Table ronde d’information sur les graves événements survenus au Venezuela, tenue dans les studios de la télévision cubaine le 12 avril 2002.

Randy Alonso.- Bonjour, chers téléspectateurs et auditeurs.

Cubavisión, Radio Rebelde et Radio Havane Cuba commencent à transmettre la table ronde informative sur les graves événements survenus au Venezuela qui ont abouti au renversement du président constitutionnel de la République bolivarienne du Venezuela, Hugo Chávez Frías, et à sa détention par les forces contre-révolutionnaires.

Y participent les compañeros Rogelio Polanco, directeur du journal Juventud Rebelde ; Juana Carrasco, chef de la rédaction internationale du journal Juventud Rebelde ; Lázaro Barredo, journaliste du journal Trabajadores, et Eduardo Dimas, commentateur international du Système informatif de la télévision cubaine.

(Visionnage de certaines images)

Au petit matin de ce vendredi-ci, après une journée troublée à Caracas, comme l’a signalé la presse nationale, les forces contre-révolutionnaires vénézuéliennes ont renversé le président Hugo Chávez. Hier, les patrons de Fedecámaras et les cadres illégaux de la Centrale des travailleurs du Venezuela ont encouragé des actes de violence et de provocation lors d’une manifestation organisée contre le Palais de gouvernement au moment où Chávez s’adressait à la nation. Des membres de l’opposition ont tiré des coups de feu sur la Garde nationale et sur des partisans du processus bolivarien, aussitôt après que le président Chávez a dénoncé le caractère subversif de la grève générale indéfinie décrétée par les deux entités avec le soutien des médias privés.

Ces événements, manipulés par la presse et les médias vénézuéliens et suivis de près par la presse internationale, ont attiré l’attention de l’opinion publique mondiale.

Un coup de force contre-révolutionnaire a renversé le gouvernement du président Chávez.

Cet après-midi, au siège du ministère des Relations extérieures, le ministre de tutelle, le compañero Felipe Pérez Roque, a fait d’importantes déclarations à la presse nationale et internationale accréditée à Cuba.

Je vous propose tout d’abord d’entendre les déclarations avancées par notre ministre.

Felipe Pérez Roque. Bonjour et merci à tous d’être venus au ministère.

Nous avons convoqué la presse nationale et la presse étrangère accréditée à La Havane pour faire savoir qu’environ quatre cents émeutiers, profitant du coup d’Etat survenu au Venezuela, sont en train d’assiéger l’ambassade cubaine à Caracas. Cette foule violente est menée par des individus de l’extrême droite cubaine vivant au Venezuela où ils représentent la Fondation nationale cubano-américaine et d’autres groupes extrémistes et terroristes vivant à Miami, aux Etats-Unis.

Ces extrémistes d’origine cubaine ont été les premiers à arriver devant l’ambassade cubaine et, profitant du climat de tolérance et d’impunité absolue qui règne en ce moment, ils ont convoqué d’autres secteurs extrémistes et violents de la population vénézuélienne qui soutiennent le coup d’Etat, les invitant à briser les portes de l’ambassade et à y pénétrer.

L’ambassade est actuellement assiégée. L’électricité et l’eau lui ont été coupées, mais les émeutiers réclament aussi que l’on coupe les approvisionnements, tandis que des chaînes de télévision privées impliquées dans les événements d’hier et dans le coup d’Etat contre le gouvernement constitutionnel lancent des appels insistants à entrer de force dans notre ambassade.

Notre ambassadeur, Germán Sánchez, a tenté d’entrer en communication avec le ministère vénézuélien des Affaires étrangères et a même adressé par télécopie une note diplomatique expliquant ces graves événements, il est aussi entré en contact avec le maire de cet arrondissement de Caracas, et il a invité ces autorités à assumer leur responsabilité, qui est de protéger le personnel diplomatique cubain accrédité dans le pays et les familles. Il n’a pas reçu de réponse au milieu du chaos généralisé qui règne en ce moment, ni du ministère ni de la mairie.

Notre personnel diplomatique a reçu des instructions d’interdire la violation de l’ambassade. Je tiens à préciser en toute clarté que si ces émeutiers tentent de pénétrer de force et mettent en danger les diplomates et de leurs familles, ceux-ci défendront l’ambassade même au prix de leur vie.

Le gouvernement cubain responsabilise les putschistes qui tentent de prendre le pouvoir illégalement par un coup d’Etat de ce qui peut survenir dans l’ambassade cubaine de Caracas, du sort et des vies des diplomates cubains, de leurs familles, et des biens de notre siège diplomatique. Ils seront responsables de ce qui peut survenir, puisque, en violation des conventions internationales et de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques, ils tolèrent ces actions violentes et extrémistes contre notre personnel accrédité.

Je répète : si ces émeutiers pénètrent dans l’ambassade cubaine, notre personnel a reçu des instructions de la défendre même au prix de sa vie.

Autre point. D’après les nouvelles qui nous parviennent, il est absolument évident qu’un coup d’Etat a eu lieu hier au Venezuela. Le procureur général de la République vient d’informer la presse que le président Chávez a été arrêté et qu’il est retenu de force dans une installation militaire, et qu’il est absolument faux qu’il ait démissionné. Le procureur a déclaré : « Le président Chávez n’a pas démissionné. Il n’existe aucun document montré à l’opinion publique qui prouve la démission du président Chávez. » Par conséquent, le président Chávez est toujours le président constitutionnel du Venezuela. Il a été séquestré alors qu’un coup d’Etat est en marche dans le pays.

Le procureur général a précisé clairement qu’aux termes de la Constitution, non seulement celle de 1999, mais même celle de 1961, même si le président constitutionnel de la République avait décidé de démissionner, il devrait de toute façon le faire devant l’Assemblée nationale réunie en séance plénière, ce qui n’a pas eu lieu.

Le procureur général a dénoncé le fait qu’on lui ait interdit, à lui et à son personnel, d’entrer en contact avec le président Chávez dont il n’a eu des nouvelles qu’à travers des sources militaires, qu’à travers des procureurs militaires qui ont eu accès, eux, à l’endroit où le président constitutionnel du Venezuela est retenu de force et illégalement.

Le procureur de la République a encore précisé que si le président constitutionnel démissionnait – ce qui n’est pas arrivé, je le répète, puisque qu’aucun document dans ce sens n’a été montré à l’opinion publique qui n’a pas accès au président, que l’Assemblée nationale devant laquelle, selon la Constitution, il doit démissionner n’a pas été réunie – il reviendrait au vice-président de la République, Diosdado Cabello de le remplacer, puisque le président Chávez n’a pas destitué le vice-président ni son cabinet. Autrement dit, les individus qui tentent d’usurper le pouvoir au Venezuela par la force et la violence violent absolument la Constitution, les fondements de l’Etat de droit et les clauses de la Charte démocratique interaméricaine adoptée par l’Organisation des Etats américains.

Le procureur général a signalé que le président est arrêté arbitrairement, qu’il n’a signé aucune démission, et que, même s’il avait démissionné lui, et aussi le vice-président, alors, selon la Constitution, le contrôle du pays incombe au président de l’Assemblée nationale.

Par conséquent, les événements qui se déroulent au Venezuela depuis le petit matin constituent une violation de la Constitution. La junte putschiste qui tente de se consolider au pouvoir viole donc la Constitution vénézuélienne et les clauses démocratiques établies dans l’Organisation des Etats américains à laquelle appartient le Venezuela.

Des gouverneurs ont dénoncé le coup d’Etat et refusent de reconnaître la légitimité du pouvoir des putschistes. Plusieurs d’entre eux ont été arrêtés et conduits à des endroits inconnus au milieu de poursuites et d’une répression auxquelles participent les forces armées et des individus liés à la junte putschiste qui vient de s’installer au pouvoir au Venezuela voilà quelques heures à peine.

Cuba dénonce ce coup d’Etat devant l’opinion publique internationale.

Cuba responsabilise les putschistes qui tolèrent le siège de son ambassade à Caracas de ce qu’il peut arriver au personnel diplomatique et aux familles. Cuba réitère qu’ils sont responsables de toute situation de violence et d’agression éventuelle contre le personnel diplomatique cubain.

Cuba réitère que son personnel diplomatique défendra l’ambassade, si ces individus y pénétraient, même au prix de sa vie et responsabilise les putschistes qui tolèrent que des secteurs extrémistes appellent à envahir de force l’ambassade qui, pour le moment, est privée d’électricité et d’eau et qui est totalement bloquée par ces individus qui agissent en toute impunité.

Le procureur général a dit qu’il n’existait pas d’Etat constitutionnel au Venezuela actuellement, qu’il s’agit d’un coup d’Etat par lequel une junte installée de facto tente, en violation de la Constitution vénézuélienne, de s’approprier le pouvoir.

Nous tenons à ce que notre peuple, notre opinion publique et en particulier l’opinion publique internationale connaissent ces graves événements.

Des questions ?

Lucia Newman (CNN). Monsieur le ministre, deux questions. Qu’y a-t-il de vrai dans les rumeurs ou les informations selon lesquelles la femme du président Chávez est à Cuba ? Deuxièmement, comment réagissez-vous à l’annonce de Petróleos de Venezuela que plus une seule goutte de pétrole ne sera livrée désormais à Cuba ?

Felipe Pérez Roque. La femme du président Chávez n’est pas à Cuba.

Petróleos de Venezuela est dirigé actuellement par un groupe de personnes répondant aux putschistes qui tentent de se consolider au pouvoir au Venezuela par des moyens illégaux, par un coup d’Etat, et de contrôler le pays de facto. Cuba ne reconnaît aucune légitimité aux dirigeants de Petróleos de Venezuela qui répondent aux putschistes.

Mauricio Vincent (El País). Deux questions aussi, monsieur le ministre.

Le président cubain a-t-il pu parler hier soir avec le président vénézuélien avant son arrestation ?

Cuba va-t-elle engager une initiative devant un organe international, à l’ONU ou ailleurs, pour dénoncer cette situation à court terme ?

Felipe Pérez Roque. Oui, le président Fidel Castro est entré en communication au petit matin avec le président Chávez.

Cuba va demander une réunion des mécanismes internationaux de préservation des institutions démocratiques et de respect du droit international.

