Table ronde d’information sur la déclaration du ministère cubain des Relations extérieures concernant l’arrestation d’un gros trafiquant de drogues, tenue dans les studios de la Télévision cubaine, le 18 mars 2002

 

 

            Randy Alonso. Bonjour à vous, chers téléspectateurs et auditeurs.

            C’est compte tenu de l’importance de la déclaration émise aujourd’hui par notre ministère des Relations extérieures et de sa répercussion à l’étranger que notre Table ronde en analysera plus en détails certains points.

            Nous avons demandé à Ricardo Alarcón de Quesada, président de l’Assemblée nationale du pouvoir populaire, au général de brigade Lázaro Roman Rodríguez, chef des Troupes garde-frontières, à Rafael Daussá Céspedes, directeur pour l’Amérique du Nord au ministère des Relations extérieures, et au colonel Oliviero Montalvo Alvarez, chef de la Direction nationale antidrogues, de participer comme intervenants.

            Nous avons aussi invité des compañeros de l’Institut national de recherches économiques, du Bureau national de l’administration fiscale et du ministère de l’Intérieur.

 

            (Images vidéo sur le thème.)

 

            Ce matin donc, le journal Granma et d’autres organes nationaux ont publié la déclaration suivante du ministère des Relations extérieures :

 

            Le citoyen d’origine colombienne, Rafael Miguel Bustamante Bolañós, qui était entré dans le pays le 6 janvier 2002 en provenance de la Jamaïque sous un passeport vénézuélien u nom d’Alberto Pinto Jaramillo, a été arrêté le 6 mars dernier, à 9 h 45, dans la  villa qu’il avait louée au quartier Siboney, arrondissement Playa de La Havane.

C’est à compter du 31 janvier que les autorités compétentes ont commencé à recevoir, par l’intermédiaire de mécanismes de coopération mis en place avec plusieurs services antidrogues de la région,  des informations concernant la présence dans notre pays de Bustamante Bolaños, sur qui pesaient de fortes accusations de trafic des drogues dans la région.

Ces mécanismes ont permis de préciser, entre autres, que Bustamante Bolaños était lié à une grosse bandes de trafiquants de drogues bahamiens, qu’il s’était enfui voilà une dizaine d’années d’une prison de Santa Marta, en Colombie, où il purgeait un peine pour blanchiment d’argent et qu’il était aussi recherché par l’Agence antidrogues des Etats-Unis (DEA) pour l’introduction de drogues dans ce pays.

Nous avons aussi appris que cet individu était de plus réclamé par les autorités nord-américaines pour s’être enfui d’une prison fédérale d’Alabama où il purgeait une peine pour blanchiment d’argent et de trafic de cocaïne, et pour être impliqué dans une grosse affaire d’introduction de drogues aux USA depuis la Jamaïque sur laquelle la DEA mène actuellement une enquête.

Le citoyen bahamien, Robert Lewis, sur qui pèsent aussi de fortes accusations comme trafiquant de drogues, a été arrêté en même temps que Bustamante.

Les deux trafiquants de drogues sont actuellement sous les verrous, une instruction ayant été ouverte contre eux pour trafic de drogues et falsification de documents.

Les investigations se poursuivent avec la plus grande rigueur étant donné la gravité du cas. Les crimes retenus contre ces deux individus sont, comme le sait notre peuple, clairement définis dans le code pénal cubain et punis des peines les plus sévères.

Par ailleurs, en gage de bonne volonté qui montre clairement le sérieux avec lequel notre gouvernement est disposé à coopérer avec tous les pays au combat contre le trafic des drogues, les autorités cubaines ont, le 12 janvier dernier, livré au gouvernement des Etats-Unis le ressortissant nord-américain Jesse James Bell, fugitif de la justice de ce pays et inculpé de quinze chefs d’accusation ayant à voir directement ou indirectement avec le trafic des drogues aux USA.

Bell était en état d’arrestation depuis le 10 octobre 2001, en tant que porteur d’une fausse identité à sa sortie de notre pays en transit. Nos autorités l’ont aussitôt notifié à la Section d’intérêts des Etats-Unis à La Havane.

Les autorités nord-américaines ont, le 19 octobre 2001, réclamé officiellement la remise du détenu par la note diplomatique nº 573 présentée par ladite Section à notre ministère des Relations extérieures. Notre gouvernement a décidé de répondre à cette requête, une fois vérifié clairement que Bell n’était impliqué dans aucune activité illégale à Cuba.

La remise de cet individu à la DEA s’est faite à titre exceptionnel, car, en dépit de la volonté manifeste de la partie cubaine et de ses propositions dans ce sens, il n’existe aucun accord de coopération entre les deux gouvernements portant sur la lutte contre le trafic de drogues, de sorte que notre gouvernement n’avait pas la moindre obligation d’extrader ce criminel.

Il vaut la peine de souligne à cet égard que le directeur pour l’Amérique du Nord à notre ministère, Rafael Daussá, a, le 29 novembre 2001, remis à La Havane au chef du bureau Cuba du département d’Etat nord-américain un aide-mémoire contenant des propositions de notre gouvernement à son homologue nord-américain en vue de la conclusion d’un accord migratoire permettant la lutte contre l’émigration illégale et la traite des êtres humains, d’un accord de coopération pour combattre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes et d’un programme de coopération bilatérale pour combattre le terrorisme. La proposition d’un accord sur les questions migratoires avait déjà été présentée aux autorités nord-américaines en septembre 2000.

Mais dès le 26 juillet 1999, au meeting de Cienfuegos pour cette date, Fidel Castro, après avoir signalé qu’il avait expliqué au prestigieux sénateur républicain Arlen Specter au cours d’une rencontre en juin comment notre pays luttait contre le trafic de drogues, avait affirmé textuellement : « Je lui ai expliqué en toute clarté qu'il pouvait y avoir trois formes de coopération possible : une coopération modeste, une coopération plus importante et plus efficace, une coopération intégrale. […] Je vous prie de demander aux autorités supérieures de votre pays à  quel niveau elles souhaitent cette coopération, au niveau actuel, à un niveau plus élevé ou une coopération totale. Je dis tout simplement que nous sommes prêts à n'importe quelle forme de coopération. »

Quelques jours, toujours pour cette même fête nationale, mais à Matanzas, Fidel Castro avait aussi abordé la question de l’émigration illégale stimulée depuis quarante ans par les Etats-Unis, de la loi d’Ajustement cubain,  des nombreuses vies que celle-ci a coûtées au pays et de la nécessité de chercher une solution à ce grave problème.

Le 3 décembre 2001, au cours de la dernière des conversations migratoires entre Cuba et les Etats-Unis, qui s’est tenue à La Havane, le compañero Ricardo Alarcón, président de l’Assemblée nationale du pouvoir populaire et chef de la délégation cubaine, a de nouveau remis ces trois propositions d’accord sur l’émigration, sur la lutte contre le trafic des drogues et sur l’affrontement au terrorisme à la contre-partie nord-américaine, laquelle a signalé que ces projets sortaient du cadre des conversations migratoires et a suggéré de les présenter par les voies diplomatiques prévues entre les deux pays.

Aussi, compte tenu de cette suggestion, le ministère des Relations extérieures et la Section d’intérêts de Cuba à Washington ont-ils, le 12 mars 2002, remis officiellement à leurs homologues respectifs trois notes diplomatiques contenant en annexe les textes de propositions d’accords sur ces questions importantes.

Le ministère des Relations extérieures, compte tenu des avantages mutuels que signifieraient ces accords sur l’émigration, sur la lutte contre le trafic des drogues et sur l’affrontement au terrorisme, ratifie que le gouvernement cubain est pleinement disposé à négocier et à souscrire lesdits accords avec le gouvernement des Etats-Unis.

L’administration nord-américaine a maintenant l’occasion de prouver qu’elle est vraiment disposée à assumer avec sérieux et sans deux poids deux mesures la lutte contre ces graves fléaux de l’humanité.

Reste au gouvernement des États-Unis à prouver à son opinion publique et à l’opinion publique internationale qu’il est capable de se dissocier des intérêts dérisoires de petits groupes anticubains et de défendre les vrais intérêts de son peuple.

La balle est dans le camp des Etats-Unis.

 

La Havane, le 17 mars 2002

 

            Je dois ajouter à cette déclaration que le détenu colombien Rafael Miguel Bustamante Bolaños a reconnu avoir participé à plus de douze opérations de trafic de drogues, dont certaines se montaient à entre huit cents et mille cinq cent kilogrammes de cocaïne. Selon ses aveux, le transport se réalisait généralement à bord de vedettes rapides, mais qu’il avait aussi exécuté des opérations par voie postale et par voie aérienne, en utilisant des méthodes de camouflage perfectionnées : dilution dans des réservoirs d’essence, cache dans des différentiels de voiture, imprégnation sur des feuilles de papier et des vêtements, entre autres.

