, et que le pays marche bien, ce qui est le plus important. Et je demande aussi du calme pour moi, pour pouvoir remplir mes nouvelles tâches.

Hugo Chávez. Oui, Fidel, je me suis converti… Non, plutôt, tu m’as converti en une sorte d’émissaire ou de source. Quiconque veut savoir comment va Fidel vient ici, ou me téléphone, converse avec moi, et moi, je dis toujours la vérité au sujet de ce qui se passe : ton rétablissement, ton exemple, ta constance.

Tu viens de dire que tu ne pourrais pas m’accompagner ici prochainement en voyage, mais ce n’est pas la peine : toi, tu seras toujours avec nous, et j’espère pouvoir retourner bientôt à La Havane pour continuer de converser, de travailler, de gagne du temps, comme tu l’as dit, et c’est là une bonne réflexion pour nous tous.

Le vice-président te salue, et la Commission du pouvoir populaire, du pouvoir communal, avec laquelle nous allons avoir une réunion à la fin du programme, et tous les jeunes : Teresita, Elena, l’équipe de Venezolana de Televisión, de Radio Nacional de Venezuela, et puis, bien sûr, les millions et les millions de personnes qui nous écoutent.

Sais-tu quel est le taux d’écoute de la première heure du programme d’ « Allô Président » ? 4o p. 100. Phénoménal !

Nous gagnons du  temps, Fidel, et nous gagnerons la bataille pour la vie.

Fidel Castro. Parfait.

Hugo Chávez. Merci de ton appel historique.

Fidel Castro. Et moi je vous remercie tous infiniment.

Hugo Chávez. Des applaudissements pour Fidel ! (Applaudissements.) De bons applaudissements, frère ; une  forte étreinte, camarade, compagnon, et tu sais que là je n’ai pas de complexes : je t’appelle père devant le monde entier !

A la victoire à jamais !

Fidel Castro. A la victoire à jamais !

Hugo Chávez. Nous vaincrons !

Fidel Castro. Nous vaincrons !

Hugo Chávez. Bravo ! (Applaudissements et bravos.)

           



[1] En fait, c’est bel et bien Cuba qui a engagé la première au monde cette modification radicale, à l’échelle de tout un pays, des « mœurs » concernant la consommation électrique, et ce depuis fin 2005, y consacrant même toute l’année 2006, déclarée officiellement « An de la Révolution énergétique », celle-ci portant non seulement sur la consommation, mais aussi sur la production d’électricité. Le Venezuela n’a fait que suivre l’exemple de Cuba, et la Bolivie est en train de s’engager à son tour dans cette « révolution énergétique ». (N.d.T.)

[2] Arrivé au pouvoir, Carlos Andrés Pérez implanta un programme d’ajustement néolibéral extrêmement brutal. A peine vingt-cinq jours plus tard, la hausse des prix du transport fut l’étincelle qui déclencha le soulèvement des habitants des bidonvilles de Caracas, le 27 février 1989. La répression fut encore plus brutale que l’ajustement, les chiffres oscillant entre trois cent cinquante morts (chiffre officiel) et plus de mille morts (selon les sources locales). (N.d.T.)

[3] Le gouvernement de Luis Herrera Campins, pour empêcher l'évasion massive de capitaux qui menaçait gravement le niveau des réserves internationales, instaura le 18 février 1983 - qui restera inscrit dans la mémoire collective comme le « vendredi noir » - un contrôle des changes fondé sur une triple parité du bolívar avec le dollar, ce qui constituait une dévaluation de fait, alors que les Vénézuéliens étaient habitués à jouir d'une des monnaies les plus stables du continent (le dollar a valu 4,30 bolívars pendant plus de vingt ans). (N.d.T.)

[4] 4 février 1992 : date du soulèvement militaire à Caracas et en province commandé par Hugo Chávez, alors lieutenant-colonel parachutiste, qui dénonce la corruption et l'incompétence du pouvoir, et sa politique néolibérale. Le bilan officiel fait état de dix-neuf morts. Un millier de militaires sont arrêtés. (N.d.T.)

[5] Alternative bolivarienne pour les Amériques (en français : aube, aurore, lever du jour), programme d’intégration à vocation latino-américaine lancé officiellement par Cuba et le Venezuela le 14 décembre 2004 et engagé concrètement les 27 et 28 avril 2005 à l’occasion de la Première Réunion de mise en  oeuvre, à La Havane, conduite par Fidel et Chávez. Depuis, la Bolivie d’Evo Morales et le Nicaragua de Daniel Ortega l’ont rejointe, tandis qu’on s’attend à ce que l’Equateur de Correa le fasse prochainement. (N.d.T.)

[6] Initiative de banque régionale lancée par Chávez, en vue de libérer le sous-continent de l’emprise des institutions financières internationales, dont le FMI, la Banque mondiale et la Banque interaméricaine de développement. (N.d.T.)