Cuba va demander une réunion du Bureau de coordination du Mouvement des pays non alignés, et fait actuellement des démarches avec d’autres pays non alignés pour que cette réunion se tienne aux Nations Unies.

Cuba est en train de mettre le secrétaire général des Nations Unies au courant du siège et de la violence dont son ambassade de Caracas fait l’objet.

Cuba fait des démarches pour que le Groupe des 77, dont le Venezuela est actuellement le président, connaisse les graves événements qui ont conduit une junte putschiste à s’emparer du pouvoir et à tenter de s’y consolider.

Mauricio Vincent. Pouvez-vous nous dire de quoi ils ont parlé et ce que Hugo Chávez a dit au président cubain ?

Felipe Pérez Roque. Ça, c’est une autre question. Je peux seulement confirmer qu’ils ont eu une conversation.

Benito J. Milanés (Radio Rebelde). Une question et une précision.

La question : Connaît-on la situation des coopérants cubains au Venezuela ? Une précision : de quelle manière le personnel diplomatique cubain défendra-t-il l’ambassade ?

Felipe Pérez Roque. Il existe actuellement au Venezuela 1 043 coopérants civils cubains, des entraîneurs, des médecins, du personnel paramédical, des travailleurs et des techniciens de l’économie et des services, qui y travaillent en vertu d’un accord légalement établi entre le gouvernement légitime de la République bolivarienne du Venezuela et le gouvernement cubain.

Les nouvelles que nous avions, voilà encore cinq minutes, est que ce personnel est sain et sauf, en communication permanente avec ses responsables, avec les personnes qui dirigent la coopération cubaine sur place et avec l’ambassade cubaine. Nous sommes aussi, de La Havane, en contact permanent avec eux. Ils se trouvent à des endroits sûrs et ils se sont regroupés. Je ne crois pas que ce personnel, dont le gros se trouve, non à Caracas, mais en province, soit en danger.

En tout cas, nous responsabilisons aussi les autorités putschistes de tout incident, de toute agression ou de toute provocation contre ces coopérants qui ont prêté des services très utiles au peuple vénézuélien.

Le personnel de notre ambassade défendra l’intégrité du siège diplomatique par tous les moyens à sa portée, en particulier sa vie qui est ce qu’il a de plus précieux.

Andrea (El Universal). Si la situation se maintient, que pensez-vous du fait que Cuba se retrouverait sans pétrole vénézuélien et quel impact cela aurait-il sur l’économie cubaine et sur la population ?

Felipe Pérez Roque. Pour l’instant, nous nous occupons de la situation immédiate. C’est une question sur laquelle on pourra revenir ensuite. En tout cas, je suis absolument convaincu que le Gouvernement révolutionnaire cubain et le peuple cubain sont prêts à faire face à n’importe quelle situation, même la plus difficile. N’oubliez pas que nous vivons en Période spéciale depuis plus de dix ans, après la rupture brutale et inattendue de nos liens commerciaux avec nos partenaires traditionnels et que notre pays a eu la capacité, le talent et le soutien du peuple nécessaires pour surmonter de si graves difficultés.

Je tiens à dire que Cuba attend avec beaucoup d’intérêt et suit avec la plus grande attention la réaction du Groupe de Rio réuni à San José de Costa Rica, la réaction de l’Organisation des Etats américains et la réaction des gouvernements du continent, y compris de celui des Etats-Unis, au sujet de cette rupture violente de l’ordre démocratique dans un pays du continent. Cuba attend avec le plus grand intérêt ces réactions-là, et elle espère que les gouvernements de la région et les institutions régionales et internationales dénonceront le coup d’Etat qui vient d’avoir lieu au Venezuela et qu’ils réclameront, comme le fait Cuba, la restitution du gouvernement démocratiquement et constitutionnellement élu au Venezuela, le retour des autorités vénézuéliennes légitimes, et elle espère qu’il n’y aura aucune tolérance ni complaisance envers un groupe de putschistes qui s’est emparé illégalement du contrôle du pays par la force, surtout à cette époque où l’on parle tant de démocratie et d’institutions démocratiques et de respect des droits de l’homme.

Journaliste. Y-a-t-il des fonctionnaires réfugiés dans l’ambassade cubaine ? Le vice-président Cabello, entre autres ?

Felipe Pérez Roque. Aucun Vénézuélien ne s’est réfugié dans notre ambassade à Caracas. Ce sont de fausses accusations lancées par les meneurs de l’extrême droite cubaine sur place, faite de terroristes, liée aux secteurs extrémistes de Miami, pour encourager des voyous vénézuéliens à envahir l’ambassade, à l’assiéger, à la prendre d’assaut. Je rappelle que notre ambassade est en ce moment sans communications, sans lumière, sans eau et sans accès à l’extérieur.

Les voitures du personnel diplomatique garées à l’extérieur ont reçu des coups, et certaines ont été pratiquement détruites. Nos diplomates et leurs familles préservent en toute sérénité la vie de tout le personnel et la sécurité des installations. Nous espérons qu’aucune violence – ce qui serait très grave – ne sera exercée contre les diplomates cubains et leurs familles, qui jouissent de l’immunité diplomatique selon toues les conventions internationales en la matière.

Quoi d’autre ?

Oscar Madrid (ANSA). Monsieur le ministre, pensant à d’autres scénarios, si le coup d’Etat se consolide au Venezuela, quelle serait l’attitude du gouvernement cubain ? Serait-il prêt, le cas échéant, à offrir l’asile au président Chávez ?

Felipe Pérez Roque. Je ne peux imaginer ce scénario : la consolidation d’un coup d’Etat en Amérique latine au XXIe siècle ! Je ne peux croire que ce soit possible. J’espère que les pressions internationales des gouvernements de la région, du gouvernement des Etats-Unis et des autres gouvernements de la région, j’espère que les pressions du Groupe de Rio, de l’Organisation des Etats américains, réclamant le respect de la clause correspondante de la Charte démocratique interaméricaine, empêcheront les putschistes qui usurpent illégalement le pouvoir au Venezuela de s’y maintenir. Non, je ne peux concevoir ce genre de scénario. Ce serait une très grave violation et un précédent très négatif, et un coup terrible à la crédibilité du discours que nous avons entendu pendant des années sur ce continent en faveur de la démocratie !

J’espère qu’on ne tolérera pas cette fois-ci, comme on l’a déjà toléré une fois, une dictature putschiste dans un pays d’Amérique latine. Et je ne peux imaginer ce scénario : que les gouvernements de la région, que les institutions démocratiques régionales tolèrent, soutiennent ou reconnaissent un gouvernement qui, selon le procureur général de la République, est en train de se constituer illégalement au Venezuela, alors que le président constitutionnel n’a pas démissionné, mais a été bel et bien arrêté, alors que le vice-président n’a pas démissionné, alors que les ministres n’ont pas démissionné et n’ont pas été cassés… Non, c’est un coup d’Etat, c’est un coup de main, et je ne peux imaginer ce scénario que vous dites.

Au sujet du président Chávez. Il faut savoir d’abord ce que vont faire les putschistes. Pour l’instant, il est détenu au secret, alors qu’il est le président constitutionnel du pays, alors qu’il n’a pas démissionné, alors qu’aucun document n’existe attestant de sa démission, même si l’on parle mensongèrement d’une « transition démocratique » au Venezuela…

Cuba refuse qu’on appelle ce coup d’Etat une « transition démocratique ». Nous sommes en présence d’un coup d’Etat, et nous estimons qu’il faut le condamner, et qu’il faut exiger que les putschistes qui occupent illégalement le pouvoir le rendent aux autorités constitutionnelles élues démocratiquement par le peuple aux termes de la Constitution vénézuélienne.

Mery Murray (NBC). Monsieur le ministre, pouvez-nous dire combien de personnes se trouvent dans l’ambassade cubaine ? Combien de femmes, combien d’enfants ? Le ministère a-t-il reçu des demandes d’asile de la part de Vénézuéliens vivant à Cuba ?

Felipe Pérez Roque. Que je sache, le ministère n’a reçu aucune demande d’asile.

Le personnel diplomatique cubain se monte à plusieurs dizaines de personnes. Les femmes et les enfants sont à l’abri pour le moment dans la résidence de l’ambassadeur, tandis que l’ambassade en soi est protégée et défendue par un groupe de fonctionnaires cubains. D’autres proches se trouvent dans l’ambassade, et nous espérons que leur vie sera préservée et que l’immunité de ce siège diplomatique sera respectée.

Quoi d’autre ?

Fonctionnaire cubain. C’est la dernière question, Ramírez.

Francisco Ramírez (Notimex). Monsieur le ministre, dans une situation si instable et si confuse, Cuba a-t-elle des raisons fondées de craindre pour la vie du président Chávez ?

Felipe Pérez Roque. Cuba craint pour la vie du président Chávez qui se trouve en ce moment détenu au secret, de force, dans une caserne de l’armée.

Cuba considère que le président Chávez est toujours le président constitutionnel du Venezuela, juge comme sans fondement la nouvelle selon laquelle il aurait démissionné et défie les putschistes de présenter la lettre de démission signée par le président Chávez.

José L. Ponce (directeur du CPI). Je vous remercie, monsieur le ministre.

Felipe Pérez Roque. Merci aussi à tous.

Randy Alonso.- Nous venons d’entendre les déclarations de notre ministre Felipe Pérez Roque concernant les graves événements survenus hier en République bolivarienne du Venezuela où les forces contre-révolutionnaires des milieux d’affaires de droite, la centrale des travailleurs illégale et les médias ont fait bloc pour essayer, avec succès, de renverser le président Hugo Chávez et le gouvernement de la République bolivarienne du Venezuela, avec la participation directe des généraux des forces armées de ce pays.

Plusieurs événements ont abouti hier au renversement du président Hugo Chávez.

Je vous propose de caractériser les forces principales qui ont participé à ces événements et d’analyser certains antécédents.

Nous cédons la parole à Eduardo Dimas afin qu’il nous offre des commentaires à ce sujet.

Eduardo Dimas.- Merci, Randy.

Le 6 avril dernier, la direction illégale de la Confédération des travailleurs du Venezuela, conjointement avec les milieux d’affaires les plus influents, c’est-à-dire la bourgeoisie et l’oligarchie vénézuéliennes, regroupées au sein de Fedecámaras, ont annoncé une grève de 24 heures pour soutenir les gérants de Petróleos de Venezuela, S.A., autrement dit des gérants retraités ou licenciés du fait de leur opposition à la nouvelle direction désignée par le gouvernement. Rappelons que Petróleos de Venezuela est une société publique.