 

            (Vidéos de ce thème.)

 

            Cette déclaration du ministère a été répercutée sans retard par les correspondants d’agences de presse et de chaînes de télévision accrédités dans notre pays.

            Notimex écrit : « Cuba livre un trafiquant de drogues aux Etats-Unis en gage de bonne volonté. » Dans une seconde dépêche, elle indique : « Cuba prétend établir trois accords bilatéraux avec les Etats-Unis. »

            L’AFP titre : « Nouveau gage de bonne volonté de Cuba envers les Etats-Unis. »

EFE écrit : « Le gouvernement cubain a annoncé aujourd’hui l’arrestation à La Havane d’un gros trafiquant de drogues colombien et l’extradition aux Etats-Unis d’une autre de nationalité nord-américaine », tout en se faisant l’écho des propositions présentées le 12 mars aux USA.

Dans une autre dépêche, l’AFP parle de l’extradition de Jesse James Bell et signale que les trois projets d’accord ont été remis aux USA dès le 20 novembre 2001.

La chaîne de télévision BBC a transmis un reportage qu’on retrouve sur Internet, intitulé : « Un trafiquant de drogues capturé à Cuba » et faisant connaître la déclaration du ministère.

L’AFP a transmis une troisième dépêche annonçant l’arrestation de Bustamante Bolaños.

L’agence allemande DPA se fait aussi l’écho de cette déclaration et de l’extradition de Bell.

L’agence italienne ANSA répercute, elle aussi, l’arrestation de Bustamante et l’extradition de Bell.

Voilà donc les premières répercussions.

La Révolution a lutté dès le début contre le trafic de drogues, car celui-ci avait cours avant à Cuba, et elle continue de le faire parce que c’est une des priorités de notre gouvernement.

Je demanderais au colonel Oliverio Montalvo, chef de la Direction nationale antidrogues, d’expliquer comment notre gouvernement a lutté contre ce fléau des drogues illicites et des substances psychotropes, surtout cette dernière décennie au cours de laquelle il s’est multiplié gravement dans le monde.

Oliverio Montalvo.  La Révolution cubaine, on le sait, ne cesse de lutter résolument depuis quarante-trois ans contre la drogue. Mais ce qu’on sait moins, c’est que celle-ci était déjà présente durant la guérilla dans la Sierra Maestra. Ainsi, la disposition nº 6 dictée par l’administration civile du territoire libre se prononce contre ce phénomène, contre le prouve un des Attendus : « Les forces rebelles, engagées dans une lutte à mort contre l’armée de la dictature, n’avaient pas encore pu prendre de mesures pour liquider ce fléau social dans les territoires qu’elles ne dominaient pas encore autant que maintenant. La victoire contre la dernière offensive de la tyrannie leur permet maintenant de les adopter. »  Et ce document est signé par Fidel Castro. Cela se passe de commentaires.

Au cours de la dernière décennie, le trafic des drogues nous touche d’une manière plus complexe, surtout parce qu’il s’agit d’un phénomène extérieur : en effet, Cuba n’est pas un pays producteur de drogues, ni un pays de transit de la drogue, ni un pays où il existe un marché de la drogue. Ce sont nos caractéristiques géographiques, l’emplacement de notre pays sur les principales routes par où des pays producteurs l’acheminent vers d’importants pôles de consommation dans le monde qui font que nous sommes victimes de ce phénomène du trafic de drogues international. [Projection sur l’écran d’une carte de Cuba indiquant les principales zones touchées.]

Disons, sans entrer dans les détails, que les lignes rouges indiquent les mouvements constants de vedettes rapides dans nos eaux territoriales transportant de la drogue depuis des points proches jusqu’à des points intermédiaires, la destination finale en étant les Etats-Unis ; que les avions de trafiquants de drogues pénètrent dans notre espace aérien par le couloir de Las Nuevas, à l’extrémité est, réalisant des largages au nord des provinces du centre-est, Las Tunas et Camagüey en particulier, créant un danger supplémentaire pour la navigation aérienne.

Par ailleurs, les courants marins déplacent les ballots de drogue largués d’est en ouest, ce qui nous contraint à de gros efforts pour les saisir avant que des gens sans scrupules ne s’en emparent et ne prétendent ensuite la vendre dans notre pays.

Ce sont donc là des phénomènes réels, et qui nous touchent.

En tout cas, la volonté politique et la clarté de notre pays dans ce domaine sont avalisées par des résultats concrets.

Ainsi, de 1991 à 2000, les autorités cubaines, agissant bien entendu avec le soutien décidé de la population, en particulier des pêcheurs et des modestes habitants de ces zones, ont saisi 65 439,87 kilos de drogues. Ce qui donne une idée des efforts que nous consentons.

Ces cinq dernières années, le total de cocaïne et de marihuana saisies, qui en constituent l’essentiel, a atteint 42 516,33 kilos, soit 42 tonnes, destinées pour la plupart aux Etats-Unis pour y empoisonner des jeunes et des adolescents.

Toujours de 1997 à 2001, nos autorités ont arrêté 190 étrangers, dont 141 dans les aéroports et 49 dans les ports, pour trafic de drogues international, et jugés par nos tribunaux.

Voilà donc, à part cet antécédent historique de la Sierra Maestra, quelques chiffres concrets plus actuels.

Randy Alonso.  Vous avez dit que le gros de cette drogue se dirigeait vers les USA. Nous savons que c’est un mal qui touche gravement la société de ce pays. Nos autorités luttent contre le trafic de drogues et cherchent à empêcher par tous les moyens que notre pays ne devienne un lieu de transit vers les USA. Qu’ont-elles fait dans ce sens et quelle coopération ont-elles reçue de leurs homologues nord-américaines ?

Oliverio Montalvo. Il n’est pas inutile de rappeler la prise de position exprimée par Fidel le 26 juillet 1999 à Cienfuegos. Par la suite, les autorités cubaines ont réitéré qu’elles étaient prêtes à collaborer avec n’importe quel pays aux termes des normes internationales, autrement dit respect mutuel, respect de l’intégrité, de la souveraineté, transparence totale, et elles ont cherché, malgré nos limitations économiques, à doter les forces concernées des ressources techniques et de la formation requises.

J’ai ici un brève chronologie des dix dernières années qui prouve cette attitude de Cuba face aux autorités nord-américaines.

Les 15 et 16 juillet 1991, des fonctionnaires de la DEA, des garde-côtes, de la douane et de la Section d’intérêts ont eu des conversations à La Havane au sujet de l’opération Tenailles, menée avec le soutien des forces armées cubaines pour combattre le trafic de drogues sur la côte nord, surtout à l ‘Est, opération qui a permis de capturer trois groupes de trafiquants et 507 kilos de cocaïne. Les autorités cubaines ont remis à la partie nord-américaine des photos-tableaux de la drogue saisie et des détenus, des expertises criminalistiques et 59 échantillons de cinq grammes chacun de la cocaïne.

Le 27 avril 1992, grâce à des informations fournies par les garde-côtes nord-américains, nos forces ont arraisonné un bateau battant pavillon nord-américain, le Janaken, et capturé son équipage, qui  été jugé aux Etats-Unis.

Le 18 septembre 1993,  nous avons remis à la DEA, à l’aéroport international de La Havane, deux ressortissants d’origine cubaine vivant aux Etats-Unis, capturés dans les eaux territoriales par nos troupes garde-frontières. C’était la première fois de la décennie que cela arrivait.

Le 30 novembre 1993, les USA ont réclamé des preuves au sujet d’un largage aérien raté de cocaïne dans la province de Villa Clara. Nous avons remis à la DEA, à l’aéroport de La Havane, 24 échantillons de cinq grammes chacun, avec la description des ballots, les photos et l’expertise correspondante.

Le 3 juillet 1995, les garde-côtes nord-américains nous ont informés que le bateau Marshall emportait 2 300 kilos de drogue. Nos fouilles minutieuses n’ont rien donné. Nous avons remis une vidéo-cassette de cette opération aux autorités nord-américaines.

Le renflouage du bateau hondurien Li Merick a eu lieu d’octobre 1996 à juin 1997, au risque de la vie de nos garde-frontières. Les perquisitions ont permis de saisir ensuite 6 617,4 kilos de cocaïne.

            Randy Alonso. C’est là un magnifique exemple de cette coopération des autorités cubaines.

            Oliviero Montalvo. Oui, ça a été un pas important.  Car nos autorités ont invité du personnel de la DEA, des garde-côtes et du département de la Justice à participer à ces perquisitions aux côtés de notre personnel du ministère de l’Intérieur et de la douane. De plus, onze avocats de la défense nord-américains ont pu avoir des réunions avec nos fonctionnaires et recevoir toute l’information pertinente.

