Table ronde « Qui sont les vrais terroristes ? », studios de la Télévison cubaine, 23 mai 2002.

 

Randy Alonso. Bonjour, chers téléspectateurs et auditeurs.

         Le peuple cubain a souffert pendant plus de quarante ans l’agression terroriste des différentes administrations nord-américaines qui ont causé la mort et la destruction dans notre pays.

         Nous poursuivons aujourd’hui notre table ronde : Qui sont les vrais terroristes ? Les intervenants seront Reinaldo Taladrid, journaliste du Système d’information de la Télévision cubaine ; Manuel Hevia et José Luis Méndez,, directeur  et chercheur, respectivement, du Centre de recherche historique de la Sécurité de l’Etat ; Rogelio Polanco, directeur du journal Juventud Rebelde ; Jorge Ovies, directeur de l’Institut de recherche phytosanitaire ; Arleen Rodríguez Derivet, rédacteur en chef de la revue Tricontinental ; Lázaro Barredo et Renato Recio, journalistes de Trabajadores.

         Les invités sont des travailleurs du Groupe d’entreprises du ciment et du verre, rattaché au ministère de l’Industrie lourde, de la direction d’Immigration du ministère de l’Intérieur et du ministère de l’Informatique et des communications.

         (Vidéo sur des agressions terroristes à Cuba.)

         Comme le disait hier l’éditorial du journal Granma, le peuple cubain est lancé dans une grande bataille d’idées : nous démolirons un par un les mensonges proférés par l’administration nord-américaine qui a soulevé ces dernières semaines le lièvre du « bioterrorisme » et accusé Cuba d’être une nation terroriste, et dont le président a proféré des menaces dans ses deux allocutions du 20 mai.

         Notre table ronde d’hier, analysant la liste des Etats terroristes dressée par les USA, se demandait : Qui sont les vrais terroristes ? et faisait un bilan des innombrables agressions et actions terroristes commises par les administrations nord-américaines contre le peuple cubain.

         Nous avons analysé le cours des événements depuis les premiers jours de 1959, l’invasion de Playa Girón, qui a été la première défaite de l’impérialisme nord-américain en Amérique latine, les bandes armées qui ont causé plus de cinq cents morts et bien des douleurs à notre peuple, ainsi que de nombreux autres plans peaufinés par les USA contre Cuba.

         La baie des Cochons a été un grand revers pour les gouvernements nord-américains, ce qui explique pourquoi ils ont aussitôt élucubré de nouveaux plans contre la Révolution cubaine. Entre autres, l’opération Mangouste, qui  est un chapitre important de cette agression permanente des USA, et qui visait à créer des prétextes pour envahir Cuba. Manuel Hevia nous rappelle ce chapitre de la sinistre histoire terroriste écrite par les administrations nord-américaines.

         Manuel Hevia.  L’opération Mangouste a constitué sans aucun doute une question obscure dans l’histoire des renseignements nord-américains, au point qu’elle continue de rester top secret tant d’années après – elle commence fin 1961 et se termine fin 1962 – et que la carence de documents sur son vrai impact à Cuba a poussé certains à la minimiser, à en réduire la portée et à la borner à quelques actions terroristes.

         Or, l’opération Mangouste a constitué en quelque sorte un vrai Playa Girón qui a soumis notre pays à une activité subversive sans précédent par son intensité et son agressivité et qui a duré, je l’ai dit, non seulement toute l’année 1962, mais encore une partie de 1963.

         Lors de la conférence « Girón quarante an après » organisée dans notre pays l’an dernier, en présence de chercheurs, d’universitaires, de conseillers et de militaires de l’administration d’alors, un fonctionnaire de la CIA a reconnu avec beaucoup de sérieux avoir agi dans le cadre de l’opération Mangouste sous les ordres directs du gouvernement nord-américain.

         Cette opération est un exemple de la doctrine nord-américaine en matière d’action secrètes et une preuve de sa politique terroriste d’Etat qui a été, comme nous le savons tous, au cœur même de sa politique anticubaine depuis 1959.

         Pour résumer, l’opération Mangouste, terrorisme d’Etat, je le répète, mise au point quelques mois après la défaite de Playa Girón, visait non seulement à déstabiliser Cuba, mais surtout à créer les conditions d’une intervention militaire directe.