L’union entre la direction illégale de la Confédération des travailleurs du Venezuela et Fedecámaras constitue un élément significatif : l’aristocratie ouvrière s’allie à la bourgeoisie pour faire la grève. La grève, déclenchée le 9 avril, touche d’une façon ou d’une autre divers secteurs du pays. Cependant, certains organes de presse ont signalé que les dommages subis par les secteurs économiques ne dépassaient pas 40%. Les dirigeants syndicaux et les patrons décident alors de prolonger la grève pour 48 heures.

Le 10 avril, la Confédération du travail et les milieux d’affaires annoncent que la grève générale se prolongera indéfiniment. Telle est l’origine des manifestations qui ont eu lieu plus tard et qui ont conduit au renversement, par un coup d’État, du président Hugo Chávez.

Il faut rappeler que les premières manifestations contre la révolution bolivarienne et du président Chávez remontent au moment où, après les premières élections, Hugo Chávez prend le pouvoir, adopte une série de réformes, modifie la Constitution, convoque de nouvelles élections où il est élu président et évince les partis traditionnels vénézuéliens dont Action démocratique et COPEI qui avaient occupé la présidence à tour de rôle pendant 40 ans et qui, en définitive, s’étaient bornés à plonger dans la misère 80% de la population du Venezuela, l’une des nations les plus riches de l’Amérique latine.

Rappelons d’ailleurs que cette entreprise de déstabilisation se caractérise par différents éléments, déjà utilisés ailleurs – le cas du Chili sous le gouvernement d’Allende, par exemple – dont le désinvestissement. Il faut signaler que la bourgeoisie nationale et les investisseurs étrangers ont retiré plus de 23 milliards de dollars du pays entre 1999 et 2001. Ajoutons à cela une campagne de presse systématique à travers toutes les chaînes de télévision, toutes les stations de radio et tous les journaux, la création de conflits professionnels et sociaux, les manifestations de provocation, les mensonges, les fausses rumeurs, bref tous les mécanismes utilisés par la réaction depuis que le monde est monde. Nous avons assisté par la suite aux événements survenus depuis le 9 avril. Un moment clé a été la grève de 12 heures, convoquée par les milieux d’affaires le 1er décembre dernier.

Aujourd’hui, nous n’assistons qu’au dénuement de toute une campagne menée par la bourgeoisie et l’oligarchie nationales avec le soutien des partis évincés du pouvoir, des secteurs de l’aristocratie ouvrière et des syndicats bradeurs et illégaux.

Randy Alonso.- Les antécédents dont a fait allusion Dimas sont d’une grande importance pour comprendre les événements survenus depuis mardi au Venezuela. Les forces contre-révolutionnaires, regroupant les milieux d’affaires, les syndicats illégaux et les médias qui ont joué un rôle marquant dans ce coup d’État survenu hier au Venezuela, soutenu finalement par les forces armées vénézuéliennes, ont convoqué une grève de 24 heures. Devant l’échec de cette grève, ces mêmes forces décident de la prolonger pour 48 heures, puis pour un temps indéfini.

Il s’agissait d’une provocation montée de toutes pièces qui s’est traduite dans une série de manifestations de grève convoquées depuis le mois de décembre par ces forces contre-révolutionnaires ; en décembre, janvier et février, diverses manifestations convoquées par ces mêmes forces ont été organisées pour attaquer le processus bolivarien, le point culminant étant atteint pendant ces trois jours, hier en particulier, lorsque la provocation a aboutit à un coup d’État.

Le compañero Rogelio Polanco va nous parler maintenant de la provocation et de la dénonciation faite dans l’après-midi d’hier par le président Chávez, à travers toutes les chaînes du pays.

Rogelio Polanco.- Hier, à 15 h 45, le président Chávez demande à toutes les chaînes de télévision de transmettre son discours à la nation afin d’expliquer la situation où se trouvait le pays. Il a dénoncé très clairement la conspiration ouverte que l’on préparait pour inciter des secteurs de la population à recourir à la violence et pour créer une situation d’instabilité dans le pays. Il a dénoncé la participation des médias à ce qu’il a dénommé une révolte médiatique, étant donné qu’ils n’avaient pas cessé d’exhorter les manifestants à se rendre au palais de Miraflores, siège du gouvernement, conjointement avec les grévistes convoqués par les milieux d’affaires et par l’illégale Centrale des travailleurs.

Chávez a déclaré que ces stations de télévision avaient fait circuler des rumeurs et des mensonges, déclarant même qu’il était détenu. Le président a été obligé de préciser l’heure qu’il était car selon les rumeurs son allocution avait été enregistrée au préalable.

Certaines des stations de télévision coupent les images de Chávez et commencent à diviser l’écran et à transmettre les troubles, les graves provocations qui avaient lieu en face ou près du Palais de gouvernement.

Ensuite, le président Chávez annonce la fermeture indéfinie de trois chaînes de télévision qui avaient exhorté à la violence : Radio Caracas Televisión, Venevisión et RTM.

En fait, ces forces qui marchaient sur le palais de Miraflores étaient accompagnées de certains policiers habillés en civil appartenant à la Police métropolitaine, rattachée à la mairie de Caracas dirigée par Alfredo Peña, un opposant juré de Chávez.

Randy Alonso.- Et qui a trahit d’ailleurs la révolution bolivarienne.

Rogelio Polanco.- Ce personnage est aussi l’un des contre-révolutionnaires qui ont mené des actions contre le processus bolivarien. Des dirigeants du gouvernement de Chávez ont déclaré à d’autres sources alternatives, dont La Jornada, que « certains franc-tireurs de cette Police métropolitaine, qui avaient commencé à tirer des coups de feu sur une manifestation de soutien à Chávez, se trouvaient à quelque deux cents mètres du Palais présidentiel ». Je lis cet article publié aujourd’hui dans le journal La Jornada où l’on peut lire aussi que « Juan Vicente Gómez, membre du réseau bolivarien, a déclaré que les policiers de la mairie de Caracas, dirigée par l’opposant Alfredo Peña, ont attaqué les sympathisants de Chávez et que les franc-tireurs appartenaient aux groupes impliqués dans la conspiration ».

« Des sources gouvernementales ont déclaré depuis le palais de Miraflores qu’un groupe de policiers, habillés en civil, s’étaient présentés pour rendre leurs armes et qu’ils avaient dénoncé qu’ils avaient été obligés de tirer des coups de feu sur des citoyens. »

On entend aussi parler de groupes d’extrême gauche qui, convoqués par les milieux d’affaires, ont provoqué les gardes nationaux chargés de surveiller les alentours du palais de gouvernement.

À partir de ce moment-là, des échanges de coups de feu ont provoqué la mort de plus de dix personnes. Certaines sources parlent de 15 morts et de plus de 100 blessés, alors que d’autres font allusion à près de 300 blessés. C’étaient des morts lamentables dont avaient besoin les tripoteurs et les putschistes pour consommer leur coup de force ; c’étaient les morts dont ils avaient besoin pour manipuler la situation et déclencher les événements.

La dénonciation faite par Chávez cet après-midi a été très claire mais elle s’est malheureusement heurtée à une conspiration dont l’objectif était d’empêcher que la vérité se fraie la voie.

Randy Alonso.- Un des articles parus aujourd’hui dans le journal mexicain La Jornada, signé par Estela Calloni, très connue dans notre sous-continent, parle d’un coup d’État à la manière de Pinochet. Voici ce que Calloni écrit : « Une source du mouvement Quinta República, interviewée par La Jornada, a signalé que des échanges des coups de feu s’étaient produits entre certains secteurs de la Police métropolitaine – celle sous les ordres du maire Alfredo Peña – et la garde présidentielle, présente dans la zone, sur ordre du président, pour protéger ses partisans et empêcher un affrontement.

« Selon cette source, 6 des 10 morts ainsi que la plupart des blessés étaient des partisans de Chávez et de son gouvernement.

« La même source a dit que la tentative avait été encouragée par les États-Unis, les partisans de Carlos Andrés Pérez et de sa vieille structure militaire, responsable du caracazo, par le maire de Caracas, Alfredo Peña, responsable de la Police métropolitaine ainsi que par d’autres secteurs qui ont visité le territoire nord-américain, dont Alberto Franquechi, responsable de l’assassinat d’Alberto Lobera et d’autres victimes au cours des années 1960. »

La Jornada ajoute que « selon la source de Quinta República l’immobilisation de certains secteurs économiques, la mobilisation de secteurs publics dans les rues et les volumes d’informations transmises par les médias montrent qu’on essayait de faire un coup d’État semblable à celui donné par Pinochet au Chili pour renverser Salvador Allende en 1973 ».

Selon les agences d’information, les événements ont conduit le général Lucas Rincón Romero, inspecteur général des forces armées, a déclarer en conférence de presse à 3 h 15 de ce vendredi que « les membres du haut commandement militaire déplorent les lamentables événements survenus jeudi dans la capitale qui ont obligé à demander au président de la République de démissionner, ordre accepté par celui-ci ».

Cet après-midi, Rincón lui-même avait déclaré aux médias que les forces armées vénézuéliennes soutenaient l’ordre constitutionnel et le gouvernement constitutionnellement élu et s’opposaient à la violence contre cet ordre. Cependant, à 3 h 15, le général Lucas Rincón Romero fait ces déclarations à Tiuna, principale forteresse militaire de Caracas, tout en signalant que « à partir de ce moment nos postes sont libérés ».

Ce général des forces armées vénézuéliennes considérait comme définitif que le président Chávez avait accepté de démissionner.

D’autres médias informaient que « le président vénézuélien Hugo Chávez avait été conduit à Tiuna, principale forteresse militaire de Caracas, où il avait été admis à 4 h 07 (heure locale), selon des informations fournies par le commandant général de l’armée, Efraín Vázquez.

« Le général a déclaré aux journalistes que ‘ Chávez restera pour le moment dans la forteresse Tiuna, au sud de la capitale, sous surveillance militaire aussi longtemps qu’un autre endroit plus adéquat ne sera pas trouvé ‘. Il a ensuite indiqué que « il est possible que Chávez soit transféré dans les jours qui viennent à la prison militaire de Ramo Verde, à Los Teques, à 25 kilomètres au sud de Caracas ».