            Les autorités cubaines ont remis non seulement les 6 617,4 kilos de cocaïne, mais aussi les documents officiels, les photos et tout le reste ; ensuite, des fonctionnaires du ministère de l’Intérieur et des collaborateurs des troupes garde-frontières ont servi de témoins au procès aux USA. C’est là une nouvelle preuve de la volonté politique et de la détermination du gouvernement cubain dans ce sens.

            Le 22 janvier 1998, Charles Rangel, législateur démocrate de New York, a reçu des informations sur la lutte cubaine contre le trafic de drogues et sur ses résultats.

Le 3 août 1998, Alfred Cumins et Donald Mitchell, conseillers de la commission sénatoriale des Renseignements, ont à leur tour reçu des informations sur ce même point.

Le 21 juin 1999, des délégations des deux parties ont soutenu des conversations officielles portant sur l’amélioration de la collaboration pour faire face au trafic de drogues.

En mai 2000, comme conséquence de cette réunion, un fonctionnaire de liaison des garde-côtes, Peter Brown, occupait son poste à la Section d’intérêts.

Le 8 août 2000, Peter Brown a accompagné des chefs du ministère de l’Intérieur dans une tournée dans les cayes nord des provinces de Camagüey, de Ciego de Avila, de Villa Clara et de Matanzas, ce qui lui a permis de constater sur le terrain les efforts de Cuba et les mesures adoptées pour faire face résolument au trafic de drogues, ainsi que les activités ayant à voir avec le trafic illégal de personnes, le terrorisme et le sauvetage en mer.

Le 7 décembre 2000, Peter Brown à présenté son substitut, Harry Schmidt.

Le 1er février 2001, Patricia Murphy, consul nord-américaine, et Harry Schmidt, participaient à une réunion portant sur le cas de deux émigrés cubains alors dans notre pays, mais vivant aux USA et réclamés là-bas en tant que fugitifs du Service des fonctionnaires de justice pour possession et tentative de distribution de cocaïne.

Les 9 et 10 février 2001, Harry Schmidt a accompagné des chefs du ministère de l’Intérieur dans une tournée dans des zones de Camagüey, de Granma et de Guantánamo où des unités cubaines font face au trafic de drogues international.

Du 11 au 16 février 2001, une délégation du Centre d’information pour la défense des Etats-Unis a visité notre pays et a eu des échanges sur cette question.

Le 2 mars 2001, Fulton Amstron et William Heaten, analystes du gouvernement nord-américain, ont eu une réunion au cours de laquelle ils ont fait état de leur intérêt de connaître la question du trafic de drogues dans les Caraïbes et autour de Cuba, ainsi que les relations bilatérales.

Du 11 au 13 mai 2001, le bateau panaméen Thadee Express a fait l’objet d’une perquisition complète à la demande du fonctionnaire de liaison des garde-côtes, mais sans résultat.

Le 30 mai 2001, le législateur nord-américain Tim Roemer, de la commission d’enquête des renseignements de la Chambre des représentants,  a reçu un dossier contenant l’allocution de Fidel Castro le 26 juillet 1999 à Cienfuegos, une carte avec les zones impliquées dans le trafic de drogues, des statistiques officielles de l’année 2000 et une vidéo-cassette contenant le documentaire intitulé « Affrontement au trafic de drogues international dans le canal maritime ».

Du 27 au 20 août 2001, Harry Schmidt a participé, aux côtés d’une équipe multidisciplinaire formée entre autres de personnels spécialisés des troupes garde-frontières et de la douane, à la fouille du bateau bolivien Anisia, ancré à Puerto Padre (Las Tunas), à partir d’informations fournies par les USA, mais sans résultats.

Le 18 octobre 2001, à partir  d’une note adressée par la Section d’intérêts de La Havane, confirmation de la présence de Jesse James Belle qui est arrêté.

Le 4 décembre 2001, le MINREX autorise la Section d’intérêts à importer les dispositifs Ionscan et Sabre 2000 destinés au représentant des garde-côtes.

Le 3 janvier 2002,  le ministre cubain de la Justice a un contact avec le sénateur Arlen Specter, au cours duquel le trafic de drogues est aussi abordé.

Le 7 janvier 2002,  rencontre avec les législateurs démocrates William Delahunt (Massachusetts), Vic Snyer (Arkansas), Hilda Solis (Californie), William Clay (Missouri), et avec Phillip Peters, vice-président de l’Institut Lexington, Saly Grooms Cowall, président de l’Association de politique pour Cuba, et Dana Broocks, adjointe de Jo Ann Emerson, législateur républicain du Missouri, qui n’était pas présente, au cours de laquelle cette délégation a reçu des informations détaillées sur les efforts que consent le pays dans la lutte contre la drogue et sur ses résultats, avec une référence spéciale au cas Gallego, ayant à voir avec deux Espagnols qui avaient organisé une opération de trafic de drogues à partir d’une société mixte avec une entreprise cubaine.

Le 12 janvier, les autorités cubaines ont accédé à la requête du gouvernement nord-américain d’extrader Jesse James Bell, avec remise à l’aéroport de La Havane d’un dossier contenant les résultats de l’instruction et des démarches migratoires, un acte de la direction d’Immigration et d’Extranéité relatif à l’identité du Nord-Américain et le passeport réquisitionné.

Le 2 mars 2002, le chef de la Direction des troupes garde-frontières a rencontré les généraux à la retraite Barry McCaffrey et Charles Wilhelm, en présence de Harry Schmidt, et leur a offert une information détaillée sur l’opération Aché II.

Le 8 mars 2002, Harry Schmidt a fait une démonstration pratique du dispositif Sabre-2000 pour la détection de drogues.

Les 5, 6, 12 et 13 mars, Harry Schmidt a plusieurs rencontres ayant permis des échanges au sujet des détenus mentionnés dans la déclaration du MINREX.

Ainsi donc, de 1991 au 13 mars 2002, on dénombre 57 contacts personnels avec des fonctionnaires et des personnalités des USA, avec remise de six jeux de photos, de documents officiels de nos laboratoires de criminalistique, de 27 documents de différente nature, de 9 vidéos, de 6 617,4 kilos de cocaïne et de 59 échantillons en flacon de cinq grammes.

Ces faits tout à fait éloquents sont une preuve irréfutable de la position de Cuba et de sa volonté de coopérer à fond si les autorités nord-américaines en décident ainsi.

Randy Alonso.  Vous avez parlé de coopération. Pour pouvoir lutter contre un phénomène en pleine croissance comme le trafic de drogues, de nombreux pays, c’est évident, doivent coopérer. Cuba, à plus forte raison, qui est située dans les Caraïbes, sur un lieu de passage. La déclaration du MINREX rappelle d’ailleurs que l’arrestation de Bustamante Bolaños a été le résultat d’informations fournies par d’autres services spécialisés étrangers.  Avec quel services Cuba coopère-t-elle ?

Oliviero Montalvo. Cuba a signé des accords avec vingt-neuf gouvernements et coopère avec douze autres avec lesquels elle n’en a pas signé.

Les ministères de l’Intérieur français et espagnol  ont ici des représentants officiels dont la mission principale est la coopération antidrogues avec nos autorités. Il existe aussi des relations avec des représentants d’Italie, du Royaume-Uni, de Canada, d’Allemagne et de Hollande situés dans d’autres pays.

Rien qu’en 2001, nous avons eu des réunions de travail et de bons échanges avec des agents de liaison de Hollande, d’Italie, du Canada, du Royaume-Uni, avec l’attaché du ministère espagnol de l’Intérieur et avec le représentant du service de coopération du ministère français de l’Intérieur.

Nous avons reçu la visite du chef de la Direction centrale des services antidrogues d’Italie avec qui nous avons longuement passé en revenu notre collaboration.

Les échanges d’informations avec les services homologues, 467 messages en un an, nous ont permis de mener une série d’enquêtes sur des étrangers venus dans notre pays et suspects de trafic de drogue. La qualité et l’efficacité de ces échanges ont nettement augmenté.

Nous avons eu des entretiens avec des délégation et des fonctionnaires du Royaume-Uni, du Venezuela, de France, des Etats-Unis, du Mozambique et du Bureau régional de projets de formation pour les Caraïbes des Nations Unies, ce qui nous a permis d’offrir des informations détaillées sur les efforts que consent notre pays en matière de lutte, de traitement et de prévention.

Les autorités d’Ukraine et de Bélarus, des pays avec lesquels nous n’avons pas d’échanges, ont exprimé leur intérêt pour une collaboration antidrogues et nous avons eu des rencontres avec elles.

Aux Bahamas, nous avons tenu la seconde Réunion bilatérale pour la coopération antidrogues, et des réunions similaires à Cuba avec des délégations d’Argentine, du Brésil et du Portugal.

A la demande du département des Relations extérieures du ministère des Forces armées, une conférence a été donnée aux attachés militaires accrédités dans notre pays sur la politique de la lutte antidrogues et sur ses résultats.