         Assoiffé de vengeance devant sa première grande défaite en Amérique latine, l’administration nord-américaine a voulu nous faire payer le prix de cette défaite en renforçant son appareil de renseignements et de subversion contre Cuba, dans le droit fil de la politique suivie depuis 1959. L’opération Mangouste, qui a été par son ampleur le plus grand programme secret des USA dans les années 60 dans le monde, visait avant tout à déclencher des soulèvement de groupes contre-révolutionnaires dans notre pays et une insurrection armée qui faciliterait l’intervention des forces armées nord-américaines.

         Bien entendu, nous avons connu ces objectifs secrets bien des années après, compte tenu de son caractère secret, clandestin.

         Comment nos autorités s’en sont-elles rendues compte ? L’année 1962 s’était caractérisée en particulier par une activité subversive intense, ce qui n’était ni fortuit ni spontané : on voyait se multiplier les bandes armées contre-révolutionnaires qui commettaient des crimes horribles ; l’ennemi tentait d’introduire des tonnes d’explosifs et d’armements à travers nos côtes ; de nombreux commandos d’infiltration étaient arrêtés en provenance des USA ; les attaques de vedettes pirates se poursuivaient ; les réseaux d’espions recrutés par les services de renseignements nord-américains se multipliaient ; les organes de la sécurité de l’Etat constataient que les espions sous bonne surveillance ne cessaient de chercher des informations politiques, militaires et économiques ; le terrorisme et les sabotages contre l’économe sucrière et les services redoublaient ; les actions terroristes contre des cibles cubaines à l’étranger ou contre des cibles de pays faisant du commerce avec Cuba se multipliaient ; les radios pirates redoublaient leur propagande subversive.

         Tout ceci indiquait l’existence d’un projet subversif bien articulé et soutenu par de nombreuses ressources économiques. Et c’est à cela que notre peuple a dû faire face en 1962.

         L’opération Mangouste a cessé, non parce que l’administration nord-américaine y a mis fin après la crise des Missiles – c’est un mensonge de dire ça –  mais parce qu’elle a été liquidée comme opération subversive par notre peuple, même si celui-ci ne connaissait pas ce nom de baptême…

         Le coordinateur de l’opération Mangouste, nommé fin 1961, était Edward Landsdale, un général d’aviation, spécialiste du contre-espionnage, qui avait remporté quelques « succès militaires », pour ainsi dire, en Indochine. Mais le responsable suprême de cette opération, du fait de son importance politique et stratégique, était en fait un Groupe spécial dirigé par l’Attorney General, Robert Kennedy, et constitué d’autres représentants d’agences gouvernementales comme le département de la Défense, le département d’Etat, l’USIS, qui était l’Agence d’information des USA, et bien entendu des services de renseignements.  Mission :  liquider la Révolution cubaine.

         Comment ? Par trente-trois « tâches » différentes : de caractère organisationnel, politiques, guerre économique, opérations psychologiques, espionnages, actions concrètes, comment on a pu le savoir bien des années une fois les documents pertinents déclassifiés.

         L’opération Mangouste, connue aussi comme projet Cuba, établissait un échéancier d’exécution :

 

-       Mars 1962 : début des opérations.

-       Avril-mai : renforcement des activités clandestines dans le pays (autrement dit, recrutement de nouveaux groupes, constitution de nouvelles organisations contre-révolutionnaires).

-       1er août : mise en marche des actions (autrement dit terrorisme, sabotages, attentats, infiltrations).

-       Août-septembre : recrudescence des actions.

-       Octobre : soulèvement généralisé.

-       Fin octobre : constitution d’un nouveau gouvernement (conforme aux intérêts nord-américains, bien entendu).

 

L’un des objectifs de l’administration nord-américaine dans le cadre de l’opération Mangouste était avant tout de reconstituer les organisations contre-révolutionnaires qui avaient été pratiquement liquidées au moment de Playa Girón.

Ensuite, de relancer les bandes d’insurgés contre-révolutionnaires dans tout le pays. Et ce travail a été fait, comme le prouvent les plus de mille bandits soulevés en 1962, surtout dans l’Escambray et dans la province de Matanzas, bien que les bandes aient fini par exister dans tout le pays.

