PROCLAMATION DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE DU POUVOIR POPULAIRE DE LA RÉPUBLIQUE DE CUBA SUR LA LOI D'AJUSTEMENT CUBAIN

Notre patrie vient, au terme d'une lutte énergique, inlassable, intelligente et résolue, de remporter une victoire juste et honorable en obtenant la libération et le retour d'Elián González, ce petit Cubain séquestré aux Etats-Unis, ainsi que le retour de son père digne et courageux. Cette bataille, que nous étions prêts à livrer jusqu'aux dernières conséquences, a prouvé l'unité, la fermeté, l'héroïsme et la capacité de lutte de notre peuple.

Mais il nous faut la poursuivre sans perdre une minute, sans céder à la fatigue, tant que les causes qui ont provoqué cette tragédie n'auront pas été éliminées. Il est impérieux de faire tout ce qui est à notre portée pour éviter sa répétition, ce qui ne sera possible que lorsque l'impérialisme aura renoncé à la politique d'immigration criminelle, immorale et discriminatoire qu'il suit contre Cuba depuis le triomphe de la Révolution et qui se traduit dans la Loi d'ajustement. Il s'agit en effet d'une politique perverse, conçue à dessein pour déstabiliser et miner la société cubaine, et calculée avec cynisme pour provoquer des morts et des souffrances, tout en manipulant de façon éhontée les tragédies qu'engendre cette loi.

Cette élucubration, adoptée en 1966, visait avant tout à favoriser les "batistiens" : son texte souligne en effet explicitement qu'elle a été adoptée au profit de ceux qui avaient fui Cuba le 1er janvier 1959, ce qui excluait par conséquent bon nombre de Cubains qui avaient émigré aux Etats-Unis avant ou pendant la tyrannie. Dès son origine même, cette loi était donc discriminatoire et immorale vis-à-vis des Cubains. Ceux qui sont arrivés aux USA ce jour-là ou au début des années 60 n'y sont pas arrivés sur des embarcations de fortune, mais à bord de yachts de luxe et d'avions privés, ou encore en empruntant les vols réguliers qui existaient depuis Cuba jusqu'à leur suppression par les autorités yankees, fin 1962, dans le cadre de la guerre économique contre notre pays.

L'extension indéfinie de la loi, une fois les relations diplomatiques rompues, une fois suspendue la délivrance de visas et interdites toutes possibilités de voyages normaux entre les deux pays, ne visait qu'à stimuler les Cubains à émigrer en clandestins ou en empruntant la voie maritime, avec tous les risques qu'elle comportait. Ceux qui l'on fait pendant de nombreuses années ont bénéficié de la coopération active des autorités et du Service des garde-côtes des Etats-Unis qui recueillaient systématiquement les voyageurs dans les eaux proches de Cuba et les amenaient en règle générale en territoire nord-américain. D'autres ont perdu la vie, hélas, faute d'avoir croisé les bâtiments des Etats-Unis. Mais les uns et les autres ont été cyniquement utilisés par l'empire pour faire de la propagande contre Cuba, comme le prouvent les milliards de dollars utilisés à ces fins pendant quarante ans.

Les autorités nord-américaines, faussant les chiffres et répandant délibérément des mensonges, ont tenté de présenter les Cubains comme des gens qui brûlent d'envie "d'échapper" aux Etats-Unis et ce pays-là comme la nation "généreuse" qui les accueille. Il n'y a pas un seul iota de vérité là-dedans. Les statistiques officielles nord-américaines le prouvent.

Cuba ne fait pas partie des principales nations d'émigration, malgré l'existence d'une politique spéciale - nommément la Loi d'ajustement cubain - qui vise à inciter par divers moyens les départs et malgré la guerre économique génocide menée depuis quarante ans, qui, entre autres, impose des conditions stimulant la tendance à l'émigration. Plusieurs pays de notre continent enregistrent des chiffres d'émigration bien supérieurs à ceux de Cuba, bien qu’ils soient moins peuplés. Si l'on pouvait calculer avec précision ceux qui vivent aux Etats-Unis sans papiers, le contraste serait encore plus évident : en effet, des millions de Latino-Américains y sont illégaux, alors qu'aucun Cubain, en vertu de cette infâme Loi d'ajustement, ne l'est.