Selon une dépêche d’AFP, l’ancien président vénézuélien a quitté le palais de Miraflores, siège du gouvernement, escorté par l’armée vénézuélienne à 3 h 50 (heure locale), à destination de la forteresse Tiuna où il est arrivé dix-sept minutes plus tard. « D’un air sérieux, il regardait fixement devant lui », en tenue militaire, selon la chaîne de télévision Globovisión.

Selon les dernières informations, le président constitutionnel du Venezuela, renversé par les forces armées et par les forces de la contre-révolution se trouve encore dans la forteresse militaire de Tiuna où il a été mis au secret. Il a été jusqu’à présent impossible d’obtenir des informations sur l’état du président Chávez.

Devant les nouvelles transmises par les médias vénézuéliens et devant la déformation de la réalité, nous avons pu établir ce matin à 11 heures une communication téléphonique avec María Gabriela Chávez, fille du président vénézuélien. Je vous invite à écouter maintenant la dénonciation publique qu’elle a faite.

Randy Alonso.- Nous parlons maintenant avec María Gabriela Chávez, fille du président constitutionnel de la République bolivarienne, Hugo Chávez Frías, renversé il y a quelques heures par les forces contre-révolutionnaires. Consterné, le peuple cubain suit de près les nouvelles provenant du Venezuela, transmises par des médias qui ont directement participé à ce complot contre l’ordre constitutionnel ainsi que contre le président Hugo Chávez et la révolution bolivarienne. Les médias vénézuéliens ont informé que le président avait démissionné.

Nous avons maintenant la possibilité de parler avec María Gabriela Chávez. Gabriela, reçoit tout d’abord les saluts cordiaux du peuple cubain. Je t’invite à nous présenter les faits tels qu’ils sont.

María Gabriela Chávez.- Je tiens en premier lieu à saluer le peuple cubain.

Il y a deux heures, mon père nous a téléphoné et nous a demandé de faire connaître au monde entier qu’il n’avait pas démissionné, qu’il n’a jamais signé un décret présidentiel portant destitution du vice-président Diosdado Cabello. Des militaires l’ont arrêté et l’ont amené à la forteresse Tiuna, état-major de l’armée. Il a été mis au secret au régiment de la police militaire et il n’a pu parler qu’avec nous, ses fils. Il nous a demandé de chercher des avocats, de parler à ses amis et à ses proches pour exiger le respect de ses droits et trouver la possibilité de le visiter, car il ne savait pas s’il aurait encore la possibilité de parler avec nous.

Randy Alonso.- Alors, ça fait déjà deux heures ?

María Gabriela Chávez.- Oui. Nous avons parlé à 9 heures, heure locale.

Randy Alonso.- Aucune autre nouvelle depuis ?

María Gabriela Chávez.- Non. Je lui ai demandé s’il était possible de parler plus tard. Il m’a répondu : « Non, mon amour, vous devez maintenant m’aider. Vous devez chercher des avocats, faire des pressions et dire à tout le monde que je suis un président emprisonné.» Il m’a dit aussi qu’il n’avait pas démissionné. Ensuite, j’ai téléphoné le vice-président, Diosdado Cabello, les députés de Quinta República, Juan Barreto, député de Quinta República, lui aussi obligé de se cacher car il est recherché et Freddy Bernal. L’ancien directeur de la DISIP a été séquestré ; le procureur général de la République a été, lui aussi, arrêté. Aucun média n’en a fait des commentaires.

L’essentiel, c’est que mon père n’a pas démissionné. Il y a eu un coup d’État que l’on prétend déguiser de démission.

Randy Alonso.- Les nouvelles que tu viens de nous donner sont d’une grande importance pour nous, étant donné que les médias n’ont donné aucune information sur le lieu précis où se trouvent les autorités vénézuéliennes. Au contraire, ils n’ont pas cessé de parler de la démission du président Chávez.

As-tu d’autres commentaires à faire ?

María Gabriela Chávez.- Mon père m’a demandé d’en mettre au courant le peuple cubain et le monde entier. Diosdado Cabello m’a demandé de vous prier de dénoncer ces faits auprès de l’OEA, du Groupe des 77 et de tous les organismes internationaux. Une dictature d’extrême droite prétend s’installer ici, sous le prétexte d’une soi-disant démission. Tout est faux. Elle essaie d’emprisonner tous les partisans du gouvernement, qui, soit dit en passant, se sont cachés.

Randy Alonso.- María Gabriela, ta famille, tes frères, ta petite fille, comment vont-ils ?

María Gabriela Chávez.- Nous sommes tous pratiquement cachés mais tranquilles, ensemble. Je suis accompagnée de mon frère Hugo, de ma sœur Rosa, de ma fille. Nous sommes convaincus que tout va se régler. Ce qu’il faut faire maintenant, c’est aider notre père.

Randy Alonso.- Au nom de notre peuple, je tiens à vous transmettre l’affection et l’admiration de notre peuple, à vous exprimer combien nous regrettons ce qui s’est passé et à vous dire que vous avez ici beaucoup de frères, que nous sommes à vos côtés dans ces heures tristes et que vous pouvez compter toujours sur notre peuple, que la télévision et la radio cubaines sont prêtes à suivre et à dénoncer les événements et que nous essaierons de rester en contact avec vous.

María Gabriela Chávez.- Vous pouvez me téléphoner à n’importe quelle heure. J’ai mon portable. Ce sera plus facile pour toi de me téléphoner, car je n’ai pas la possibilité de le faire. Je vous tiendrai toujours au courant. Nous sommes disposés à faire n’importe quoi pour mon père. Nous aimons beaucoup le peuple cubain. Merci de votre soutien.

Randy Alonso. Sachez que vous avez ici beaucoup de frères et que nous serons aussi avec vous dans cette bataille pour la vérité.

María Gabriela Chávez. Merci beaucoup, nous le savons.

Randy Alonso. Les agences de presse informent de l’instauration du nouveau gouvernement de facto vénézuélien, dirigé par le président de Fedecámaras qui, selon l’AFP, a décrété la réorganisation des pouvoirs publics, la destitution du président et de tous les magistrats de la Cour suprême.

De fait, dans les événements d’hier et d’aujourd’hui, l’organisation que dirige le nouveau président de facto, Carmona, a joué un rôle clef, et je crois que ce rôle du patronat réactionnaire mérite une analyse. Lázaro Barredo l’a fait pour nous.

Lázaro Barredo. Tous les dirigeants de Fedecámaras assistaient en bloc à la prise de possession de Carmona. Fedecámaras est la fédération des patrons les plus liés aux sociétés transnationales au Venezuela, ceux qui ont le plus d’intérêt et qui ont eu beaucoup à voir avec la crise institutionnelle qu’a traversée le gouvernement Chávez.

Aujourd’hui, tous ces patrons scandaient « démocratie ! » juste au moment où l’on faisait connaître le décret abolissant les députés du Parlement élus au cours d’élections démocratiques, le caractère « bolivarien » de la Révolution adopté en référendum populaire, la destitution des magistrats, du président et du vice-président de la République, du procureur général, autrement dit de toutes les figures élues démocratiquement dans le cadre d’un processus qui a été sans doute le plus démocratique d’Amérique latine ces cinquante dernières années, parce que toutes ces autorités se sont soumis à un double scrutin, et qu’aucun autre président d’Amérique latine, toujours durant ce même période historique, n’a été élu avec une telle quantité de voix. Par ailleurs, la Constitution bolivarienne a été soumise à un référendum. Eh bien, nos grands « démocrates », auxquels cette Constitution donnait tous les moyens de s’opposer à un président, ont pourtant recouru à la violence pour en finir avec la Révolution bolivarienne et ont bel et bien fait preuve de l’esprit revanchard typique de toutes les contre-révolutions et de leur soif de vengeance.

Le patronat, conduit par Fedecámaras, s’est constamment opposé aux principaux accords de la Révolution. Mais c’est surtout à partir du 13 novembre de l’an dernier quand l’Assemblée nationale a voté des pouvoirs discrétionnaires en faveur de Chávez qui a été habilité à promulguer un train de lois, quarante-sept au total, qui concernaient une loi de réforme agraire, qui visaient à régler les problèmes de la pêche et des hydrocarbures, qui fixaient des impôts aux transnationales pétrolières opérant dans le pays, qui cherchaient aussi à améliorer la situation sociale et la démocratie dans ce pays immensément riche où 80 p. 100 de la population vivait pourtant au-dessous du seuil de pauvreté quand la révolution a pris le pouvoir. Et c’est justement à partir de là que les dirigeants de cette fédération de richissimes patrons, conduits par ce Pedro Carmona Estanga – qui est un cadre supérieur d’une société de produits chimiques, qui a été diplomate, qui aime aller skier dans les Alpes et profiter de la bonne vie, en tant que gros industriel absolument coupé des intérêts populaires – ont décidé de contrer Chávez et ont convoqué un lockout pour le 10 décembre dernier.

Ces patrons – mais les militaires non plus, ni aucune force politique, disons-le – ne s’étaient pas prononcés au moment du caracazo, cette répression qui a fait plus de mille morts. De plus, et c’est tout à fait symptomatique, ce lockout était le premier dans l’histoire du Venezuela ! Jamais avant, ni sous la dictature de Pérez Jiménez, ou de Juan Vicente Gómez, ni même au début du XXe siècle quand le général Cipriano Castro a arrêté les gros banquiers parce qu’ils refusaient de prêter de l’argent à l’Etat, le patronat n’avait fait grève. Et c’est justement dans ce contexte-là d’opposition aux lois révolutionnaires que ces patrons ont décidé de recourir à la violence, à des mécanismes de déstabilisation, avec le soutien, bien entendu, de l’étranger, comme cela a été dénoncé, avec l’approbation de certains gouvernements, comme celui des Etats-Unis. Quand nous aborderons ensuite le rôle des militaires, nous verrons que la CIA et d’autres secteurs ont participé et ont poussé au soulèvement contre le président Chávez.