Et ce banditisme a provoqué, rien qu’en 1962, la mort de quatre-vingt-deux personnes, des centaines de blessés et de mutilés, sans parler des dizaines de soldats tués ou bien souvent massacrés dans des embuscades. On peut aussi dénombrer : trente logements paysans incendiés ; quarante et une écoles rurales totalement détruites ;  douze fermes du peuple ;  quatorze magasins ruraux ; dix-neuf entrepôts ; mitraillage de vingt transports en commun, selon une manière de faire habituelle de ces bandits, depuis la route, camouflés dans les broussailles. Il s’agissait bien souvent de cars pleins de travailleurs allant au travail ou en revenant. Et ce genre d’actions lâches, misérables, a coûté la vie d’innocents, de travailleurs, et même d’enfants. A quoi il faut ajouter des milliers d’incendies de plantations de cannes à sucre. Il est difficile de dresser un bilan exact. Que cela serve en tout cas à prouver qu’on ne peut minimiser si facilement cette opération Mangouste.

Autre objectif : création de structures d’espionnage. L’ennemi avait constaté que l’idéal était de créer des réseaux d’agents qui lui répondraient directement et qui agiraient en fonction de ses intérêts stratégiques. Ce qui explique le renforcement de la station CIA de Miami, nommée JM/WAVE, qui a constitué dès lors la plus grande station jamais créée par la CIA dans le monde, qui était appelée à jouer un rôle important dans le cadre de Mangouste et qui disposerait dès 1962 – elle existera jusqu’en 1967 –  d’un budget annuel de cinq cent millions de dollars.

Rien qu’en 1962, la Sécurité de l’Etat a dû faire face à plus d’une cinquantaine de cas d’espionnage et à une quarantaine d’infiltrations de commandos dotés d’armes et d’explosifs, envoyés par le gouvernement nord-américain en vue de semer la terreur et le chaos. Inutile de dire que le fantôme de Mangouste continue de nous hanter, car nous devons toujours faire face à ce genre d’opérations.

Autre objectif : les sabotages. Rien qu’en 1962, on a dénombré plus de six cents sabotages contre des cibles économiques importantes, sur un total de 5 060 actions terroristes.

Bien entendu, Mangouste visait aussi Fidel, qui a d’ailleurs été une des cibles prioritaires. Ce qui est l’expression la plus cynique de cette politique et la preuve la plus évidente de l’échec des plans agressifs contre Cuba. Nous possédons des preuves de nombreux plans d’attentats criminels contre Fidel en 1962 dans lesquels ont été impliqués les principaux services de renseignements nord-américains.

Rappelons-nous que ceux-ci étaient déjà entrés en contact avec la mafia pour assassiner des dirigeants cubains, en particulier Fidel. Huit de ces plans – mais il y en a bien plus – ont été décrits par la Commission Church dans son rapport de 1975 sur la participation des services secrets des USA à des plans d’assassinat de chefs d’Etat étrangers.

Le général Lansdale a proposé au Groupe spécial élargi du Conseil de sécurité national quatre variantes à utiliser contre Cuba, dont l’intervention militaire directe après une provocation qui servirait de prétexte aux yeux de l’opinion publique.

Bien que Kennedy n’ait pas approuvé au départ cette variante directe, on a toutefois ajouté à la variante d’intervention militaire le terme d’« élargie » en vue d’inclure « l’utilisation des forces armées quand cela conviendrait aux intérêts de l’administration ».

         Ainsi donc, dès 1962, même pas un an après Playa Girón, les plans d’invasion militaire de Cuba étaient devenus une menace réelle et imminente.

         Quand on associe cette variante « élargie »aux différentes phases prévues pour Mangouste, on tire la conclusion que l’invasion militaire devait se dérouler en octobre 1962. retenez bien cette date parce qu’elle est importante. En effet, voilà quelques années, le gouvernement nord-américain a déclassifié un certain nombre de documents ayant à voir avec cette opération, entre autres un document intitulé : « Prétextes permettant de justifier l’intervention militaire des Etats-Unis à Cuba ».

         Je vais me borner à lire quelques passages d’un article paru dans une revue nord-américaine et rédigé à partir de ces documents déclassifiés, afin que vous puissiez constater comment peut agir un gouvernement comme celui des USA qui, quarante ans après, prétend se présenter en champion mondial de la lutte contre le terrorisme !