Toutes ces années-ci, et de plus en plus, de nombreux émigrants non latino-américains ont tenté d'arriver aux côtes nord-américaines en provenance de territoires encore plus distants, sans recevoir l'aide et la protection des garde-côtes qui les expulsent invariablement vers leurs lieux d'origine s'ils les découvrent. Contraints d'éviter les autorités, ces émigrants ont dû toujours faire face à des risques plus élevés et beaucoup sont morts dans l'aventure. Mais personne n'en parle, et on ignore leur tragédie. Ceux qui sont parvenus à entrer aux Etats-Unis sont allés rejoindre les millions de sans-papiers, victimes des poursuites constantes du Service d'immigration.

Les autorités nord-américaines ont incité criminellement les Cubains à risquer leur vie dans des traversées dangereuses dans le seul but ignoble et répugnant de calomnier Cuba et de dénaturer grossièrement son image. Elles ouvrent toutes grandes et inconditionnellement les portes à ceux qui sont prêts à risquer leur vie et celle d'autres personnes, dont des enfants, des femmes et des personnes âgées. C'est ainsi qu'elles ont admis des milliers d'individus auxquels elles avaient ou auraient refusé un visa, dont beaucoup au casier judiciaire bien rempli. Et c'est ainsi qu'elles ont aussi permis l'essor ignoble d'une contrebande de personnes, associée au trafic de drogues, sans prendre la moindre mesure efficace pour la contrer.

Bien des Cubains, ou leurs descendants, qui ont vécu concrètement l'expérience de cette société corrompue, violente, raciste et foncièrement injuste, victimes eux-mêmes de l'exploitation et de la discrimination, languissent de la patrie qu'ils ont perdue.

Washington a signé en 1994 et 1995 des accords migratoires avec Cuba, aux termes desquels il s'engageait à ne plus poursuivre cette politique irresponsable et à s'efforcer de canaliser l'émigration par des procédés légaux, sûrs et ordonnés. Ces accords ont permis à une quantité appréciable de candidats à l'émigration à le faire de la façon appropriée. Mais ils n'ont pas conduit pour autant à une normalisation en la matière, car leur application ne cesse d'être viciée par la volonté entêtée des Etats-Unis d'utiliser l'émigration dans le cadre de leur arsenal contre la Révolution cubaine. La Loi d'ajustement, telle qu'elle est appliquée - à plus forte raison à partir des dispositions adoptées l'an dernier par le Service d'immigration et de naturalisation (SIN) - constitue toujours une violation constante des dits accords, tout comme le constitue, soit dit en passant, l'incitation permanente à l'émigration illégale que promeuvent les stations de radio -dont certaines sont même publiques - braquées contre Cuba depuis les Etats-Unis.

Cuba, pour sa part, a tenu strictement ses engagements. Elle a fait tout ce qu'elle peut pour éviter l'émigration illégale par des moyens pacifiques et a respecté tous les autres points des accords.

Les Etats-Unis doivent mettre fin à leur politique criminelle, irresponsable et démagogique, conçue et mise en oeuvre contre les Cubains, mais portant aussi préjudice aux peuples latino-américains et nocive aux intérêts des Nord-Américains eux-mêmes. Ils doivent abroger la criminelle Loi d'ajustement cubain.

Ce qu'ils devraient plutôt "ajuster", c'est le statut de millions de Latino-Américains et d'autres émigrés qui sont victimes de persécutions, de discriminations et de sévices dans un pays où ils travaillent dur dans des conditions d'exploitation et d'abus extrêmes.

Si les Etats-Unis sont disposés à concéder le droit de résidence à n'importe quel Cubain qui y arrive, comme ils le font pour ceux qui risquent leur vie sans nécessité, ils devraient aussi délivrer des visas à tous ceux qui veulent émigrer d'une façon légale et normale, sans leur demander des documents ou leur imposer des conditions, comme ils le font avec ceux qui bafouent leurs lois et les nôtres.

Ce crime monstrueux contre le peuple cubain doit cesser ; l'exploitation abominable et cynique d'êtres humains doit cesser; la contrebande misérable de personnes et la tolérance officielle impudique devant cette pratique infâme doivent cesser; le génocide, le mensonge, le mépris de la vie, doivent cesser; la xénophobie, l'oppression, la haine et les abus contre les immigrants latino-américains doivent cesser.

Nous continuerons de lutter pour y parvenir. Nous continuerons de lutter pour que le serment de Baraguá devienne une réalité. Nous le ferons avec la même énergie et la même ténacité que nous avons employées pour sauver Elián. Nous nous battons pour sauver la patrie. Nous nous battons pour la vie.

 

La Havane, le 12 juillet 2000

Assemblée nationale du pouvoir populaire