Tous ces gens-là ont comploté, à plus forte raison à partir du moment où le président Chávez a décidé de mettre un peu d’ordre dans la compagnie publique de pétrole, la PDVSA, d’où proviennent les ressources financières les plus importantes du pays, et d’en casser ses dirigeants. Ceux-ci se sont alors alliés à une certaine aristocratie ouvrière, elle-même alliée de la contre-révolutionnaire, ils se sont alliés à Fedecaméras et avec d’autres secteurs du pays, et tous ces gens-là ont déclenché toute une série de grèves et de débrayages en vue de déstabiliser le pays, jusqu’à cette manifestation d’hier au sujet de laquelle Chávez avait précisément alerté qu’elle pouvait provoquer un problème social, des heurts avec les forces bolivariennes qui se trouvaient depuis plusieurs jours déjà devant le palais de Miraflores. N’empêche que ce Carmona a incité ses troupes à marcher sur Miraflores, a incité à la violence, qui a provoqué les événements d’hier.

Randy Alonso. Carmona s’est proclamé président de facto du Venezuela.

Lázaro Barredo. Accompagné de Peña et des autres putschistes.

Randy Alonso. Et il affirme qu’il restera trois cent soixante-cinq jours au pouvoir. On verra bien ce qui va se passer. En tout cas, il a été la figure publique, pourrait-on dire, de toute cette conspiration contre-révolutionnaire contre le président Hugo Chávez.

Et les médias ont joué un rôle très important dans cette conspiration contre la Révolution bolivarienne. Aujourd’hui même, une chaîne de télévision privée montrait. Affirmait-elle, la « réaction du peuple face à ce qui s’est passé hier ». Eh ! bien, croyez-le si vous le voulez, mais le « peuple » en question était rien moins que les gros patrons de PDVSA en train de fêter l’événement. Le « peuple », c’était précisément les gros industriels, les putschistes qui ont provoqué hier la chute d’un gouvernement élu démocratiquement par le peuple vénézuélien, le vrai celui-ci.

Un peu après trois heures de l’après-midi, nous avons pu entrer en contact téléphonique avec Julio Montes, ambassadeur du Venezuela dans notre pays, qui est en ce moment à Caracas et qui a passé toute la nuit avec Chávez au palais de Miraflores.

Randy Alonso. Bonjour, Julio, au nom du peuple cubain.

Julio Montes. Bonjour, frère, un salut au peuple cubain. Nous sommes solidaires comme toujours, dans la même patrie, dans le même projet, poursuivant le combat.

Randy Alonso. Notre peuple a suivi de près les graves événements du Venezuela. Nous savons que vous avez accompagné le président Chávez jusqu’au bout au palais de Miraflores, et nous souhaiterions que vous nous donniez une explication au sujet des faits qui ont conduit à son renversement.

Julio Montes. Ce qu’il s’est passé hier a été un coup d’Etat bien préparé. Depuis la provocation qu’a représentée cette manifestation envoyée contre Miraflores où l’on sait que le peuple qui défend Chávez était concentré. Et c’est ça, en plus du fait d’avoir laissé le palais sans protection, qui a produit l’affrontement et les morts. Tout ceci a été peaufiné par la contre-révolution qui a pris le pouvoir au Venezuela. Un montage presque parfait, un coup d’Etat quasiment sorti du manuel du parfait petit conspirateur. La manipulation réalisée par les médias qui ont donné l’impression à la population qu’il n’y avait plus de gouvernement. Et puis, dans l’après-midi, les généraux qui trahissent les uns après les autres, au point que Chávez se retrouve pratiquement seul, sans le soutien des généraux des forces armées vénézuéliennes.

Je suis resté au palais jusqu’à la dernière minute, quand on exigeait du président soit qu’il démissionne soit qu’il s’immole. Un groupe de compañeros, jusqu’au bout où le président a préféré se rendre et être arrêté plutôt que de provoquer un bain de sang. Il a été arrêté dans le palais, il n’ pas démissionné, et c’est alors que le coup d’Etat s’est produit. Le gouvernement en place maintenant est un gouvernement de facto, en marge de la Constitution, qui a commencé à lancer une chasse aux sorcières, qui a violé l’immunité parlementaire, qui a perquisitionné le logement de plusieurs parlementaires.

Il est en train de poursuivre les dirigeants du gouvernement : il a arrêté le ministre de l’Intérieur, il recherche le professeur Aristóbulo Isturis, le ministre de l’Education ; María Cristina Iglesias. Il est en train de perquisitionner les institutions et à « semer » des armes pour justifier de futures arrestations. Voilà la situation aujourd’hui.

Il laisse des hordes hystériques assiéger l’ambassade cubaine et prétendre l’envahir. Les diplomates cubains la défendront jusqu’au bout, bien entendu, mais sans l’appui des autorités actuelles du Venezuela.

Mais les gens commencent à descendre dans la rue. Il est 3 h 21 de l’après-midi, je me trouve quelque part à Caracas, et les gens commencent à sortir dans la rue pour soutenir le président Chávez. Voilà un peu la situation.

Randy Alonso. Nous savons que des gouverneurs, plusieurs ministres et le procureur général se sont prononcés en faveur du président Chávez.

Julio Montes. Oui, le gouverneur du Táchira, Ronald Blanco ; le gouverneur du Mérida, Porras ; le gouverneur du Portuguesa, Antonia ; le gouverneur du Lara, Reyes Reyes, ont affirmé ne pas reconnaître le gouvernement de facto, qu’ils représentent le gouvernement constitutionnel, le gouvernement élu, qu’ils reconnaissent Chávez comme leur seul président, celui qui a été élu par le peuple avec le plus fort soutien de toute l’histoire républicaine, au cours de sept élections.

Le procureur de la République a aussi pu intervenir un moment à la télévision pour annoncer au peuple que le président n’avait pas démissionné, qu’il était en état d’arrestation, qu’un coup d’Etat avait eu lieu en violation de la Constitution et de ce que celle-ci prévoit dans des cas pareils. C’est au vice-président qu’il revient de lui succéder, ou alors au président de l’Assemblée générale. Nous sommes donc devant un gouvernement de facto issu du coup de main militaire d’hier.

Randy Alonso. Je vous remercie, Julio, de ces informations pour le peuple cubain, mais aussi pour le reste du monde, compte tenu de cette agression médiatique dont le gouvernement Chávez a fait l’objet et qui fait partie de ce complot préparatoire au coup d’Etat.

Julio Montes. Autre chose, Randy. Je crois aussi que la lutte continue. Chávez est un symbole de l’avenir, un symbole d’espoir dans le monde, et je crois que ce symbole va s’agrandir. Les gens commencent à réclamer sa libération, c’est le mot d’ordre qui commence à prendre au Venezuela. Mais c’est aussi une grande leçon pour les peuples, une leçon au sujet du pouvoir des médias, de ceux qui détiennent le privilège du pouvoir et de la façon aussi dont l’empire agit.

Le président Chávez bénéficie du soutien le plus large de la population vénézuélienne, comme le prouvent les manifestations d’hier et de tous ces mois-ci. N’empêche que les médias sont parvenus à créer un état d’opinion dans certains secteurs du pays et au sein des forces armées, au point d’en finir avec un espoir de ce peuple-ci et de ce continent-ci. Mais seulement pour un temps, parce que les réserves sont là, les forces sont là, et l’espoir prendra de nouveau, j’en suis sûr.

Randy Alonso. Je tiens à vous transmettre la solidarité du peuple cubain, le soutien du peuple cubain à Chávez, à vous et aux autres compañeros qui ont été à la tête de la Révolution bolivarienne toutes ces années-ci. Nous sommes des frères dans ce combat pour l’espoir, comme vous dites.

Notre télévision et notre radio continueront de suivre les événements et de dénoncer ce complot contre-révolutionnaire.

Julio Montes. Je n’en doute pas. J’ai vécu à Cuba, et je sais que nous sommes le même peuple, la même patrie. Voilà pourquoi nous sommes ensemble dans ce pari pour la vie.

Randy Alonso. Notre télévision, notre radio, nos médias, je vous le répète, sont ouverts à toute information, à la moindre possibilité de contact avec vous, et nous continuerons de dénoncer ce complot contre un gouvernement élu constitutionnellement.

Randy Alonso. Cette conversation téléphonique nous donne donc des informations intéressantes non seulement sur cette tentative d’hier de faire avancer des chars d’assaut sur le palais de Miraflores où se trouvaient le président Chávez et tous ses proches collaborateurs, mais encore sur la chasse aux sorcières qui s’est déclenchée au Venezuela au cours de ces dernières heures, qui rappelle le coup de force contre le président Allende en 1973, à la suite duquel de nombreux ministres avaient été sortis de force de chez eux, avec leurs familles, par les hordes de Pinochet. Quelque chose de semblable est en train de se passer au Venezuela : des ministres, des membres de l’Assemblée nationale, d’importantes personnalités du gouvernement Chávez sont poursuivis et incarcérés, et leurs logements sont perquisitionnés.

Selon une dépêche de Prensa Latina, trois médias publics sont toujours occupés par la Garde nationale et de la police. La chaîne Venezolana de Televisión est interrompue depuis hier et ses employés ne peuvent y entrer dans les locaux qui sont surveillés par la police. L’agence de presse Venpres ne peut pas transmettre non plus et elle est contrôlée par la Garde nationale. La même situation se passe à Radio Nacional de Venezuela, qui ne transmet que de la musique, sans la moindre information, et qui est aussi occupée par des militaires.

Mais d’autres secteurs ont aussi joué un rôle clef dans ce complot contre-révolutionnaire. Entre autres, l’aristocratie ouvrière, affiliée à la Centrale des travailleurs, qui est illégale, et qui a agi aux côtés de Fedecámeras et d’autres forces putschistes, et d’autres forces extérieures. Juana Carrasco nous en parle.

Juana Carrasco. Le président de cette Centrale des travailleurs du Venezuela, la CTV, Carlos Ortega, a joué un rôle de premier plan. Ce prétendu leader syndical a vraiment eu une attitude bien curieuse : à chaque grève, à chaque affrontement, à chaque provocation, à chaque agression, il s’est retrouvé aux côtés des patrons de Fedecámaras !

A sa première déclaration à la presse après le putsch, il a demandé la dissolution de l’Assemblée nationale, formée de députés élus démocratiquement par le peuple.

Randy Alonso. Et les nouvelles autorités l’ont fait. Elles ont annoncé qu’elles annuleraient tous les pouvoirs en place, dont l’Assemblée nationale, et qu’elles en créeraient d’autres.