         L’article d’U.S. News and World Report, du 8 octobre 1998, s’intitule : “Que n’avons-nous pas fait pour nous débarrasser de Castro ? » Partant d’un mémorandum adressé par le chef de l’Etat-major interarmes, le 11 avril 1962, à Robert McManara, secrétaire de la Défense, il cite différents prétextes : « Simuler une attaque de la base navale de Guantánamo en utilisant des Cubains [de Miami, bien entendu] qui se feraient passer pour des attaquants, qui lanceraient des obus de mortier, détruiraient des avions, des installations, avant d’être capturés. » Evidemment, les USA contre-attaqueraient aussitôt.

         Autre prétexte : « Faire exploser un bateau sans équipage près d’une ville cubaine importante. Les Nord-Américains simuleraient un sauvetage du prétendu équipage, on publierait la liste des victimes dans la presse, ce qui soulèverait l’indignation de l’opinion publique nationale. »

         Ou encore : « Couler un bateau chargé de Cubains se dirigeant vers la Floride. » Selon ce projet, cela pouvait être vrai ou simulé. Peu importe les victimes en cas de variante réelle, si cela permettait d’en rendre Cuba responsable.

         « Introduire des armes dans un pays antillais et dépêcher des avions peints comme des Mig cubains, pour donner l’apparence d’une subversion soutenue par Castro. »

         « Faire exploser un avion nord-américain sans équipage ni passagers, publier une fausse liste de passagers et accuser Cuba de l’attaque. »

         Même si ces plans n’ont jamais été mis en pratique, ils n’en prouvent pas moins l’impatience du Pentagone et sa volonté de déclencher une invasion directe.

         Ces prétextes se passent de commentaires. Ils semblent tirer d’un livre d’horreur ou de science-fiction.

         C’est le 22 octobre 1962 qu’éclate la crise des Missiles, un événement historique qui est indissolublement lié à la chaîne d’agressions commencées en 1959, en passant par Playa Girón et par Mangouste.

         La crise des Missiles fait pièce à une invasion militaire directe des USA, prévue dans le cadre de l’opération Mangouste bien avant les accords passés entre Cuba et l’URSS en vue d’installer des fusées dans notre pays.

         Toujours est-il que le danger de destruction auquel paraît la crise des Missiles avait débuté pour Cuba bien avant, dès 1959, qui marque le début de la sale guerre des USA contre notre peuple.

         Pour conclure, je voudrais dire que Mangouste – et c’en est sans doute la principale leçon – donnerait naissance, des années après, aux agents à gage chargés de recourir au terrorisme, à l’assassinat politique, au trafic des armes, impliqués dans les scandales Watergate et Iran-Contra, aux mercenaires cubains ayant opéré en Afrique, en Asie, en Amérique latine, aux meneurs de la Fondation nationale cubano-américaine, des gens qui feront dès lors du terrorisme un négoce et un moyen d’enrichissement.

         Les modalités de Mangouste se retrouvent encore, d’une façon directe et claire, dans la loi Helms-Burton qui autorise la subversion contre Cuba.

         L’opération terroriste Mangouste, de 1962, née des instincts les plus abominables de nos ennemis, vit toujours au cœur même de la politique agressive de l’administration nord-américaine.

         Randy Alonso.  Une fois passés l’opération Mangouste et la crise des Missiles, les USA ont recouru au thème de l’émigration comme instrument politique d’agression.

         Rogelio Polanco nous parle de l’opération Peter Pan et de l’adoption par les USA de la loi d’Ajustement cubain.

         Rogelio Polanco.  Oui, une autre opération terroriste en parallèle à Mangouste. Non contents d’introduire des armes et de provoquer la mort de nos concitoyens, de nos enfants, ils ont répandu la rumeur infâme que le Gouvernement révolutionnaire allait enlever l’autorité paternelle aux parents. C’est là un des chapitres les plus sordides de la campagne de mensonges, de calomnies, d’infamies contre Cuba, l’un, aussi, des plus immoraux, des plus inhumains, parce qu’il concernait des milliers d’enfants.

         C’est à la fin de 1960 que les ennemis de la Révolution ont mis en marche ce nouveau plan de guerre et de terreur psychologique en lançant un fausse loi selon laquelle les parents seraient privés de toute autorité paternelle. Elle a été lancée par la CIA le 26 décembre 1960 en coordination étroite avec la hiérarchie catholique et avec des organisations contre-révolutionnaires de l’île.

