DÉCRET-LOI DU CONSEIL D'ÉTAT DE LA RÉPUBLIQUE DE CUBA SUR LES COMMUNICATIONS ENTRE CUBA ET LES ÉTATS-UNIS

Je fais savoir : Que le Conseil d'Etat a décidé ce qui suit :

VU : Qu'un amendement sans aucun rapport avec sa teneur a été perfidement introduit par des procédés vicieux dans la Loi dite de protection des victimes de la contrebande de personnes votée par le Congrès des Etats-Unis.

VU : Que ledit amendement constitue une agression éhontée contre l'économie de notre pays qui vise à intensifier le blocus, puisqu'il destine d'importants fonds cubains mis arbitrairement sous séquestre aux Etats-Unis à des groupes terroristes installés dans ce pays, et ce sous prétexte d’indemniser des proches de personnes mortes dans un incident survenu très près de nos côtes et provoqué par des dizaines de violations de notre espace aérien réalisées pendant des années, des conséquences dangereuses desquelles les autorités nord-américaines avaient été averties bien des fois.

VU : Que, s'agissant du cas spécifique des vols qui ont donné lieu à la mort de quatre personnes, les autorités cubaines avaient, des semaines avant, fait part au gouvernement des Etats-Unis, d'une façon respectueuse, confidentielle et sûre, de l’utilité d'empêcher ces actions afin d'éviter que les relations entre les deux pays, qui n'étaient pas particulièrement tendues à ce moment-là, n'en soient perturbées. Que, malgré la réponse positive reçue dudit gouvernement, les ordres pertinents des hautes autorités administratives de ce pays n'ont pas été exécutés, et que l'incident fatal s'est produit alors que nul ne l'attendait ni ne le souhaitait. Que la responsabilité en retombe entièrement, sous tous les rapports, sur le gouvernement des Etats-Unis.

VU : Que les fonds cubains mis sous séquestre aux Etats-Unis et touchés maintenant par l'amendement susmentionné appartenaient à l'ancienne compagnie publique EMTELCUBA pour les services prêtés pendant vingt-huit ans, de 1966 à 1994, aux services de communication téléphonique entre les personnes vivant aux Etats-Unis et à Cuba, et que lesdits fonds ont été retenus illégalement et arbitrairement aux Etats-Unis sans que Cuba ait cessé de prêter les services durant cette longue période.

VU : Que cet amendement législatif constitue un stimulant puissant à la contrebande d'immigrants par des bateaux en provenance des Etats-Unis, à des violations de notre espace territorial et à des actions pirates par air et par mer de groupes terroristes qui se sentent poussés à le faire en toute impunité.

VU : Que cette saisie des fonds cubains est injustifiable, illégale et immorale.

VU : Qu'aucun des dizaines de milliers de parents des 3 478 personnes qui sont mortes et des 2 099 qui sont restées invalides d'une façon ou d'une autre par suite des milliers d'actes terroristes et d'agressions qu’ont réalisés des mercenaires organisés, entraînés et dirigés par les différentes administrations nord-américaines, n'a été indemnisé par celles-ci.

VU : Que l'article 12, alinéa f) de la Constitution de la République de Cuba refuse la violation du droit imprescriptible et souverain de tout Etat de réglementer les utilisations et les bénéfices des télécommunications sur son territoire, conformément à la pratique universelle et aux accords internationaux qu'il a souscrits.

VU : Que les statuts de l'Union internationale des télécommunications, instrument fondamental de cette organisation dont Cuba est signataire, reconnaît dans toute sa portée le droit souverain de chaque Etat de réglementer ses télécommunications.

VU : Que la loi no. 73 du système fiscal, votée par l'Assemblée nationale du pouvoir populaire de la République de Cuba, le 4 août 1994, stipule à son titre II, chapitre V, un impôt sur les services publics, dont les services téléphoniques, câblégraphiques et radiotélégraphiques, que doivent payer obligatoirement les personnes naturelles et juridiques prestataires des services grevés par ledit impôt.