Juana Carrasco. Et cet Ortega a déclaré la fin de la grève générale indéfinie.

Mais de quelle centrale de travailleurs parlons-nous ? Cette CTV , fondée voilà soixante ans, a toujours exercé une grande influence dans les milieux politiques et économiques du pays, mais ses dirigeants ont toujours été nommés à partir d’arrangements passés entre les deux grands partis vénézuéliens, l’Action démocratique (AD) et le COPEI. Ortega est d’abord un « adeco » (de AD) et répond en premier lieu à Carlos André Pérez.

De fait, cet individu, qui a dirigé la centrale syndicale jusqu’aux dernières élections, s’est montré vraiment très peu intéressé par différents problèmes concrets, comme le grave chômage, l’exploitation du peuple vénézuélien, la misère. Tout ça ne l’intéressait pas. Pourquoi ? Parce qu’il représentait l’aristocratie ouvrière. Il est justement issu des dirigeants syndicaux de Petróleos de Venezuela et il en a pris la direction parce que les « adecos » l’ont placé là.

Mais que s’est-il passé aux élections d’octobre dernier à la CTV ? Eh ! bien, quand ces gens ont vu qu’ils allaient en perdre la direction parce qu’ils ne pouvaient compter que sur 40 p. 100 des suffrages, ils ont réuni toute leur force, tout leur pouvoir économique, tout l’argent dont ils disposent, mais ils ont aussi volé des urnes, mis le feu à des bureaux électoraux, bref, ont recouru à toutes les formes de violence, celle dont nous avons vu des images hier après le coup de force. Dans trois Etats – Zulia, Anzoátegui et Delta Amacuro – les élections syndicales n’ont même pas pu se dérouler. Ailleurs, les travailleurs ont fait l’objet de pressions pour qu’ils ne votent pas en faveur des candidats bolivariens qui représentaient vraiment les intérêts des masses travailleuses du pays. Et voilà comment ce monsieur a gagné les élections syndicales. A partir de là, bien entendu, il a incité à toutes les grèves possibles et imaginables. En mars, il a même fait quelque chose d’insolite : il a passé un pacte de bonne gouvernance avec Fedecámaras, un « pacte démocratique » par lequel, selon les dires mêmes d’Ortega, il s’agissait d’obtenir au plus vite le départ de Chávez du gouvernement. Autrement dit, l’annonce dès mars dernier du coup d’Etat qui a bel et bien eu lieu hier.

Que va donc faire Ortega maintenant, lui qui a affirmé qu’un syndicaliste devait toujours être dans l’opposition ? Va-t-il s’opposer à son compère Carmona ? Bien sûr que non…

Mais il y a un autre personnage qui agissait de l’étranger, depuis la République dominicaine où il vit, depuis Miami où il a une autre résidence, mais dont les dernières déclarations proviennent de New York pour annoncer son retour au Venezuela : je veux parler de l’ancien président Carlos Andrés Pérez, qui s’est dit satisfait qu’un grand collaborateur à lui, Pedro Carmona, soit maintenant à la tête du pays et qu’il a qualifié d’homme d’affaires bien préparé, d’économiste de profession, de quelqu’un d’attaché à la démocratie.

Qui est donc ce grand démocrate qui accuse Chávez de dictateur ? Ni plus ni moins que le président qui a causé un bain de saing, en faisant réprimer et tuer des milliers de Venezuéliens durant ce qu’on connaît comme le caracazo, quand les habitants d’El Cerrito sont descendus sur Caracas pour réclamer de la nourriture et réclamer du travail. Ni plus ni moins que le président qui a pillé le trésor public, au point qu’il était poursuivi pour les malversations commises durant ses deux mandats présidentiels et même recherché par l’Interpol.

Qu’a donc dit Andrés Pérez ? « Je prépare mon retour à Caracas, parce que, en marge de toute ambition personnelle, je veux apporter mon expérience politique ». Son experience politique, c’est celle du caracazo et les trois mille morts des cerros de Caracas et le vol des deniers publics.

Randy Alonso. C’est un autre des éléments de ce coup d’Etat.

Un peu après cinq heures de l’après-midi, nous avons pu établir une communication téléphonique avec Aristóbulo Isturis, ministre de l’Education du président Chávez, l’une des personnalités que recherchent les putschistes et qui a été dénigré par les médias.

Randy Alonso. Je vous salue, monsieur le ministre, au nom du peuple cubain. Que pouvez-nous nous dire de ce qui se passe maintenant au Venezuela.

Aristóbulo Isturis. Je suis resté avec le président Chávez au palais de Miraflores jusqu’au dernier moment, et je peux t’assurer, Randy, qu’il n’a jamais démissionné. Le président a dit aux militaires qu’il les rendait responsables des événements et du coup d’Etat, que leur gouvernement serait un gouvernement de facto, un gouvernement dictatorial, un gouvernement contraire à la Constitution bolivarienne. Qu’ils pouvaient bien l’arrêter, mais qu’il ne signerait jamais sa démission parce que cela voudrait dire qu’il entérinait le coup d’Etat. Le président Chávez n’a jamais signé sa démission.

Les putschistes veulent faire croire à l’opinion que le président Chávez a démissionné. Ils lui ont laissé un certain temps de réflexion : s’ils ne se rendaient pas, alors, ils attaqueraient le palais. Nous en avons discuté avec lui et il nous a dit : « Assez d’effusion de sang. Continuez de lutter, il vaut mieux préserver la vie de nos cadres, il ne faut pas les sacrifier. Il acceptait d’être arrêté, mais nous devions rester vivants. » Nous avons accompagné le président, quelle que soit sa décision. Il a donc été arrêté. En ce moment, il est au secret. Le procureur de la République en personne n’a même pas pu le voir ni lui parler.

Le procureur a déclaré aujourd’hui publiquement qu’il s’agissait d’un gouvernement de facto, une dictature. Aujourd’hui, nous n’avons pas eu le droit d’entrer dans nos ministères, les perquisitions ont commencé devant les caméras de télévision. Des bandes de voyous crachent sur les ministres et leurs familles, les molestent, les vexent : on l’a vu avec le ministre des affaires étrangères, avec la famille du vice-président Diosdado Cabello, avec le député Karel William Sáez, dont ils ont violé l’immunité parlementaire, qu’ils ont expulsé de chez lui à coups de pied, entouré de ces voyous.

Ils disent que le maire de Caracas et moi-même, nous sommes les plus dangereux et les plus recherchés, qu’ils nous ont cherchés partout sans nous trouver. C’est archifaux. A partir de trois heures et demie du matin, où je suis resté avec le président, je suis chez moi et je suis allé à une chaîne de télévision dans la matinée juste pour démentir tout ça et dire que j’étais chez moi. On nous empêche de parler aux journaux et à la radio, nous sommes pratiquement sans contact avec l’opinion publique.

En ce moment, ces voyous assiègent l’ambassade cubaine et ils ont mobilisé des ennemis de notre révolution autour d’elle.

Que dire ? En six heures, ces gens-là ont violé tous les droits de l’homme, molestant les personnes, mettant les détenus au secret, maintenant le président au secret, perquisitionnant sans mandat, vexant publiquement les dirigeants…

Ils ont perquisitionné la maison de ma mère, celle de ma soeur, et ils vont sûrement venir me chercher. Je n’ai pas bougé de chez moi, et je vais les attendre. J’ai tenté d’entrer en contact avec les médias internationaux, parce que c’est la seule manière que cela puisse avoir des répercussions au Venezuela, et c’est pour ça que je vous remercie de m’avoir téléphoné.

Randy Alonso. Compte tenu de cette chasse aux sorcières, estimez-vous que la vie du président Chávez est en danger ?

Aristóbulo Isturis. Nous avons peur pour la vie du président. Si les négociations pour que nous abandonnions le palais de Miraflores ont duré, c’est justement parce que nous avons posé comme condition la préservation de la vie du président. Mais ils ne vont pas la respecter. Nous demandons aux organisations internationales de veiller sur sa vie et sur celle de tous les fonctionnaires du gouvernement.

Randy Alonso. Monsieur le ministre, avez-vous quelque chose d’autre à ajouter ?

Aristóbulo Isturis. Dire tout simplement qu’il s’agit d’un Etat de facto, que vous suiviez de près le sort des Vénézuéliens et des combattants sociaux vénézuéliens, qu’un panorama bien dur, bien difficile s’ouvre devant nous. Nous savons que ça fait partie de la lutte, qu’un changement avait commencé au Venezuela, que ce changement a été interrompu, mais que nous ne ferons pas marche arrière. Nous reprendrons à un moment ou un autre la direction de la Révolution bolivarienne. En avant, frère, en avant !

Randy Alonso. Nous vous réitérons la confiance du peuple cubain en vous et dans les autres dirigeants de la Révolution bolivarienne, son affection et sa solidarité. Sachez qu’il est au courant des événements et se solidarise avec le peuple vénézuélien.

Aristóbulo Isturis. J’ai été à la Lázaro Peña. Salue tous les amis. C’est la lutte.

Randy Alonso. Nous vous réitérons notre solidarité de frères cubains. La radio et la télévision cubaines sont à votre disposition pour vous, pour tous les militants vénézuéliens, pour continuer de divulguer la vérité sur ce complot contre-révolutionnaire contre le président Chávez et son gouvernement constitutionnel.

Aristóbulo Isturis. Merci beaucoup.

Randy Alonso. Merci pour vous déclarations à la télévision cubaine.

Randy Alonso. Selon une dépêche de l’AFP,

Germán Mundaraín, médiateur vénézuélien a dénoncé ce vendredi-ci une violation massive des droits de l’homme au Venezuela qui doit cesser, après la chute du président Hugo Chávez, la veille, et son remplacement par une junte de gouvernement dirigée par le président du patronat et de Fedecámaras, Pedro Carmona. « Nous croyons qu’il existe une violation massive des droits de l’homme qui doit cesser pour le bien de tous les citoyens. Il s’agit d’une violation des droits de l’homme que j’estime en rapport avec une croisade de vindicte », a déclaré Mundarain à Union Radio.