A l’occasion de la Journée internationale de la lutte contre les drogues, le ministère des Relations extérieures a organisé une réunion avec un groupe d’ambassadeurs pour leur donner des informations sur ce thème.

L’an dernier, Cuba a participé au Panama à la Onzième Réunion des chefs d’organismes nationaux chargés de combattre le trafic illicite de drogues, ce dont nos deux pays ont profité pour avoir une réunion bilatérale.

Au début de cette année-ci, nous avons accueilli Ronald Noble, secrétaire général de l’Interpol. L’année précédente, nous avions reçu son président, Jesús Espigares. Cuba, qui est membre de l’Interpol depuis 1952, a des liens avec soixante-dix-huit bureaux nationaux. De 1999 à 2001, elle a échangé 1 527 messages sur différents thèmes, dont celui de la drogue, avec son secrétariat et avec d’autres pays.

Je voudrais mentionner quelques exemples de collaboration internationale.

Du 6 au 15 novembre 1998, nous avons travaillé de concert avec le Canada, faisant échouer cinq opérations de trafic de drogue à notre frontière aérienne, arrêtant dix-huit étrangers, saisissant 53,5 kilos de cocaïne et 1,3 kilo de haschisch.

Nous avons coopéré avec la Grande-Bretagne à l’opération Maya, qui a conduit à l’arraisonnement en eaux internationales du bateau China Breeze, qui emportait quatre tonnes de cocaïne chargées après son départ de Cuba. Au cours de cette même opération, les autorités britanniques ont saisi 4,5 tonnes de cocaïne à bord du bateau Castor, tandis que huit personnes ont été arrêtées en Grèce en possession de plus de quatre millions de dollars. Il s’agissait d’une organisation chargée de transporter aux USA plus de cinquante tonnes de cocaïne, les deux bateaux mentionnés y étant impliqués.

En juin 2001, nous avons mené l’opération Buscado avec les Bahamas, arrêtant à Cuba et extradant ensuite les trafiquants de drogue bahamiens Nehru Newton et Carllam Cambridge, qui s’étaient réfugiés chez nous pour éviter la justice de leur pays et qui étaient en rapport avec l’organisation de Samuel Knowles, l’un des plus gros trafiquants de la région, qui a été arrêté dans son pays et en cours de procès.

Dès décembre 1998, nous avons mené l’opération Gallegos avec la Colombie, l’Espagne, la France et le Panama,  compte tenu du fait que les citoyens José Royo Llorca et José Anastasio Herrera avaient créé une société mixte dans notre pays comme couverture pour pouvoir envoyer des conteneurs de drogues en Espagne depuis la Colombie, avec Cuba comme pays de transit. L’opinion publique a été largement informée de ce cas.

Le 1er mars 2000, le parquet de la République de Cuba a délivré des commissions rogatoires au juge d’instruction nº 1 de Madrid et au parquet de Colombie. La réponse reçue d’Espagne le 21 décembre 2001 disait entre autres : « Au sujet de José Anastasio Herrera Campos, le commissariat des stupéfiants de Valence déclare  avoir mené une enquête en 1997 à la suite d’informations faisant état de ses liens avec une importante organisation internationale de trafic de cocaïne et de transfert de grandes quantités de fonds appartenant au cartel de Cali à des fins de blanchiment et d’envoi postérieur à l’étranger. Selon l’avocat défenseur de Royo et d’Herrera au procès ouvert contre eux en Colombie, Royo Llorca a reçu la visite à Cuba de deux frères d’un certain Uribe Arango, à savoir José Luis et Lisandro Roberto. Selon Royo, en prenant leur défense, il rendait tout simplement service à Herrera Campos. Ce dernier maintient des relations avec l’Espagol Fernando Sánchez, alias Tatú, soumis à une enquête en 1996 pour ses liens avec un groupe colombien de trafiquants de cocaïne qui l’introduisait en Espagne par la Galice et la distribuait ensuite dans des véhicules. »

Les autorités espagnoles ont précisé que Josefa Querol, la femme espagnole de Royo Llorca, n’a jamais été hospitalisée ou soignée le 4 décembre 1998 dans un hôpital de la région de Tarragona, prétexte qu’avait pourtant donné Royo pour abandonner au plus vite le pays (à partir de la dénonciation publique faite par les autorités cubaines).

C’est le 28 janvier 2002 que réponse a été reçue de la commission rogatoire délivrée en Colombie : « José Ignacio Enao Vergara et son frère Marco Antonio Alvarez Vergara, tous deux Colombiens, propriétaires du bureau de change J & Ros, accusés d’avoir financé les opérations commerciales de la société E.I.-Caribe qui dépêchait les conteneurs à la société constituée par Royo à Cuba, se sont déclarés coupables des crimes de trafic des stupéfiants, de blanchiment d’argent et de concertation pour commettre des crimes, en vue de quoi ils ont été condamnés à des peines de treize et douze d’incarcération respectivement. Eneo Vergara est un fugitif de la justice nord-américaine pour trafic des drogues. Les informations sur les enquêtes menées par les autorités espagnoles au sujet des individus liés au trafic des drogues dans ce pays, et signalées dans la présente documentation ont été notifiées à l’avocat défenseur de Royo et d’Herrera au procès ouvert contre eux en Colombie. »

Ces lettres en réponse aux commissions rogatoires sont un document légal et public. Notre pays refuse de croire que ces deux trafiquants de drogues puissent échapper à leur responsabilité pénale. Leur arrestation a été demandée à travers l’INTERPOL afin qu’ils soient jugés à Cuba s’ils y sont envoyés ou s’ils arrivent dans ce pays.

En matière de coopération internationale, nous estimons nécessaire de signaler brièvement comment celle-ci a contribué aux efforts que consent Cuba pour former ses forces.

Nous avons formé ces deux dernières années (2001-2002) plus de 35 000 militaires, formé 422 entraîneurs ; nous avons reçu un soutien pour former 169 membres du ministère de l’Intérieur et de la douane dans le cadre de cours donnés par des spécialistes étrangers, dont 138 à Cuba  et 31 à l’extérieur ; le Bureau de projets et de formation de la Barbade, qui est une institution des Nations Unies, a organisé un cours à Cuba et donné six cours en République dominicaine auxquels ont participé des personnels de notre douane et de notre ministère de l’Intérieur.

Toujours pour cette formation de nos forces, nous avons reçu ces derniers temps un soutien important des services britanniques, français, espagnols et canadiens et de la part du système des Nations Unies. Notre Commission nationale des drogues consent aussi de grands efforts pour former l’ensemble du personnel professionnel, ainsi que les cadres et les fonctionnaires en général qui participent d’une façon ou d’une autre aux taches de prévention et de traitement.

Tels sont les faits concrets, qui sont des preuves irréfutables de la position de Cuba, des efforts qu’elle fait en vue d’une coopération internationale large, totale, sans manipulation, et qui prouvent clairement quelles sont les activités de notre pays et quels sont ses principaux résultats, ainsi que la politique de principe que la direction de notre Révolution et Fidel Castro en particulier suit dès avant même le triomphe de celle-ci.

Randy Alonso. Je vous remercie de vos informations.

 

(Quelques images du thème.)

 

Les troupes garde-frontières jouent un rôle spécial dans ce combat contre le trafic des drogues. Leur chef, le général Lázaro Román Rodríguez, assiste à notre table ronde. Pourriez-vous nous expliquer sommairement la façon dont vos troupes participent à cette lutte et quels ont été vos échanges dans ce sens avec le service de garde-côtes nord-américain ?

Lázaro Román. Il faut dire que notre Révolution se bat depuis le début pour empêcher les trafiquants de drogues internationaux d’utiliser notre espace aérien et nos eaux territoriales.

Depuis 1959, nous avons arraisonné une grande quantité de bateaux et d’avions transportant des drogues qui survolaient notre pays ou traversaient ses eaux territoriales, ou qui ont dû s’arrêter à cause d’une panne ou qui ont été poursuivis par nos forces. Notre pays s’est doté d’un programme permanent de lutte contre le trafic des drogues, et nos troupes garde-frontières ont précisément pour mission principale de lutter contre ce fléau. Le gouvernement les a dotés, avec toutes les limitations connues, de tous les moyens possibles.

Nous avons récemment expliqué ces activités aux représentants du Service de garde-côtes nord-américain. Nous leur avons parlé tout d’abord de l’opération que nous avons menée dans l’Est, dite Opération Aché, qui a été lancée à titre expérimental devant l’accroissement d’avions suspects dans la région de Granma et de Camagüey – du sud au nord – afin de pouvoir apprécier pendant quarante-cinq jours les résultats et les coûts de cette opération. Celle-ci nous a permis de saisir 457 kilos de cocaïne, d’empêcher une opération de largage au nord de Camagüey se montant à 449 kilos, de saisir les ballots de deux arrivages maritimes et d’arraisonner une vedette rapide pilotée par trois Bahamiens qui ont été arrêtés.