         C’est ainsi que plus de quatorze mille enfants ont été séparés de leurs parents et envoyés aux USA dans des internats, des maisons de corrections, des orphelinats, des camps, ou alors adoptés par des familles qu’ils ne connaissaient pas. Ils ont quasiment été séquestrés, après que leurs parents ont fait l’objet de ce chantage psychologique pour qu’ils se séparent de leurs enfants, censément pour les « sauver du communisme». Quelque chose de vraiment monstrueux, qui a causé de la douleur, de la souffrance à des milliers d’enfants, mais aussi à leurs parents et à leurs familles. Beaucoup sont restés séparés pendant des années, et certains ne se sont même plus revus.

         Certains de ces enfants ont été victimes d’abus, même d’abus sexuels, ce dont attestent de nombreux témoignages. Ces enfants ont subi un vrai dommage moral, psychologique, spirituel et physique, et les auteurs de ce crime devront un jour leur demander pardon, ainsi qu’au peuple cubain.

         Et tout ceci à partir d’un mensonge abominable. Qui impliquait aussi que la Révolution interdirait aux familles de partir avec leurs enfants. Et c’est pour que nul n’oublie cette histoire sordide qu’une maison d’édition cubaine a publié, pendant la bataille pour le retour d’Elián, ce livre intitulé Opération Peter Pan, un cas de guerre psychologique contre Cuba, qui dénonce par leur nom les vrais auteurs de cette action terroriste, depuis des fonctionnaires et agents de la CIA, des fonctionnaires publics nord-américains, des organisations terroristes dans notre pays, des prêtre phalangistes, jusqu’à des ambassades étrangères et des radios subversives qui ont diffusé ces mensonges.

         On a raconté beaucoup de mensonges autour de cette opération, certains ont voulu en faire l’apologie, tenter d’occulter les faits, de les manipuler. Pour l’instant, le gouvernement nord-américain n’a déclassifié aucun document sur ce point, si bien que cette opération criminelle baigne encore dans le secret.

         Dans son discours de Miami, Bush a présenté l’un des secrétaire du gouvernement, un Cubain, Mel Martínez, comme un « diplômé » de Peter Pan, cette façon cavalière de voir les choses prétendant idéaliser une opération foncièrement immonde. Et quand on veut idéaliser, on passe sous silence les dommages psychologiques dont ont souffert les enfants victimes. Ecoutons donc ce que nous dit ce livre :

 

         Les principaux problèmes dont ont souffert les petits Cubains ont été, entre autres, une alimentation inadéquate, l’existence de gangs dans les centres d’accueil et dans les camps, l’utilisation des punitions corporelles, l’obligation de faire des tâches soit humiliantes soit inhabituelles, mais toujours considérées comme serviles du fait qu’ils se sentaient exploités par leurs tuteurs ou leurs professeurs ; la différence de langues, de coutumes et de cultures auxquelles ils durent face brusquement ; le sentiment de solitude et d’abandon chez la quasi-totalité de ces mineurs.

 

         Le docteur Lourdes Rodríguez, psychologue clinique au Simmons College de Boston, elle-même fillette Peter Pan, estime que les enfants ont dû payer très cher l’expérience : « J’ai senti depuis très longtemps que toute cette opération est grandement contestable du point de vue moral… L’opération Peter Pan n’a été rien d’autre qu’un abus massif d’enfants commis par le gouvernement des Etats-Unis. Il est temps de cesser d’idéaliser cet horrible chapitre de l’histoire cubano-américaine. »

         Cette opération Peter Pan a fait partie de la tentative d’utiliser l’immigration comme une arme pour détruire la Révolution cubaine. Il n’est donc pas étonnant que l’un de ses principaux exécutants, Mgr Bryan O. Walsh, qui apparaît dans tous les documents, ait joué un rôle clef dans la rédaction et l’adoption de la loi d’Ajustement cubain, assassine et terroriste, dont notre peuple a souffert toutes ces années-ci.