Le médiateur, toujours à son poste, s’est dit inquiet devant la façon dont on arrête des parlementaires et des ministres qui jouissent de privilèges spéciaux. « Je suis inquiet de voir comment on arrête des gouverneurs, des conseillers, des maires. Plusieurs de ces arrestations ont même été télévisées. Notre organisme a ouvert une enquête sur la situation que vit le pays. Il n’est pas possible que les masses participent à un acte qui ressemble plus à de la vengeance qu’à de la justice », a-t-il dit en référence aux arrestations et perquisitions télévisées auxquelles assistent des opposants du président renversé.

Cette utilisation de la télévision a fait partie intégrante du complot mené contre le président Chávez. Les médias ont mené une vraie guerre avant, pendant et après le coup d’Etat. Rogelio Polanco nous en parle.

Rogelio Polanco. Une vraie guerre médiatique, assurément, dont le summum a été hier, mais qui se déroule en fait depuis des mois et des années. De fait, les médias toujours au pouvoir de cette aristocratie, toujours aux mains de ceux qui étaient liés au patronat et à la centrale de travailleurs illégale, n’ont cessé d’attaquer systématiquement le gouvernement, les autorités et la politique de Chávez.

Au point que certains observateurs disent qu’il s’est agi d’abord d’un coup de force médiatique, que ce sont les médias, mais surtout les chaînes de télévision privées, qui ont pris d’abord le pouvoir, qui ont incité ensuite à la violence et provoqué finalement le coup d’Etat. Dans la pratique, pendant des heures, les chaînes de télévision privées n’ont donné qu’une seule vision des événements, à quoi il faut ajouter des chaînes internationales qui ont donné à leur tour cette vision unique, tout ceci ayant provoqué des confusions importantes dans les médias et dans l’opinion publique internationaux.

Il faut dire que les médias ont cherché hier, avant le coup de force, sans le moindre scrupule, un Pinochet. On a vu apparaître à tour de rôle les patrons corrompus, des militaires, des chefs militaires prétendument médiatiques, parlant d’instabilité, de la nécessité de prendre des décisions que la junte a prises d’ailleurs, ensuite. Bref, les médias ont eu une responsabilité énorme dans ce qui s’est passé hier et dans ce qui se passe aujourd’hui au Venezuela, une responsabilité que le président Chavez a dénoncée clairement hier après-midi. En fait, au cours de nombreuses interventions publiques, Chávez avait dénoncé cette provocation constante des médias.

Chávez a même déclaré hier au journal La Jornada : « Ces derniers jours, des gens en cagoule, camouflés derrière les caméras de chaînes de télévision privée, ont attaqué des manifestations de rue à coups de pierre. » Et c’est justement parce que ces chaînes ne mettaient pas fin à ces agissements que Chávez avait pris, hier, la décision de les interdire pour incitation à la violence et pour se complaire à passer pendant des heures, en direct, des images de ces émeutes.

Quelle est donc la morale de ces médias ? Que dit donc la Société interaméricaine de presse, qui n’a cessé d’attaquer le gouvernement Chávez, devant ces très graves événements ? Où est donc la liberté de la presse et des médias aujourd’hui au Venezuela ? Où sont donc les défenseurs des droits de l’homme, maintenant, quand on constate que ce qui se passe dans le pays fait l’objet du black-out le plus complet, qu’on empêche certains des principaux dirigeants de s’adresser à la population et à l’opinion publique internationale pour dénoncer le coup d’Etat ?

Randy Alonso. Avant cette Table ronde, nous avons suivi la télévision vénézuélienne pour informer les auditeurs, et c’est vraiment répugnant de voir à quel point certaines de chaînes de télévision privée manipulent les faits et lancent des diatribes. Des cadres de Venevisión, l’une des chaînes privées les plus importantes du Venezuela, se vantaient même de ce que les médias aient fait face pour la première fois à un gouvernement, ce qui indique bien quelle a été la position dès le début des médias privés aux mains de ces homme d’affaires qui se sont aussi alliés au coup de force contre Chávez, contre un gouvernement qui tente de régler les problèmes des grandes masses vénézuélienne et auquel ces médias se sont constamment opposés.

On pourrait parler longuement du rôle des médias, mais c’est quelques exemples suffisent. Ces médias ont censuré la moindre déclaration de ministres ou de personnes alliés du président Chávez, ou la moindre mention au coup d’Etat, comme c’est arrivé aujourd’hui aux transmissions internes de télévision de la CNN. La CNN en espagnol a d’ailleurs joué un rôle important, hier, dans ce qu’il s’est passé en manipulant les faits. En tout cas, elle a retransmis aujourd’hui au complet les déclarations du procureur général de la République, parce que les chaînes privées vénézuéliennes, elles, les ont censurées. Je vous propose de les écouter.

Isaías Rodríguez. Je tiens à dire que le ministère public a envoyé trois procureurs au fort Tiuna, dont la directrice des droits fondamentaux, Magali García Malpica, afin de rencontrer le président - ou ex président Chávez, comme vous voulez l’appeler. Le rencontrer pour quoi ? En premier lieu, parce que des procureurs militaires qui l’ont rencontrés nous ont informé qu’il n’avait pas démissionné. Alors, si le président n’a pas démissionné, si le ministère public ne possède pas l’attestation écrite, expresse, de la démission du président, cela veut dire que le président Chávez reste le président de la République du Venezuela. Mais, à supposer qu’il ait démissionné, il doit le faire devant l’Assemblée nationale, et ce n’est que quand celle-ci l’aura acceptée que cette prétendue démission sera valide. Par conséquent, même à supposer que le président ait réellement démissionné, il reste président de la République tant que l’Assemblée nationale n’aura pas entériné cette démission.

Ce n’est pas tout : le président de la République est actuellement privé de liberté, il es maintenu au secret, et même le ministère public n’a pas eu le droit [interruption] … le président de la République. Nos informations passent par les procureurs militaires qui nous les fournissent. Il s’agit donc d’une violation totale de la Convention interaméricaine des droits de l’homme.

Par ailleurs, si le président est arrêté, quel crime a-t-il commis ? Est-ce que la démission est un crime ? A supposer que ce soit ça la situation. Et si la démission est un crime, pourquoi est-il maintenu au secret et ne permet-on pas au ministère public de le rencontrer par l’intermédiaire de la directrice des droits fondamentaux et des procureurs qui l’accompagnent ?

La situation est très grave du point de vue constitutionnel. Il existe un Etat de facto, mais pas d’Etat constitutionnel. Et je ne parle pas de la Constitution de 1999 ; même celle de 1961 ne permet de légitimer la légalité ou la constitutionnalité d’une situation pareille.

Par ailleurs, c’est le vice-président qui doit se substituer au président. Or, rien n’atteste que le vice-président ait démissionné à son tour, ou qu’il ait été destitué de son poste. De toute façon, à supposer que celui-ci ait démissionné, la Constitution prévoit que la présidence de la République sera alors occupée par le président de l’Assemblee nationale.

Autrement dit, la situation actuelle viole le Protocole de Washington.

Randy Alonso. Ces déclarations du procureur général ont été censurées par plusieurs médias vénézuéliens.

Entre temps, selon l’AFP, l’ambassadeur nord-américain au Venezuela, Charles Shapiro, a déclaré ce vendredi-ci :

« Malgré les événements tragiques de jeudi, c’est une journée extraordinaire pour le pays que gouvernait le président renversé. » Lisant un communiqué officiel à Unión Radio, Shapìro s’est félicité de l’intention de Carmona, comme chef de la junte provisoire, de renforcer les institutions et les processus démocratiques dans le respect des droits de l’homme et de l’Etat de droit. Il a souligné que son ambassade suivait de près le cours des événements.

Toujours cet après-midi-ci, comme l’a fait savoir notre ministre des Relations extérieures, les individus qui répondent aux putschistes et que se sont emparés des commandes de Petróleos de Venezuela, ont pris des décisions quant aux livraisons de pétrole à notre pays. Le directeur de distribution a déclaré ce qui suit :

Journaliste. Entre temps, la compagnie publique de pétrole du Venezuela, PVDSA, a annoncé la suspension indéfinie des livraisons de pétrole à Cuba. L’amitié de Hugo Chávez avec le président cubain Fidel Castro avait converti le Venezuela en principal partenaire commercial de l’île.

Edgar Paredes. …une bonne nouvelle. Nous n’allons plus envoyer un seul baril de pétrole à Cuba.

Randy Alonso. Telle est la réaction des dirigeants alliés aux putschistes de PVDSA, qui ont aussi beaucoup contribué aux événements d’hier. Tout comme ont contribué les généraux des forces armées qui avaient déclaré dans l’après-midi leur fidélité au président, à la Constitution, à l’ordre constitutionnel, et qui ont pourtant menacé dans la nuit de pulvériser le Palais présidentiel. Eduardo Dimas nous en parle.

Eduardo Dimas. Une quarantaine de hauts gradés vénézuéliens ont fait ce qu’ont fait de nombreux autres officiers latino-américains tout au long de l’histoire de notre sous-continent : trahir le rôle que leur confie la Constitution, trahir leur devoir de défendre les pouvoirs légitimes du pays, et trahir de la manière vile, sale, rusée qui les caractérise dans ce genre de situation.

Hier, à plusieurs reprises, les hauts gradés de l’armée ont certifié à Chávez qu’ils contrôlaient la situation et lui ont réitéré leur fidélité aussi à lui-même qu’à la Constitution. Et pourtant, dans l’après-midi, il se sont soulevés.

Par exemple, l’Inspecteur général des forces armées, le général Lucas Rincón, dément dans un bref communiqué radio-télévisé que Chávez soit arrêté ou retenu dans une caserne, et réitère sa fidélité à son gouvernement.

Mais, à dix heures du soir, deux généraux, Luis Camacho Kairuz, ancien vice-ministre de la Sécurité nationale, et Rafael Damiani Bustillos, se présentent à une chaîne de télévision pour annoncer que tout est sous contrôle de l’armée et que Chávez doit démissionner, déclarant ce qui suit : « Nous demandons pardon ce soir au peuple vénézuélien des événements survenus et qui coulent d’une force qui n’est plus capable de remplir sa mission. On ne saurait tolérer les morts d’aujourd’hui. » Mais ces généraux-ci et tous les autres avaient bel et bien toléré les milliers de morts du caracazo dont on a parlé ici. De son côté, le commandant général de l’armée, Efraín Vázquez, se rebelle – il a été apparemment un des facteurs clefs du coup de force, parce qu’il avait le pouvoir militaire pour ça – et ordonne à ses subalternes de rester dans les casernes. Il affirme avoir de son côté une quarantaine de hauts gradés et 95 p. 100 des forces armées. Un haut gradé, censément, s’opposait au coup d’Etat.