On a aussi repéré deux avions qui survolaient les provinces de Granma et de Camagüey.

Notre gouvernement ayant décidé de donner à cette opération un caractère permanent, il a renforcé les effectifs et les moyens disponibles afin d’empêcher que nos eaux territoriales, en particulier celles situées au sud de Guantánamo et au nord de Ciego de Ávila jusqu’à Las Tunas, soient utilisées pour du largage de ballots de drogues.

Les effectifs de ce dispositif devenu permanent ont été renforcés par des moyens aériens et radiotechniques de détection d’objectifs aériens, fournis par la DAAFAR et l’ensemble des Forces armées révolutionnaires, et on a aussi augmenté le nombre de moyens radiotechniques d’exploration de surface jusqu’à dix-neuf dans la région.

            Plus de 1 500 effectifs participent de façon permanente à ce combat.

            Au 31 janvier, ces efforts ont permis de déjouer sept opérations dans la région, de saisir 4 544,9 kg de marijuana, d’arrêter trois étrangers, de confisquer deux vedettes et faire échouer deux opérations de largage de ballots.

            Ces opérations de harcèlement et de mise en échec d’opérations de vedettes rapides, aussi bien par nos forces dans nos eaux territoriales que par d’autres services de la région, y compris le Service des garde-côtes des États‑Unis, ont permis de saisir 8 498,6 kg de drogues, dont 5 801,8 kg de marijuana, 2 695,7 kg de cocaïne et 1,1 kg de haschich dans le cadre de 363 cas de repêchage de ballots de drogues.

            Randy Alonso.- Il existe donc, général, une communication entre nos garde-côtes et d’autres services spécialisés de la région dans le trafic des drogues.

Lázaro Román. Depuis 1979, les troupes garde-côtes de Cuba ont un accord au cas par cas, pas un accord officiel,  portant sur des  échanges d’informations ponctuels concernant des faits survenus aux frontières, notamment le trafic des drogues, le sauvetage des personnes et la traite des êtres humains.

            Nous avons parcouru la région d’opération en compagnie des deux derniers représentants du Service des garde-côtes, basé au septième district de Miami, et dernièrement, en compagnie de Smith, l’officier de liaison basé à la Section des intérêts des États-Unis à La Havane.

            Pendant le déroulement de l’opération, les troupes garde-côtes de Cuba ont envoyé 266 messages concernant le trafic des drogues aux garde-côtes des États-Unis, et en ont reçu 71.

            Randy Alonso. C’est-à-dire en un an et demi environ.

Lázaro Román. Oui, depuis juillet 2000. Dans le cadre de l’opération, nous avons saisi, si l’on compte les opérations déjouées et les ballots récupérés en mer, 13 218,8 kg de marijuana, de cocaïne et de haschich.  Des messages ont été adressés au Service des garde-côtes des Etats-Unis, auquel nous avons aussi demandé de répondre à nos messages à propos des embarcations ou des avions harcelés à Cuba et qui prennent ensuite le cap vers le nord, notamment vers les Bahamas.

            Cet accord portant sur l’échange d’informations, passé voilà déjà plus de vingt ans, a connu des hauts et des bas, mais il s’est stabilisé depuis 1995.

            À la suite d’échanges d’informations, le service des garde-côtes des États-Unis a fait échouer douze opérations de trafic des drogues, a intercepté sept embarcations, saisi neuf vedettes et un avion, arrêté quarante et un hommes d’équipage suspects et dix-huit individus qui transportaient des drogues dans nos eaux territoriales et à proximité.

            Bien que cette opération couvre les côtes de Ciego de Ávila jusqu’à Guantánamo au nord et de Granma jusqu’à Paso de los Vientos, dans la province de Guantánamo, au sud, nous avons détecté des opérations de largage de ballots dans la région occidentale, près du cap San Antonio, c’est‑à-dire dans le détroit de Yucatán.  Comme le colonel Oliverio vient de le signaler, les ballots de drogues, poussés par les courants, arrivent, mais dans une moindre proportion, jusqu’aux côtes nord et sud de la province de Pinar del Río.  Bref, on détecte des ballots sur pratiquement tout le territoire national.

            Ce qui explique les efforts que doit consentir notre pays, malgré ses ressources limitées, pour maintenir un dispositif général de lutte contre les drogues qui couvre l’ensemble du territoire, en plus du dispositif que nous avons perfectionné à l’occasion de l’opération Aché II dans la région orientale. Oui, ceci demande de grands efforts, reconnus par les autorités des États-Unis elles-mêmes dans le cadre de diverses rencontres.  Elles ont d’ailleurs reconnu le travail sérieux mené à Cuba non seulement par les troupes garde-côtes, mais aussi par tous les organes de lutte, y compris par les forces armées qui fournissent des moyens aériens destinés à soutenir l’opération du Paso de los Vientos et dans la région faisant l’objet de largage de ballots.

            L’augmentation des moyens d’intervention a entraîné une diminution des activités des trafiquants de drogues, aussi bien dans l’espace aérien de la région dont je viens de parler que dans les eaux territoriales de Cuba.

            Comme les trafiquants de drogues opèrent de la même manière que les trafiquants d’êtres humains et les terroristes et qu’ils ont les mêmes caractéristiques, nous échangeons un gros volume d’informations avec le Service des garde-côtes de Miami en ce qui concerne l’émigration illégale. Nous avons envoyé, au cours des dernières années, 970 télécopies et réalisé 28 appels téléphoniques, alors que nous avons reçu 463 télécopies et 19 appels.  Voilà un exemple de la volonté de Cuba de coopérer dans ce sens.

            Randy Alonso. Selon la déclaration du ministère des Relations extérieures, Jesse James Bell a été remis au gouvernement nord-américain à titre exceptionnel, après qu’il a été clairement établi qu’il n’avait participé à aucune activité illégale à Cuba même. Le Colombien Rafael Miguel Bustamante Bolaños a avoué, quant à lui,  avoir participé à plus de douze opérations de trafic de drogues.  Certaines personnes se demandent s’il a utilisé le territoire national pour cela. Je prierais le compañero Oliverio de nous donner une réponse concrète.

            Oliverio Montalvo. Oui, il a utilisé plusieurs pays.  Selon ce qu’on sait maintenant, son crime le plus grave est d’avoir organisé des opérations à partir de Cuba, ce qui est qualifié de grave par les lois cubaines.

            Randy Alonso. C’est donc là l’élément essentiel apporté par l’enquête.

            Oliverio Montalvo.- Exact.

            Randy Alonso.- Je vous remercie Oliverio de cet éclaircissement et je remercie aussi le général de ses commentaires.

(Projection de quelques vues.)

 

La déclaration du ministère des Relations extérieures fait état de la volonté du gouvernement cubain, en soumettant trois propositions d’accord aux Etats-Unis, d’engager une coopération en matière d’émigration, de trafic des drogues et de lutte contre le terrorisme.

Sur le plan concret du trafic des drogues, quelle a été la réponse des Etats-Unis à cette proposition de coopération ? On sait qu’il y a eu des tentatives, mais sans résultats, de discuter de cette question de la coopération au Congrès. Pouvez-nous dire, compañero Dausá, où en sont les choses actuellement ?

Rafael Dausá. Avec plaisir. La consommation et le trafic des drogues constituent assurément un des problèmes les plus sensibles pour n’importe quelle société, à plus forte raison pour la société nord-américaine, l’une des plus touchées par ce fléau. On a donc du mal à comprendre le manque de volonté politique de son gouvernement de coopérer sérieusement avec notre pays dans la lutte contre le trafic des drogues.

            Il faut savoir en effet que plus de 12 millions de Nord-Américains consomment régulièrement de la drogue, qu’on y compte plus de 5 millions de toxicomanes chroniques, que 52 000 personnes en meurent décès chaque année, que ce phénomène représente 110 milliards de dollars par an, que les deux tiers de la population carcérale, qui se monte à plus de 2 millions de prisonniers, sont liés directement ou indirectement au trafic des drogues.

            La position du gouvernement cubain, même avant le triomphe de la Révolution, a été très claire dans ce sens : au cours de toutes ces années, nos autorités ont réitéré à énormément de membres du Congrès, de personnalités et de fonctionnaires du gouvernement nord‑américain leur volonté de renforcer la coopération en matière de lutte contre le trafic des drogues.

            Les exemples ne manquent pas. La Déclaration du MINREX rappelle les conversations de 1999 entre Fidel et le sénateur républicain de Pennsylvanie, Arlen Specter. Or, qu’est-il arrrivé ? Ce sénateur a, deux années de suite, présenté au Congrès des projets de loi dans le sens d’une coopération, et, deux années de suite, la mafia anticubaine a manœuvré avec succès pour les éliminer. Ce n’est pas ça qui doit nous étonner : c’est une habitude. Chaque fois que quelqu’un introduit un projet relativement favorable à Cuba - non seulement le trafic des drogues, mais aussi l’allègement du blocus ou l'assouplissement général de la politique menée à l’égard de notre pays, nous voyons le même scénario se répéter : le projet  en question est approuvé par différentes instances, mais les adversaires de Cuba réussissent finalement à éliminer ce texte quand il passe devant la commission chargée de concilier les points de vue.

