COMMENT SE DÉROULENT LES APPELS TÉLÉPHONIQUES ENTRE JUAN MIGUEL GONZÁLEZ ET SON FILS ELIÁN

 

Les psychiatres estiment que les communications téléphoniques de l'enfant séquestré avec son papa sont essentielles pour préserver son équilibre psychique et ses liens avec son petit frère, ses grand-parents et les autres membres de la famille. Or, les méthodes utilisées par le sinistre personnage qui lui sert de grand-oncle, Lázaro González, et par sa famille pour empêcher ces liens et les entraver sont toujours plus cruelles et cyniques.

Bien que notre Section d'intérêts à Washington ait remis au département d'Etat une série de notes pour l'informer systématiquement chaque fois que ladite famille empêche ces communication, de sorte que ce département et le Service d'immigration et de naturalisation ont dû prendre des mesures pour y remédier, la situation empire. Lázaro González a été averti, des normes ont été tracées, des tranches horaires ont été prévues pour une communication quotidienne, toujours est-il que le sinistre individu, toujours plus furieux et incontrôlable, semble-t-il, ou peut-être toujours plus enhardi par le soutien de la mafia et l'impunité avec laquelle il peut continuer de commettre son crime, bafoue tout engagement et se moque presque complètement des autorités du gouvernement nord-américain.

Pour illustrer ce que nous venons de dire, nous offrons ci-après un résumé des faits survenus pendant les tentatives de communication des vingt-deux derniers jours, malgré les dix notes diplomatiques remises par notre Section d'intérêts au département d'Etat. Ce résumé a été préparé à partir des informations que Juan Miguel González et sa famille adressent systématiquement au ministère des Relations extérieures afin que le chef de notre Section d'intérêts connaisse les problèmes qui se présentent tous les jours et puisse en informer le département d'Etat. Granma la publie avec l'assentiment de Juan Miguel González.

Lundi 21 février

Juan Miguel téléphone. Personne ne répond au bout du fil.

Mercredi 23 février

Occupé. Nouvelle tentative, le téléphone sonne mais personne ne répond. Nouvelle tentative, occupé. À 22 heures, il parvient à communiquer. La femme de Lázaro répond que l'enfant dort.

Jeudi 24 février

Conversation à peu près correcte avec l'enfant.

Samedi 26 février

Très tôt dans la matinée, Juan Miguel demande à Raquel de téléphoner. Angela, la femme de Lázaro, répond que l'enfant dort. Juan Miguel appelle dans l'après-midi et communique bien.

Dimanche 27 février

Juan Miguel appelle à trois reprises à différents moments, mais personne ne répond au téléphone.

Lundi 28 février

Juan Miguel appelle plusieurs fois dans l'après-midi : 16 h, 17 h, 17 h 30 et 18 h. Personne ne répond.

Mardi 29 février

Juan Miguel appelle un peu après 18 h. Angela répond que l'enfant dort. Il lui demande pourquoi si tôt. Elle lui répond qu'il est malade, qu'on lui a donné un calmant et qu'il s'est endormi. Elle lui dit d’appeler mercredi matin. Juan Miguel demande quel médicament on lui a donné, elle répond qu'elle ne sait pas, que c'était une piqûre. C'est le troisième jour d'affilée que le père ne peut parler à l'enfant.

Mercredi 1er mars

Juan Miguel parvient à parler à Elián un peu après neuf heures du matin. Il le trouve plus animé. L'enfant lui dit qu'il se sent mieux, qu'on lui a fait une piqûre qui lui avait donné envie de vomir et qu'il a vomi. Juan Miguel lui demande le nom du médicament, mais l'enfant ne sait pas. Personne ne peut lui dire de quelle piqûre il s'agissait.

Samedi 4 mars

Juan Miguel appelle à cinq reprises à partir de 17 h. Lázaro répond chaque fois brièvement que l'enfant est sorti avec Marisleysis.

Dimanche 5 mars

Juan Miguel téléphone vers 10 h, à 17 h et à 20 h. Personne ne répond.