Ici, on ne peut oublier deux points. D’abord, le rôle que l’armée des Etats-Unis a joué historiquement comme conseillère des armées latino-américaines. Ensuite, quand on parle du soutien reçu par les patrons de Fedecámaras, par les syndicats, par tous les secteurs opposés à Chávez, il faut parler de la Central Intelligence Agency, de la CIA. Prenons par exemple les déclarations faites par son directeur, George Tenet, en janvier, ou du secrétaire d’Etat en personne, Colin Powell. Parce que ce coup de force, s’il a bel et bien un père, il a aussi une mère, même si on ne sait pas qui est qui. En tout cas, ce coup d’Etat a reçu beaucoup de soutien, beaucoup d’aide. Ou alors les déclarations de Shapiro, quelqu’un que nous connaissons bien, soit dit en passant, parce qu’il a dirigé le bureau Cuba au département d’Etat et dont la première mission au Venezuela, comme ambassadeur, a été de déstabiliser le gouvernement Chávez. Tout ceci donne bien une idée du rôle joué par les USA dans tout ça.

Randy Alonso. D’importantes forces politiques de notre continent ont condamné les événements.

Selon une dépêche d’ANSA, « le Parti des travailleurs, le plus important de l’opposition au Brésil, a condamné ce qu’il a qualifié de coup d’Etat contre le président Hugo Chávez, et a demandé aux organismes internationaux de ne pas reconnaître des autorités non légitimées par le droit. »

Par ailleurs, comme nous avons pu le constater par nos conversations téléphoniques, il existe une chasse aux sorcières, et des actions vexantes, humiliantes contre des personnalités vénézuéliennes, qui ont été molestées, expulsées de chez elles. C’est le cas de William Lara, président de l’Assemblée nationale, qui est parvenu à faire des déclarations à certains médias, dont Globovisión, une chaîne privée qui a contribué au coup d’Etat d’hier et qui a tenté grossièrement de les manipuler, voire de les censurer. Ecoutons-les :

William Lara. On constate une campagne médiatique écrasante, asphyxiante, oppressive, pour maquiller cette dictature qu’on tente d’instaurer au Venezuela.

On veut la maquiller comme une démocratie. Quel contre-sens ? Comment peut-on qualifier de démocratique un régime qui commence par dissoudre le Parlement élu par le peuple ? C’est une dictature.

Journaliste. Qu’est-ce que ça peut provoquer au niveau social ?

William Lara. Cela réaffirme tout simplement que nous sommes face à un régime illégitime et illégal, que la société démocratique vénézuélienne, la société aux profondes valeurs démocratiques, ne va pas accepter…

Randy Alonso. A partir de là, les déclarations de Lara ont été coupées, ce qui fait partie de cette « liberté d’expression » dont ces médias ont tant parlé tous ces mois-ci d’affrontement au gouvernement Chávez, de dénigrement de toutes les figures politiques possibles, même si hier, ils ont dépassé les bornes de la décence.

Je crois que cela fait partie de la manigance qui a conduit au coup de force contre-révolutionnaire. Or, à la grande surprise de certains, mais à la grande confirmation d’autres, selon une dépêche d’EFE, on affirme à Washington que « même si la situation du Venezuela tombe techniquement dans ce que la fameuse charte démocratique qualifie de rupture de l’ordre constitutionnel, des sources ont indiqué que le climat à l’OEA est très peu favorable à l’adoption de mesures. Tout ce que fera l’OEA, c’est invoquer l’esprit de la Charte constitutive et lancer un appel a la normalisation démocratique au Venezuela. Mais il est tout à fait improbable qu’on invoque la Charte démocratique et qu’on convoque un conseil permanent, ont indiqué des sources de l’organisation continentale qui ont demandé l’anonymat. »

Lázaro Barredo nous offre quelques-unes des réactions internationales.

Lázaro Barredo. Oui, il y a des déclarations velléitaires comme celle des Etats-Unis et de certains de leurs alliés européens, d’autres très hésitantes qui prouvent clairement que rien ne va se faire, hormis la rhétorique. Que chacun de nous tire ses conclusions.

Selon EFE, « la Maison-Blanche a estimé aujourd’hui que le gouvernement de l’ancien président vénézuélien Hugo Chávez a été le responsable de la crise qui a provoqué sa fin pour avoir ordonné de tirer hier, jeudi, [c’est là un mensonge éhonté] sur une manifestation pacifique de l’opposition. » Nous savons, nous, que c’est tout le contraire. C’est là une déclaration du porte-parole de la Maison Blanche, Ari Fleisher, qui ajoute avec beaucoup de superficialité : « Les détails ne sont pas encore très clairs, mais ce que nous savons, c’est que ce sont les actions de Chávez qui ont provoqué une crise. » Nouvelle exemple de l’anti-« chavisme » impénitent de cette administration.

Selon une dépêche de l’Agence de presse allemande datée de Washington, « les Etats-Unis et l’Espagne ont, dans un communiqué conjoint, exhorté l’OEA à aider le Venezuela a consolider ses institutions démocratiques ».

Pas la moindre condamnation, vous pouvez le constater.

« Le FMI se dit prêt à travailler avec les nouvelles autorités vénézuéliennes.  Les anciennes, il les boycottait.

« Les Etats-Unis félicitent les forces armées vénézuéliennes et demandent la restauration de la démocratie. »

La valse-hésitation, dans cette dépêche de Reuters : « Les présidents du Groupe de Rio ont, ce vendredi-ci, condamné ce qu’ils ont appelé la « rupture » de l’ordre démocratique au Venezuela, après qu’une flambée de violence a contraint le président Hugo Chávez au départ et ils ont invité à des élections libres. »

Voilà tout ce qu’ont affirmé les dirigeants des dix-neuf pays latino-américains – mais seulement onze présidents – réunis à San José. Selon la déclaration lue par l’un d’eux, « ils condamnent l’interruption de l’ordre constitutionnel au Venezuela provoquée par une polarisation croissante ».

Tout est en gros de la même veine. D’autres vont plus loin, et soutiennent vraiment les autorités putschistes, comme le gouvernement colombien qui espère « le prompt retour au Venezuela de la démocratie aux mains d’un nouveau président favorable à l’intégration ». Voilà en gros la teneur de la plupart des déclarations de gouvernements latino-américains et européens, dans la ligne de celle des USA et de l’Espagne, demandant à l’OEA d’aider le nouveau gouvernement à établir un régime démocratique.

Randy Alonso. En revanche, des observateurs boliviens, selon l’AFP, estiment que ce coup de force militaire peut être un précédent dangereux pour l’Amérique latine. Selon le politologue Jorge Lasarte, ancien secrétaire du tribunal électoral bolivien, « il s’est agi d’un coup d’Etat militaire soutenu par un secteur de la population ». Il s’est dit inquiet de cette rupture de l’ordre institutionnel, ce qu’on ne peut dissimuler en disant que le président a été contraint de démissionner.

Pour sa part, Jimena Acosta estime « inquiétant qu’un pays recoure à un coup d’Etat militaire pour changer un gouvernement ; mais le plus surprenant, c’est que cette rupture de l’ordre institutionnel que nos pays latino-américains ont eu tant de mal à bâtir soit envisagée avec tant de naturel, d’indifférence ou de complaisance par la communauté internationale. »

Pour conclure, je tiens à informer notre population et l’opinion publique internationale que, selon les dernières nouvelles qui nous sont parvenues autour de 18 h 15, le chef de la police de Caracas s’est présenté à notre ambassade vers 16 h, au milieu des vociférations des voyous qui continuent de l’assiéger, et a demandé une réunion avec notre ambassadeur. Celui-ci a demandé des instructions à Cuba, qui lui a demandé de bien confirmer cette intention du chef de la police, auquel cas il serait autorisé à entrer. En fait, celui-ci est arrivé en compagnie de deux autres personnes, un représentant de la mairie, au nom du maire Peña, et le maire de la commune de Baruta, Enrique Capriles, qui ont demandé en plus la présence de représentants des 33e et 2e chaînes.

Germán, notre ambassadeur, a signalé qu’un ramassis de voyous, incités par un petit groupe, avaient détruit des voitures, coupé l’eau et l’électricité, et parlaient même d’empêcher l’entrée de vivres, ce qui pourrait avoir de graves conséquences. Et il a ajouté que les diplomates défendraient l’ambassade au prix de leur vie.

Les interlocuteurs ont répondu que ces gens-là étaient là parce qu’ils soupçonnaient que Diosdado Cabello et d’autres ministres s’étaient réfugiés dans l’ambassade. Germán l’a démenti.

Quand ils ont demandé si l’ambassade leur donnerait l’asile, il a répondu que la décision en revenait au donneur d’asile.

Ils ont demandé de faire « une visite aimable » de l’ambassade pour le vérifier de leurs propres yeux, se justifiant en disant que la foule les croirait, eux, mais pas les Cubains. Germán a refusé en disant que Cuba n’avait jamais accepté d’inspection en quarante ans. Ils ont tenté alors que l’inspection soit faite par l’ambassadeur norvégien, qui s’y est prêté. Germán l’a remercié de son amabilité, tout en lui expliquant les agressions et les abus dont l’ambassade était en butte.

Germán a réitéré que le personnel diplomatique cubain défendrait l’ambassade où se trouvent aussi cinq femmes et un enfant.

Le chef de la police, le représentant de la mairie et le maire de Baruta ont promis de faire en sorte que la pègre n’entre pas dans l’ambassade. On verra bien.

Notre ministère des Relations extérieures en a informé le secrétaire général des Nations Unies, le président du Conseil de sécurité, le Mouvement des pays non alignés et un grand nombre d’ambassadeurs accrédités à Cuba et au Venezuela.

La responsabilité de toute solution violente retombera sur les putschistes et sur ceux qui ont assumé illégalement la présidence du pays.

Sur ce, nous mettons fin à notre Table ronde. Je remercie les intervenants, les invités de nos studios, et je signale que nos médias continueront de suivre les événements du Venezuela, d’informer de ce complot contre-révolutionnaire qui a provoqué le renversement du président constitutionnel, Hugo Chávez Frías.

Je vous remercie, et bonsoir à tous.