            Ainsi, en septembre 2001, Specter a introduit un amendement au Projet de loi d’allocations aux opérations extérieures des États-Unis, section 580, dans le but d’allouer 1,5 million de dollars à la coopération avec Cuba pour lutter contre le trafic des drogues.  Le Sénat a adopté ce projet de loi en séance plénière par  92 voix contre 2 voix. Pourtant, lorsqu’il est passé devant la commission de conciliation en vue d’harmoniser la version de la Chambre et celle du Sénat, les adversaires de Cuba, aidés par les leaders républicains, ont réussi à éliminer l’amendement de la version définitive qui est votée le 10 janvier 2002, mais sans l’amendement de  Specter, donc. Il s’était passé la même chose en 2000.

            Bref, malgré ces initiatives au Congrès et la volonté politique tant de fois réitérée de notre gouvernement de renforcer la coopération avec les États-Unis, la mafia anticubaine et les adversaires de Cuba sont encore capables de court-circuiter ces initiatives.

            Je voudrais abonder dans le sens du colonel Oliverio et du général Román au sujet de la position extrêmement claire de Cuba et de la Révolution cubaine sur ce point.

En juin 1999, des conversations ont eu lieu dans notre pays entre une délégation nord-américaine, formée de fonctionnaires du département d’État, du Service des garde‑côtes et de la Section d’intérêts à La Havane, et une délégation cubaine, composée de fonctionnaires des ministères des Relations extérieures et de l’Intérieur, dans le but d’analyser, en réponse à la volonté politique de notre pays, des mesures permettant de faire avancer la coopération dans la lutte contre le trafic des drogues.

Ces conversations ont abouti aux accords suivants :

En premier lieu, améliorer la communication bilatérale par l’installation d’une ligne téléphonique directe entre le septième district du Service des garde-côtes des États-Unis et la direction des troupes garde‑côtes de Cuba.

            En deuxième lieu, élargir les communications entre le Service des garde-côtes des États-Unis et les troupes garde‑frontières de Cuba par des transmissions directes bateau-bateau  ou avion-bateau, et directement entre les centres d’opérations.

            Il existe depuis à la Section d’intérêts des États-Unis à La Havane un fonctionnaire permanent du Service des garde-côtes chargé d’assurer la liaison avec sa contrepartie cubaine.

On a aussi décidé d’accroître les échanges d’expériences techniques concernant la détection de compartiments secrets utilisés pour transporter la drogue sur les navires, et ce à l’aide d’un appareil détecteur d’ions connu sous le nom d’Ionscan.

            Toutes ces propositions ont été acceptées sans soulever d’objections de la partie cubaine, même celles qui n’entraînaient pas une mesure de réciprocité : cette création d’un nouveau poste à la Section d’intérêts à La Havane ne voulait pas dire, en effet, que Cuba pourrait affecter un autre fonctionnaire à sa Section des intérêts à Washington.

            Toutes ces mesures ont été mises en pratique, sauf les communications directes bateau-bateau ou avion-bateau, mais  pour des raisons techniques.

            Autre preuve de bonne volonté cubaine : notre pays a accueilli,  les 9 et 10 novembre dernier, en coopération avec les Nations Unies, la Conférence régionale des Caraïbes pour le contrôle des drogues, à laquelle ont été invités tous les pays des Caraïbes, le Canada, certains pays européens et les États-Unis.

            Malheureusement, bien que des invitations officielles et individuelles aient été envoyées au chef du Service des garde-côtes des États-Unis, à l’administrateur de la DEA, au conseiller général de l’Office de politique nationale pour le contrôle des drogues et au Commissaire du Service des douanes des États-Unis, le département d’État a fait savoir qu’aucun Nord-Américain n’y participerait.

            On a du mal a comprendre ce deux poids deux mesures sur un sujet aussi sensible pour la société nord-américaine !

            Au sujet de cette extradition de Bell « à titre exceptionnel », cela s’explique par le fait que, malgré notre bonne volonté et notre disposition, il n’existe aucun accord concret de coopération entre Cuba et les États-Unis en matière de lutte contre le trafic des drogues. Ce qui fait beaucoup douter du sérieux et de l’engagement réel des États-Unis dans ce domaine.

            Que voyons-nous en fait dans la pratique ? Eh ! bien, le cas de Specter et bien d’autres prouvent que les intérêts bornés et illégitimes des adversaires de Cuba l’emportent sur les vrais intérêts du peuple nord-américain. Par ailleurs, participer à une conférence internationale dans notre pays pour renforcer la coopération aurait été très bénéfique aux autorités nord-américaines, à la société nord-américaine, car le gros de ces drogues ne part pas en Europe mais aux Etats-Unis où elles empoisonnent les enfants et les adolescents. Vrai, on a du mal à comprendre une position aussi inconséquente et aussi incohérente de la part de ce gouvernement !

            Cette morale à deux volets, cette politique de deux poids deux mesures concernent aussi, par exemple, les rapports écrits annuels dans lesquels ce même gouvernement qualifie les autres en matière de drogues. Je vais me borner à lire un passage très éclairant du rapport présenté en novembre 2001, concernant Cuba :

 

Sa position géographique, au beau milieu de l’une des routes principales du trafic des drogues à destination des États-Unis, fait de Cuba un bon candidat à figurer  sur la liste.

 

            La liste, c’est celles des pays que les USA considèrent comme les principaux producteurs et transitaires des drogues.

 

Bien que certains rapports anecdotiques aient fait état par le passé de ce que certains trafiquants utilisaient le territoire cubain pour faire passer des drogues, nous n’avons pas pu confirmer que ce trafic est responsable de l’arrivée aux États-Unis d’importants volumes de cocaïne ou d’héroïne.

 

Autrement dit, ils ne peuvent inventer ce qui n’existe pas.

 

Ces dernières années, le gros du trafic aérien suspect qui traversait auparavant l’espace aérien cubain a été détourné vers l’Hispaniola.

 

Et voilà maintenant la menace, la politique dure, la mesquinerie :

 

Cuba continuera de faire l’objet d’une observation rigoureuse pour détecter tout changement de ce modèle.  Au cas où il se confirmerait que de gros volumes de drogues transitent à travers le territoire cubain pour les États-Unis, Cuba sera ajoutée à la liste des plus gros producteurs de drogues illicites ou des pays dont le territoire sert de lieu de passage à ces drogues.

 

Comme on peut le constater, les États-Unis ne peuvent pas cacher que Cuba est un pays qui n’a rien à voir avec le trafic de stupéfiants ; n’empêche que la menace, la coercition et la rhétorique anticubaine sont toujours là, dans la perspective d’élections aux États-Unis.

            Pour confirmer la transparence et la validité de la position cubaine, je voudrais conclure sur les déclarations que le général Barry McCaffrey, l’ancien tsar de la drogue aux États-Unis, a faites  récemment au terme d’une visite réalisée à Cuba en compagnie d’universitaires.  Juste deux dépêches. La première est d’AP :

 

Lors d’une conférence de presse tenue à La Havane, le général McCaffrey a souligné que Cuba ne constituait pas une menace pour les États-Unis et il a exprimé son soutien à une coopération bilatérale accrue dans la lutte contre les drogues et contre le terrorisme.

Il a signalé que les Cubains ne facilitaient nullement le trafic des drogues.

l a d’ailleurs exprimé qu’il était fermement convaincu que Cuba était une île qui s’opposait au trafic des drogues.

 

La dépêche d’Univision  signalait :

 

            Cuba ne représente absolument aucun menace militaire.  Aucune évidence ne montre que Cuba facilite le trafic des drogues.  Je suis persuadé que Cuba est une île qui s’oppose fermement au trafic des drogues.

 

Voilà des déclarations faites les 3 et 4 mars dernier par l’ancien tsar de la drogue, un fonctionnaire réputé, un général qui a fait l’objet de grands honneurs aux États-Unis.

            La décision de notre gouvernement de présenter ces trois notes, à savoir la proposition d’accord en matière d’émigration, la proposition d’accord pour lutter contre le trafic illicite des drogues et le programme bilatéral de lutte contre le terrorisme montrent la cohérence de notre politique et la volonté du gouvernement cubain de lutter sérieusement et décidément contre ces graves problèmes qui touchent l’humanité.

Randy Alonso.  Cette rigueur de principes de Cuba explique la déclaration de Barry Mc Caffrey qui, je tiens à le rappeler, avait tenu des propos semblables en 1998, devant une commission du Congrès nord-américain, et qui avait été violemment pris à parti, de ce fait, par Ileana Ros, Lincoln Díaz-Balart et la faune anticubaine au Congrès. Et voilà qu’après une visite à Cuba, il réitère ses déclarations : Cuba est une île qui résiste au trafic des drogues. Merci beaucoup, Dausá.