PAR CONSÉQUENT : Le Conseil d'État, en vertu des pouvoirs qui lui sont conférés par l'alinéa c) de l'article 90 de la Constitution de la République, adopte le présent

Décret-Loi no. 215

Article 1er :Ce Décret-Loi a pour objet d'appliquer et de réglementer l'obligation du paiement de l'impôt sur les services publics stipulé par la loi no. 73, du 4 août 1994, du système fiscal, en ce qui concerne les appels téléphoniques internationaux qui se réalisent entre Cuba et les Etats-Unis d'Amérique, ainsi que les normes relatives aux formes et aux procédés de son calcul, de son paiement et de sa liquidation.

Article 2 : Sont sujets de l'impôt auquel fait référence le présent Décret-Loi les personnes juridiques cubaines et étrangères qui, dans le cadre de leur activité commerciale, prêtent les services de télécommunications entre Cuba et les Etats-Unis sur le territoire national, à titre habituel ou occasionnel.

Article 3 : S'entend par prestation de services sur le territoire national celle qui s'effectue en tout ou partie en République de Cuba, indépendamment du lieu de concertation, ou qui y trouve leur point de départ ou d'arrivée.

Article 4 : Pour chaque minute d'appel téléphonique international depuis Cuba vers les Etats-Unis d'Amérique, ou de ceux-ci vers Cuba, dont les appels passant par des pays tiers, l'impôt à payer se montera à 10 p. 100 du tarif de base par minute payé par les usagers pour les appels vers les Etats-Unis d'Amérique.

Article 5 : S'agissant des appels en provenance du territoire des Etats-Unis, tant directs que passant par des pays tiers, qui aboutissent en République de Cuba, l'Empresa de Telecomunicaciones de Cuba S.A. (ETECSA) inclura le paiement additionnel de cet impôt en sus de la taxe de liquidation fixée dans les Accords de services pour les opérations de trafic téléphonique dont elle sera convenu avec les exploitants nord-américains.

Article 6 : Quand les appels vers Cuba en provenance des Etats-Unis passent par des pays tiers, les sociétés de ces pays prestataires devront inclure l'encaissement de l'impôt fixé pour le paiement de chaque appel.

Article 7 : Les appels directs dans les deux directions entre usagers de Cuba et d'autres pays, exception fait des Etats-Unis, ne seront pas touchés par ledit impôt.

Article 8 : Afin d'éviter toute tentative de tourner ledit impôt par des appels entre les Etats-Unis et Cuba à travers des pays tiers, l'Etat cubain garantira l'exemption de l'impôt sur les appels entre Cuba et lesdits pays tiers à partir de la moyenne des appels quotidiens entre ces pays et Cuba durant les trois mois ayant précédé la signature du présent Décret-Loi.

Le Comité exécutif du Conseil des ministres est habilité à établir les régulations pertinentes afin que les sociétés téléphoniques de pays tiers ne soient pas lésées dans leurs recettes et qu'il soit tenu compte des augmentations qui se produisent normalement tous les ans dans les communications entre Cuba et lesdits pays.

Article 9 : L'Empresa de Telecomunicaciones de Cuba S.A. (ETECSA) retiendra les recettes collectées à ce titre, qu'elle cédera à l'Etat cubain conformément aux stipulations de la loi en vigueur.

Article 10 : L'impôt établi dans le présent Décret-Loi restera en vigueur tout le temps que les fonds cubains mis illégalement sous séquestre aux Etats-Unis n'auront pas été restitués en leur totalité, accompagnés des intérêts correspondants.

Article 11 : Les fonds collectés à ce titre seront alloués à l'achat d'équipements de médecine, de médicaments et de matières premières permettant de les fabriquer, en sus des dépenses annuelles en devises convertibles que le pays réalise pour garantir les soins médicaux de la population.

Article 12 : Face à toute tentative des autorités nord-américaines d'empêcher, de mettre sous séquestre ou de saisir les recettes découlant du sit impôt, le gouvernement cubain se réserve le droit d'adopter les mesures qu'il jugera pertinentes, dont la rupture totale des communications téléphoniques directes et indirectes entre Cuba et les Etats-Unis.

Article 13 : Le présent Décret-Loi entrera en vigueur à compter de sa publication à la Gaceta Oficial de la República de Cuba.

Fait au palais de la Révolution, le vingt octobre de l'an deux mille, « An du quarantième anniversaire de la décision de La Patrie ou la mort ».

Le président du Conseil d'Etat