         Adoptée le 2 novembre 1966, cette loi ne faisait que légaliser la façon dont les Etats-Unis accueillaient tout Cuba qui arriverait illégalement à compter du 1er janvier 1959. Mais elle a été rédigée aussi pour garantir la résidence légale et le droit de travail en tout premier lieu aux batistiens : en effet, c’est une loi rétroactive. Il suffit que vous soyez arrivés aux Etats-Unis à compter du 1er janvier 1959, ce qui est une aberration légale. C’est aussi un net avantage par rapport à tous les autres émigrants d’autres nationalités. D’ailleurs, pour Cuba, la terminologie est modifiée : les Cubains ne sont pas des émigrants, mais des exilés ; les Cubains n’émigrent pas, ils fuient. Les Cubains sont reçus à bras ouverts, les autres Latino-Américains, eux, on les expulse, voire on les tue.

         C’est justement la Révolution, au milieu des fortes tensions et des conflits provoqués par la question de l’émigration, qui a permis la signature d’accords portant sur l’émigration légale, dans l’ordre, aux Etats-Unis, même si le gouvernement de ce pays les a violés très souvent.

         Ainsi donc, après avoir écouté à ces mêmes tables rondes tant de témoignages de mères pleurant la mort de leurs enfants, ou d’enfants lancés par des parents irresponsables dans ces traversées, de familles divisées, ou de témoignages portant sur des frères dévorés par des requins, ou quand nous nous souvenons de ces trente personnes mortes en pleine mer, ou le cas de ce petit Cubain séquestré, nous avons le droit de nous demander si ce n’est pas du terrorisme que de maintenir une loi qui cause la mort de Cubains, surtout de femmes et d’enfants ; si ce n’est pas du terrorisme que d’être si tolérant envers les trafiquants de vies, pis encore de leur assurer l’impunité,  surtout quand on sait, comme les chiffres l’indiquent, que plus de 90 p. 100 des Cubains émigrant illégalement le font aujourd’hui à bord des bateaux de ces trafiquants qui sont en plus des trafiquants de drogues et d’armes ; si ce n’est pas du terrorisme que de refuser de signer avec notre pays un accord intégral sur la question migratoire et d’informer les familles et le peuple cubain du sort des personnes ; si ce n’est du terrorisme que, loin de restreindre et de déroger cette loi, de donner toujours plus de privilèges à ceux qui arrivent de Cuba, et ce sous la pression de la mafia et du fait de la conduite vénale de certains fonctionnaires nord-américains.

         De quelle autorité morale l’administration nord-américaine peut-elle se targuer dans sa lutte contre le terrorisme quand elle agit de la sorte ? Quand elle continue d’envoyer des Cubains à une mort cruelle et injustifiable, à plus forte raison quand il s’agit d’enfants ? Ne faudrait-il pas les inscrire eux aussi sur une liste, ceux qui ne font rien, au contraire, pour faire cesser la douleur des familles cubaines, ne faudrait-il pas les juger comme fauteurs de toutes ces souffrances ?

         Randy Alonso.  Rien de mieux, en l’occurrence, que d’écouter le témoignage dramatique donnée par la jeune Ivette Vega devant le Tribunal international Femmes contre le blocus :

 

         Ivette Vega.  Je viens apporter un témoignage que beaucoup d’autres familles cubaines pourraient apporter.

En 1960, après avoir accueilli les sbires de la tyrannie de Batista qui s’étaient enrichis en puisant dans le trésor public et après avoir stimulé le départ de spécialistes, pour la plupart des médecins, les Etats-Unis ont commencé à stimuler d’autres genres de départs illégaux sous le nom d’opération Peter Pan.

Bien que selon des documents déclassifiés de la CIA, cette opération ait pris fin avant 1970, des recherches postérieures indiquent qu’elle s’est prolongée au moins jusqu’en 1972.

Mon frère a été une victime de cette opération. Même s’il ne le juge pas comme ça : il croit encore qu’il a été trompé par mes parents qui l’ont fait partir de Cuba, via l’Espagne, en mai 1970, dans le but de nous retrouver ensuite tous ensemble. J’étais toute petite á l’époque et je ne pouvais pas comprendre ce qu’il se passait dans ma famille, et il reste encore bien des choses à éclaircir, bien des conversations à avoir, bien des questions à évoquer. Heureusement, grâce à l’éducation de respect et de solidarité que j’ai reçue en premier lieu de ma famille, grâce au niveau de scolarité que j’ai atteint par la Révolution et l’instruction politique que j’aie obtenue en vivant ici, je peux comprendre maintenant bien des choses, et même peut-être plus que ce que mes parents ont pu comprendre au moment où ils ont pris la décision de faire partie mon frère.