 

(Projections d’images.)

 

La déclaration de notre ministre des Relations extérieures signale que les trois projets d’accord ont été soumis aux autorités nord‑américaines à plusieurs reprises, la dernière en date le 12 mars.

Compañero Ricardo Alarcón, vous les avez remis vous-même le 3 décembre dernier à la délégation nord-américaine qui participait aux conversations sur les accords migratoires.  Pouvez-vous, pour conclure notre table ronde, nous parler de leur importance ?

Ricardo Alarcón.- Avec plaisir Randy. Il faut dire que si nous avons présenté ces trois propositions d’accords ensemble, c’est bel et bien parce que ces trois thèmes sont indissolublement liés,  comme la communauté internationale l’a reconnu en se fondant sur la pratique.  La volonté réitérée de Cuba de parvenir à des accords bilatéraux avec les États-Unis n’est pas conjoncturelle.

Comme le signale la déclaration du MINREX, nous avons soumis un projet d’accord dès septembre 2000 ; puis, mais amplifié, le 11 décembre et encore fin juin 2001. De nouveau, le 3 décembre 2001. pour la quatrième fois donc. Il est donc vraiment curieux que la réponse de la délégation nord-américaine aux conservations migratoires ait été que ces accords ne s’inscrivaient pas dans leur cadre.

            Comment, diable ! un projet visant à combattre la traite d’êtres humains et l’encouragement à l’émigration illégale n’aurait-il donc rien à voir avec le problème migratoire ? Il n’a pas seulement à voir avec lui, il a à voir aussi avec le terrorisme et avec le trafic des drogues.

            Quand tu m’as invité à participer à cette table ronde, j’ai décidé d’apporter les notes que j’ai prises à cette réunion-là.  Je vais vous répéter en vitesse ce que les Nord-Américains ont entendu ici à La Havane le 3 décembre 2001 au sujet du rapport entre les trois questions.

            Je leur ai fait d’abord une petite chronologie. 25 janvier 1999 : la presse de Miami informe de l’arrestation de Juan Bautista Márquez, accusé d’avoir introduit 365 kg de cocaïne aux États-Unis et de conspirer pour en introduire 2 000 de plus.  Qui est ce Juan Bautista Márquez ?  Sa célébrité date de deux années auparavant, en juin 1997, quand il avait été arrêté à Porto Rico avec deux de ses acolytes de la Fondation nationale cubano-américaine et qu’il avait reconnu qu’ils se rendaient à l’île Margarita pour assassiner Fidel.

            Que pensez-vous qu’il lui est arrivé à Miami pour cette tentative d’assassinat d’un chef d’État ? Eh ! bien, il a été acquitté !

Il a donc repris son bateau, son fusil, et il a continué de pratiquer son autre métier, à savoir introduire de la cocaïne aux États-Unis.  Depuis, la presse de Miami n’a parle plus. Monsieur Márquez serait-il de nouveau en liberté ?  Se consacrerait-il de nouveau à la traite d’êtres humains, au trafic des drogues et au terrorisme ?  Dieu seul le sait. En tout cas, le rapport entre les trois questions est clair : quand la DEA l’a arrêté pour trafic des drogues, la presse a rappelé son arrestation pour tentative d’assassinat du compañero Fidel et son acquittement.

            2 septembre 1999. Mike Sheeny, chef de la Patrouille frontalière du sud de la Floride, déclare ce qui suit à la presse de Miami, faisant allusion aux trafiquants d’êtres humains : « Ces groupes de trafiquants sont bien organisés et savent comment opérer sans être repérés. Dans la plupart des cas, ils ont appris le métier dans le trafic des drogues. Ils ont des liens avec le trafic des stupéfiants. Les contrebandiers d’êtres humains font aussi office de contrebandiers des drogues. »  Je répète : Mike Sheenly, chef de la Patrouille frontalière au sud de la Floride, le 2 septembre 1999.

            Le 20 septembre de la même année, un haut fonctionnaire du gouvernement déclare à Washington : «La plupart de ceux qui font la traite d’êtres humains sans papiers font du trafic de drogues et sont protégés par leurs clients de Miami ». 

            Le 12 décembre 1999, Dan Groghegan, de la Patrouille frontalière des États-Unis, dit grosso modo la même chose.  Je ne sais pas si c’est le haut fonctionnaire en question, en tout cas il dit plus ou moins la même chose sur la liaison entre les deux facteurs.

            En décembre 1999, l’Agence centrale des renseignements des États-Unis publie une étude intitulée «Tendances globales à l’horizon 2015 », des prévisions sur le monde à venir d’où je tire les extraits suivants : « Le trafic d’immigrants est en train de devenir une importante menace à la sécurité nationale car il crée des alliances avec les trafiquants d’armes et de drogues et les personnes consacrées au blanchiment d’argent. »

            En juillet 2001, autre cas, analysé d’ailleurs à une table ronde : quelqu’un arrivé à Miami dans le cadre de la traite d’êtres humains, est enlevé. Les passeurs exigent de ses proches de Miami une grosse somme d’argent pour le relâcher et menacent même de le tuer. Une opération de la police permet de le libérer et d’arrêter les deux passeurs. Selon la presse de Miami du 18 juillet 2001, qui étaient ces deux contrebandiers ? Deux évadés condamnés pour trafic des drogues.  Voilà un autre exemple concret du lien entre le trafic des drogues, la traite d’êtres humains et le terrorisme parce que l’enlèvement et les menaces de mort sont aussi une modalité de terrorisme, de la même façon que le cas de Márquez et des attentats planifiés contre Fidel sont un autre exemple du lien entre la traite d’êtres humains et le terrorisme.

            Le 5 décembre 2001, le département d’État, ce même département selon lequel la question n’a rien à voir avec le thème de la réunion et nous demande de passer par une autre voie, fait divulguer par son service d’information publique un texte dont je vais lire l’extrait suivant : « Les liens entre le terrorisme et le trafic des drogues sont réels et croissants selon des fonctionnaires nord-américains actuels et anciens qui ont participé à un symposium spécial le 4 décembre au siège de la DEA.» 

Amusant, n’est-ce pas ! Au même moment où ils nous disaient,  ici, que les deux questions n’avaient rien à voir, ils en discutaient et ils en analysaient les rapports à Washington et ils publiaient les résultats de leurs analyses dans leur bulletin !

            Ce même jour, Asa Hutchinson, directeur de l’Agence antidrogues des États-Unis, la DEA, fait allusion «au lien extraordinairement fort entre les drogues et le terrorisme ».

            Fin 2001, le gouvernement des Etats-Unis publie un document officiel de Stratégie nationale de lutte contre les drogues, un organe fédéral qui analyse comment combattre le trafic des drogues du point de vue stratégique. J’en cite une seule phrase : «Ces trafiquants de drogues copient leurs opérations de celles du  terrorisme international. » 

            Le 27 novembre 2001, à la veille de la réunion que nous allions avoir à La Havane, le Haut commissaire des Nations Unies pour les droits de l’homme a lancé un appel spécial à la communauté internationale pour lui demander de coopérer aux efforts qu’elle se proposait de promouvoir pour combattre la traite des êtres humains : « La traite des êtres humains est étroitement liée à d’autres questions politiques sensibles telles que l’émigration irrégulière, le crime organisé à caractère international et la corruption du secteur public. »

            Finalement – c’est une chronologie rapide – le 14 décembre 2001, M. Pino Arlacchi, secrétaire général adjoint de l’ONU, qui a participé ici à la réunion des Caraïbes dont Dausá a parlé, a déclaré : « Terrorisme, crime organisé et drogues illicites sont étroitement liés. »

            Mais au cas où tout ceci ne serait pas suffisant, il y a quelque chose qui aurait dû faire sérieusement réfléchir la délégation nord-américaine lorsqu’elle est venue à La Havane en décembre. Ça.  (Il montre quelque chose.)  C’est une résolution du Conseil de sécurité des États-Unis, adoptée à l’unanimité le 28 septembre 2001.  Qui l’a rédigée ? Qui l’a présentée ? La délégation des États-Unis d’Amérique. Dans le cadre de leur prétendu combat contre le terrorisme, ils ont fait voter au Conseil de sécurité une résolution contenant certains points que je voudrais signaler.

            À la fin du préambule, avant la partie dispositive, on peut lire ceci : « Agissant en vertu du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies…»

            Tous ceux qui ont eu à voir peu ou prou avec les Nations Unies savent qu’il s’agit là d’une sorte de formule magique dont tout le monde  connaît le sens : elle veut dire que tout ce qui vient après est obligatoire et que le Conseil de sécurité peut même obliger les États à respecter ses décisions, y compris par des sanctions et l’emploi de la force militaire.