Lundi 6 mars

Juan Miguel appelle à 17 h. Quand on décroche et qu'on se rend compte que c'est lui, on raccroche. Après plusieurs tentatives, Alfredo, neveu de Lázaro, lui aussi opposé au retour de l'enfant, décroche finalement et lui dit que l'enfant n'est pas rentré de l'école. Juan Miguel retéléphone une demi-heure plus tard, et Angela lui dit que l'enfant est sorti. Une demi-heure plus tard, Juan Miguel appelle de nouveau et Alfredo lui passe l'enfant. Au bout de quelques minutes de conversation, on appelle l'enfant à table et le père lui dit qu'il lui retéléphonera après. Pour être sûr de pouvoir parler avec l'enfant sans problème, il demande à parler à Lázaro. On lui répond que celui-ci n'est pas là et c'est Defín, le frère de Lázaro, condamné à plusieurs reprises pour conduite en état d'ivresse et dommages matériels, qui prend l'écouteur et lui dit d'un ton agressif qu'il a déjà parlé à son fils, qu'il n'a pas à rappeler, que le commandant en chef donne des ordres à Cuba mais qu'ici c'est un pays libre. Il lui affirme aussi qu'Immigration a précisé que les appels se feraient uniquement de 19 h à 19 h 20. Juan Miguel lui répond qu'il n'est pas au courant de cette précision, qu'il ne veut pas discuter et qu'il rappellera. Une demi-heure plus tard, voulant continuer sa conversation avec Elián, il appelle de nouveau. Delfín décroche, dit que l'enfant est encore en train de manger et répète qu'il a déjà parlé à son fils. Nouvelle tentative un demi-heure plus tard : Delfín répond la même chose et raccroche.

Mercredi 8 mars

Communication établie vers 21 h. À la seconde sonnerie, Delfín répond et dit que l'enfant dort parce qu'ils sont allés à l'église et qu'en revenant, vers 20 h, l'enfant s'est endormi tout de suite.

Jeudi 9 mars

Appel à 19 h. De nouveau Delfín qui dit que l'enfant est allé voir Marisleysis à l'hôpital et qu'il irait ensuite au restaurant. Nouvel appel à 19 h 30. Encore Delfín qui dit que l'enfant avait très sommeil et qu'il dort et que s'il veut qu'on le réveille. Juan Miguel répond : D'accord, tu es une fois de plus responsable que je ne puisse pas parler à mon fils.

Vendredi 10 mars

Juan Miguel appelle à 16 h 50. Alfredo répond que l'enfant n'est pas rentré de l'école. Nouvel appel à 17 h 50. Delfín décroche, attend quelques secondes et quand il se rend compte de qui il s'agit, raccroche. Juan Miguel rappelle aussitôt. Cette fois-ci, Alfredo lui dit que l'enfant prend sa douche et qu'il doit téléphoner à 19 h, l'heure fixée. Juan Miguel répond que ça fait trois jours qu'il appelle à cette heure et qu'il n'est pas parvenu à parler à son enfant. (Le département d'Etat a informé Juan Miguel, le 8 mars, qu'il pouvait parler à son enfant à 19 h, sans limite de temps et que les parents de Miami le savaient.) A 18 h 30, nouvelle tentative. Alfredo lui répond avec une ironie cruelle qu'il n'est pas encore 19 h et que l'enfant est en train de manger. Juan Miguel peut enfin entrer en communication à 19 h avec son fils,  qui doit faire taire ceux qui font du bruit autour de lui. L'appel est coupé quand l'enfant parle de son école à Cuba et Juan Miguel doit rappeler. Quand la conversation peut reprendre à 19 h 20, on entend des bruits de voix autour de l'enfant et quelqu'un commence même à jouer avec les touches du téléphone. L'appel est interrompu quelque temps plus tard. Finalement, au cours d'une dernière tentative, l'enfant lui fait ses adieux en lui envoyant des baisers pour lui et en particulier pour son petit frère de quelques mois, quand il apprend qu'il a été hospitalisé ce même jour.

Dimanche 12 mars

Juan Miguel téléphone à 19 h. Personne ne répond. Mariela, la grand-mère, parvient à établir la communication à 20 h 45, on lui dit que l'enfant vient de rentrer et qu'il dort. Mariela rappelle que l'enfant doit être à la maison à 19 h, à l'heure fixée. On lui répond que l'enfant était sorti et qu'on ne pouvait rien y faire. Finalement, la famille ne peut pas parler à l'enfant, alors que c'est dimanche.

Lundi 13 mars

Juan Miguel appelle à 19 h. Quand l'enfant vient au téléphone, on entend Marisleysis, au bout de quelques minutes, qui lui rappelle qu'il doit faire ses devoirs et lui reproche de parler depuis une demi-heure. Juan Miguel décide alors de raccrocher pour éviter que l'enfant ne soit soumis à de telles pressions.