Ce que mon frère a vécu toutes ces années-ci est une longue histoire. Il suffit de dire qu’il n’est en bonne santé et qu’il n’est pas totalement heureux, et peut-être ne le sera-t-il jamais.

Mon frère n’a plus eu de contact avec sa famille entre 1970 et 1991, où ma mère a pu voyager pour la première fois et le voir. En 1993, mes deux parents lui ont rendu visite ensemble. Quand ils ont constaté sa mauvaise santé et ses conditions de vie, ils ont décidé de partager la responsabilité qu’ils avaient réprimée en quelques sorte pendant tant d’années au sujet de son éducation, et lui il a décidé de partager sa vie avec nous. Ma maman a décidé de rester aux Etats-Unis et mon père de rentrer près de moi, pour que nous puissions partager leur présence.

En fait, ça a été une vaine tentative d’accepter son désir d’être avec nous, parce que ma maman et mon papa constituent un couple très consolidé et la séparation a été pour eux vraiment très difficile.

En 1995, mon frère l’ayant réclamé, mon père est parti définitivement du pays. Ils vivent tous les trois ensemble, maintenant.

En 1999, quand j’ai appris que mon papa avait un cancer, je suis allé à la Section d’intérêts des Etats-Unis demander un permis de séjour temporaire pour rendre visite à ma famille et les retrouver au moins une fois, pendant que tout le monde était encore en vie. J’ai présenté un certificat de l’hôpital où mon père recevait un traitement, j’ai répondu par la vérité à toutes les questions qu’il faut remplir dans le formulaire que cette Section donne à tous ceux qui veulent émigrer à titre provisoire, et elle m’a refusé le visa. On m’a remis une lettre faussement personnelle où l’on me disait que mon cas avait été analysé avec soin. Et je dis « faussement personnelle » parce que c’est la même qu’on remet à tous les gens dans ce cas.

Si j’avais tenté de partir illégalement de Cuba, alors, ce même gouvernement des Etats-Unis m’aurait accueillie à bras ouverts.

On m’a dit que j’étais une émigrante définitive potentielle parce que toute ma famille était là et que je risquais donc de ne jamais pouvoir aller aux Etats-Unis. Ils ignorent que j’ai un fils, ils méconnaissent absolument qui je suis ; ils ignorent que j’ai choisi librement de vivre à Cuba, ce qui ne m’empêche pas de ressentir un amour immense pour ma famille, d’autant que j’ai le droit, comme tout être humain, de lui rendre visite et de l’accompagner à des moments difficiles.

Mes parents viennent juste de comprendre que cette histoire est vraie, parce qu’il y a beaucoup de manipulation dans toutes ces situations.

Bien des personnes sont sorties comme moi de cette Section d’intérêts avec les mêmes sentiments que moi, de mauvais traitement, d’humiliation, de déni de mes droits et même des accords légaux en vigueur entre nos deux gouvernements.

Je me demande comment un pays qui se dit démocratique peut me refuser le droit de rendre visite à ma famille pour la simple raison – et c’est pour moi très clair – que je suis révolutionnaire ! Comment ne comprend-il pas que les liens d’amour sont plus forts que tout le reste, et que mes parents et moi nous avons été capables de respecter nos convictions mutuelles et de vivre dans le respect et l’amour malgré la séparation ?

Peut-être devrais-je ajourner pour quelque temps ou pour toujours la possibilité d’embrasser ma famille, mais je pense que ce que je viens de faire sert à frayer des voies, pour que mon fils aie un jour l’occasion, pour que d’autres personnes ne souffrent pas ce que nous souffrons quand nous allons à la Section d’intérêts pour nous rendre légalement aux USA et pour qu’on ne bafoue plus jamais le droit de tout Cubain et de toute Cubaine d’embrasser ses êtres chers.

Je vous remercie.

 

         Randy Alonso. Dans le cadre de ces plans terroristes des Etats-Unis, de création d’organisations contre-révolutionnaires destinées à contrer une Révolution unique en son genre en Amérique latine, la contre-révolution instruire et financée par l’administration nord-américaine a, dans les années 60, exécuté de nombreuses actions terroristes contre des cibles cubaines à l’étranger. Reinaldo Taladrid nous en dresse un bilan.