            Alors, qu’est-ce que le Conseil de sécurité, sur proposition des États-Unis, a-t-il décidé en vertu du Chapitre VII ?

 

2. Décide également que tous les États doivent :

 

a) S’abstenir d’apporter quelque forme d’appui que ce soit, actif ou passif, aux entités ou personnes impliquées dans des actes de terrorisme, notamment en réprimant le recrutement de membres de groupes terroristes et en mettant fin à l’approvisionnement en armes des terroristes ;

            b) Prendre les mesures voulues pour  empêcher que des actes de terrorisme ne soient commis…

c) Refuser de donner asile à ceux qui financent, organisent, appuient ou commettent des actes de terrorisme ou en recèlent les auteurs ;

d) Empêcher que ceux qui financent, organisent, facilitent ou commettent des actes de terrorisme n’utilisent leurs territoires respectifs pour commettre de tels actes contre d’autres États ou contre les citoyens de ces Etats ;

            e) Veiller a ce que toutes personnes qui participent au financement, à l’organisation, à la préparation ou à la perpétration d’actes de terrorisme ou qui y apportent un appui soient traduites en justice…

 

J’imagine qu’Orlando Bosch est allé se terrer en entendant ça, en entendant que le gouvernement qui l’a parrainé, qui l’a appuyé, allait faire tout ça !  Mais son vieux copain Otto Reich a dû sûrement lui téléphoner pour lui dire : « Mais non, mon vieux, tout ça c’est de la blague. Tout ça, c’est  pour la galerie, c’est pour donner l’impression au monde que nous sommes contre le terrorisme. Il n’y a pas d’autre moyen.» Parce qu’en fait, les administrations nord-américaines sont indissolublement liées au terrorisme international.

            Mais j’en reviens au texte du Conseil de sécurité, au texte nord-américain qui, au paragraphe 3, « demande à tous les États », entre autres :

 

c) De coopérer, en particulier dans le cadre d’accords et d’arrangements bilatéraux et multilatéraux afin de prévenir et de réprimer les actes de terrorisme et de prendre des mesures contre les auteurs de tels actes. 

 

Voilà le paragraphe 3.  Passons au  4 :

 

Note avec préoccupation les liens étroits existant entre le terrorisme international et la criminalité transnationale organisée, la drogue illicite, le blanchiment d’argent… et, à cet égard, souligne qu’il convient de renforcer la coordination des efforts accomplis aux échelons national, sous‑régional, régional et international afin de renforcer une action mondiale face à ce grave problème et à la lourde menace qu’il fait peser sur la sécurité internationale.

 

Voilà donc que nous avons reçu ici une délégation du gouvernement qui a présenté cette résolution, qui a dit à tous les États de la planète qu’elle était obligatoire et qu’il fallait faire ça !   Quatre jours avant la réunion, afin de leur mâcher la besogne, nous avons remis trois propositions en espagnol et en anglais aux représentants du gouvernement qui avait fait adopter la résolution en question, qui s’était prononcé contre le terrorisme, pour qu’ils fassent un petit geste de rien du tout, pour qu’ils agissent en conformité avec ce qu’ils sont obligés de respecter en vertu de la résolution qu’ils ont fait voter eux-mêmes en lui accolant cette phrase qui devient parfois une sorte de menace : « Agissant en vertu du Chapitre VII. »

            Soit dit en passant, la résolution a donné lieu à l’établissement d’un comité auquel il fallait rendre compte trois mois après.  Je n’ai pas vu le rapport nord-américain mais il serait amusant de voir ce qu’ils disent à propos du paragraphe qui établit l’obligation de parvenir à des accords bilatéraux et régionaux sur des sujets étroitement liés.

            Ils ont entre les mains, depuis maintenant trois mois, trois propositions, et certaines depuis deux ans !  Comme le dit le MINREX : la balle est dans leur camp. « Reste au gouvernement des États-Unis à prouver à son opinion publique et à l’opinion publique internationale qu’il est capable de se dissocier des intérêts dérisoires de petits groupes anticubains [« les clients de Miami » dont parlait ce haut fonctionnaire de Washington] et de défendre les vrais intérêts de son peuple.

Je dirais en plus que les États-Unis ont la chance de démontrer qu’il existe au moins un iota, un grain de sincérité dans leur rhétorique antiterroriste ou si tout cette rhétorique ne sert qu’à menacer la paix mondiale, à agresser les États sans défense et pauvres et à continuer à protéger en même temps leurs copains terroristes, qui sont en même temps des passeurs d’êtres humains et qui sont en même temps des passeurs de drogues aux États-Unis.

            Depuis la naissance même de la Révolution, Cuba a lutté contre tous ces fléaux.  Nous avons renversé une dictature terroriste imposée par les Yankees, une dictature terroriste et trafiquant de drogues.

            Randy Alonso. Qui a permis un grand trafic de drogues ici.

            Ricardo Alarcón. Moi, en tant que Cubain, je dois avouer franchement que mon seul sentiment de culpabilité envers les Nord-Américains, c’est qu’au triomphe de la Révolution, les trafiquants de drogues cubains, les sbires de la police de Batista qui contrôlaient la drogue et la prostitution à La Havane, sont partis pour Miami en emportant avec eux ces deux fléaux.  Dès leur arrivée aux États-Unis, ces trafiquants se sont alliés au gouvernement qui les a soutenus jour et nuit pendant quarante-trois ans.  Mais il est temps que les États-Unis donnent au peuple nord-américain, à l’opinion publique internationale et à la communauté internationale une réponse conforme à la résolution qu’ils ont fait voter et qui est obligatoire !

            Pour notre part, je crois que nous avons rempli un devoir moral et politique, tout à fait conforme aux principes de notre patrie, à la politique et à la pratique suivies par rapport à ces fléaux, en faisant ce qu’il nous semble indispensable. Parce que si on empêche les Nord-Américains de savoir ce qu’il se passe, alors ces voyous de l’administration pourront s’en tirer, feindre des positions antiterroristes et continuer de picoler à Miami avec leurs amis terroristes, continuer de protéger Posada Carriles, continuer de protéger Bosch, de continuer de faire ce qu’ils font, puisqu’ils sont même capables de nommer un secrétaire adjoint qui a poussé sur ce fumier terroriste !

            Il est important que l’opinion publique mondiale et nord‑américaine le sache : nous agissons avec modération, avec prudence ; ça fait des années que nous les exhortons, que nous essayons de les persuader d’adopter la position qu’ils auraient dû adopter, et ça fait aussi des mois que nous leur avons soumis des propositions concrètes et que nous les avons réitérées. Si nous n’essayons pas de le faire savoir au monde, alors ils pourraient maintenir plus facilement cette morale à deux vitesses.  La balle est dans leur camp. Qu’ils la renvoient !

            Randy Alonso. Merci beaucoup Alarcón de votre déclaration.  Je crois qu’elle reflète la position adoptée par Cuba depuis toujours et qui s’est renforcée depuis le 11 septembre à la suite de cette prétendue «croisade mondiale contre le terrorisme ». Les pas concrets faits par notre pays qui a signé douze conventions internationales contre le terrorisme et les propositions concrètes soumises aux États-Unis démontrent à la communauté internationale la volonté du gouvernement cubain et du peuple cubain. Comme le dit la déclaration du MINREX : la balle est dans le camp des États‑Unis.

            Je remercie les compañeros qui m’ont accompagné cet après-midi et les invités.

            Compatriotes,

            Cuba a démontré une fois de plus la rigueur de ses principes,  la transparence de sa Révolution et sa ferme volonté de faire face aux graves fléaux qui affligent l’humanité, entre autres l’émigration illégale, le trafic des drogues et le terrorisme. Cette volonté apparaît au plein jour dans les faits que décrit la déclaration du ministère des Relations extérieures, ainsi que dans les importantes propositions d’accord en matière d’émigration, de lutte contre le trafic des drogues et contre le terrorisme soumises par le gouvernement cubain aux autorités des États-Unis.

            Avant de conclure, je voudrais relire la dernière partie de la déclaration du MINREX :

 

Le ministère des Relations extérieures, compte tenu des avantages mutuels que signifieraient ces accords sur l’émigration, sur la lutte contre le trafic des drogues et sur l’affrontement au terrorisme, ratifie que le gouvernement cubain est pleinement disposé à négocier et à souscrire lesdits accords avec le gouvernement des Etats-Unis.

L’administration nord-américaine a maintenant l’occasion de prouver qu’elle est vraiment disposée à assumer avec sérieux et sans deux poids deux mesures la lutte contre ces graves fléaux de l’humanité.

Reste au gouvernement des États-Unis à prouver à son opinion publique et à l’opinion publique internationale qu’il est capable de se dissocier des intérêts dérisoires de petits groupes anticubains et de défendre les vrais intérêts de son peuple.

La balle est dans le camp des Etats-Unis.

 

            Bonsoir à tous.