Les éléments les plus significatifs des conversations avec l'enfant depuis le 6 mars expliquent parfaitement les vraies intentions de ses ravisseurs :

. Ceux qui répondent au téléphone sont des personnes qui n'ont pas le droit de garde temporaire sur l'enfant et n'apparaissaient pas avant dans les conversations.

. Tout le monde fait des précisions, fixe des règles et donne des indications sur la façon dont Juan Miguel doit appeler son enfant.

. Les ravisseurs savaient depuis le 6 mars - et ils l'ont dit - que les appels se feraient à 19 h. Quand Juan Miguel a été informé officiellement, le 8 mars, de cet accord au sujet duquel personne ne l'avait consulté, il s'est rendu compte qu'il n'existait aucune limite de temps aux appels et que les prétendues vingt minutes autorisées à partir de 19 h n'étaient qu'un mensonge de plus de ceux de Miami pour réduire encore plus sa communication avec son enfant.

. On entend toujours des voix autour de l'enfant, des gens qui font des commentaires sur ce qu'il dit, ou qui rient, ou qui conversent avec lui ou qui lui mettent des vidéos-cassettes pour le distraire. Qui font l'impossible pour entraver les seuls contacts affectifs que Juan Miguel peut avoir avec son enfant depuis plus de trois mois.

Pour mieux illustrer ceci, nous reproduisons ci-dessous le rapport textuel sur ce qui s'est passé le 14 mars, cinq jours après l'audience et six jours après que, selon notre Section d'intérêts à Washington, « le Service d'immigration et de naturalisation ait informé le département d'Etat que les parents de Miami avaient décidé que M. González pourrait téléphoner tous les soirs à 19 h, heure à laquelle Elian serait en mesure de parler à son père ».

Mardi 14 mars

. « Appel à 19 h. Angela répond, elle ne parle pas et passe le téléphone à l'enfant. On entend la voix de Marisleysis : "Si tu ne veux pas, tu n'es pas obligé de parler à ton papa", mais l'enfant insiste.

. « L'enfant commence très bien, raconte des choses de l'école, ce qu'il a fait, mais au bout de dix minutes on commence à entendre des voix qui lui demande si l'ours lui plaît, etc., en référence, semble-t-il, à un vidéo.

. « L'enfant se met à protester parce qu'on le gêne, qu'on fait du bruit et leur demande de se taire.

. « Les choses continuent comme ça, et l'enfant dit à son père que ‘chaque fois qu'il téléphone, tout le monde se met à parler, à mettre des vidéos’, etc., qu'on ne le laisse pas parler avec lui. Juan Miguel lui suggère d'abandonner la pièce, ou alors que les autres sortent, et on entend Marisleysis dire : ‘On va se mettre sous terre !’

. « L'enfant parle à ses grands-parents Rolando, Mariela et Raquel.

. « Les bruits continuent. L'enfant continue de protester et dit au papa qu'il ne lui téléphone plus à cette heure-là, parce que tout le monde se met alors à parler.

. « Juan Miguel lui explique qu'il appelle à cette heure-ci parce que ce sont eux qui l'ont voulu comme ça. À ce moment, Alfredo prend le téléphone et, furieux, lui dit sur un ton offensif que c'est comme ça parce qu'il passe son temps à protester à l'Immigration, qu'il n'aime pas son fils tant que ça, et que Raquel n'a jamais aimé sa fille. » (Cet exemple prouve que tout le monde dans la maison écoute les conversations entre Juan Miguel et son fils.)

. « Juan Miguel insiste qu'ils doivent le laisser parler à son enfant, mais eux raccrochent finalement, et il ne peut plus parler à Elián bien qu'il ait tenté de rétablir la communication plusieurs fois. »

Et pour comble dans cette triste histoire si triste et si désagréable où le seul parent survivant ne peut établir avec son fils la communication minimale et indispensable à laquelle il a droit, hier, 15 mars, Juan Miguel a tenté sans succès, de 19 h à 20 h 40, d'entrer en communication avec Elián. La sonnerie sonnait mais personne ne répondait Une seule fois, exactement à 20 h 20, le téléphone semblait occupé. Une fois de plus, la famille de Miami a empêché Juan Miguel de parler à son enfant.

 

Editorial du journal Granma du 16 mars 2000