         Reinaldo Taladrid.  C’est là une nouvelle modalité d’une liste déjà longue. Des individus posent des bombes, assassinent des gens, font des actes terroristes non seulement contre des installations cubaines, tels des ambassades ou des bureaux, mais même contre des installations d’autres pays que les terroristes installés aux USA considèrent des amis de Cuba ou ayant des relations avec Cuba.

         Cette modalité a débuté le 1er avril 1959.  Du terrorisme pur et simple, parce que, à cette date-là, vous ne pouviez pas donner à une action de ce genre une connotation idéologique : l’attaque du consulat cubain à New York.

         Le 5 juin 1959, le consul cubain de Miami, Alonso Hidalgo Barrios, est victime d’une agression. Le 4 août 1959, le ton monte, quatre avions cubains sont détruits dans un hangar d’Air International Corporation à Miami. Destruction total des appareils et gros dégâts dans le hangar. Détruire quatre avions, agresser un consul, attaquer un consulat, en 1959, c’est du terrorisme.

         La liste est interminable, et le temps me manquerait. Je vais juste choisir quelques faits. Et réfléchir avec vous.

         Par exemple, le 7 décembre 1960, un fonctionnaire cubain est agressé aux Etats-Unis. Que se passe-t-il ? Rien. La police agit-elle ? Non. Les terroristes, les responsables, restent libres. Et ce scénario va se répéter.

         Le 17 novembre 1962  – des moments très tendus qui font suite à la crise des Missiles – des  fonctionnaires cubains auprès de l’ONU sont agressés, l’attaché Roberto Santiesteban Casanova est attaqué. Y a-t-il des suites ? Absolument aucune.

         Le 2 décembre 1964, l’organisation terroriste Mouvement nationaliste cubain pose un bombe contre l’édifice de l’ONU.  Quand ? Juste au moment où Ernesto Che Guevara y parle !  Une bombe contre un organisme mondial, le plus important de la planète, censément…

         Et la tendance continue. Le 12 octobre 1965, le Mouvement insurrectionnel de récupération révolutionnaire (MIRR) pose une bombe sur un cargo espagnol à San Juan de Porto Rico. Contre l’ONU, contre un cargo espagnol : si vous reconnaissez Cuba, vous risquez d’être victime de ces actes terroristes.

         Nous en arrivons à 1968. Où l’organisation Poder Cubain voit le jour. Moment important. Pourquoi ? Parce que le chef suprême en est Orlando Bosch. Son adjoint est Marcelino Jiménez García.

         Qui était ce monsieur ? Je le dis pour les plus jeunes : un gros ponte du SIM, autrement des Services de renseignements militaires de Batista, qui ont commis de très nombreuses violations des droits de l’homme dans notre pays. Eh ! bien, monsieur Jiménez García est mort tout tranquillement dans son lit, à Miami…

         Ces individus de Poder Cubano ont posé, rien qu’en 1968, quatre-vingt-deux bombes, dont soixante-douze aux Etats-Unis même.  Par exemple, cinq contre des cargos d’Espagne, de Pologne et du Japon, tout simplement parce que ces pays faisaient du commerce avec Cuba. Neuf bombes – et ça c’est nouveau – contre des magasins de Miami, à des fins d’extorsion. Souvenez-vous : mafia et terrorisme ne font qu’un. C’est du racket : ils vous demandent de l’argent, et si vous ne payez pas, vous avez droit à une bombe. Où est la teneur idéologique d’actions de ce genre ? Mafia et terrorisme pur et simple.

         En mars 1968, cette organisation d’Orlando Bosch pose une bombe au consulat chilien de Miami. Avant, en janvier, elle avait posé une bombe dans un avion qui transportait du courrier à Cuba : dès 1968, ces gens-là s’attaquent aux avions, et inutile de vous rappeler le rôle qu’a joué Bosch dans l’attentat de la Barbade.

         Le 22 avril 1968, ils revendiquent une bombe au consulat mexicain. Avant, ç’avait été celui du Chili…

         En juillet 1968, ils posent une bombe au bureau de tourisme canadien aux Etats-Unis. Le Mexique, le Chili, et maintenant le Canada. Tout revendiqué par ce Poder Cubano.

         En août 1968, ils posent une bombe dans les bureaux des tarifs douaniers des Etats-Unis, une institution tout à fait légitime du gouvernement. Je repasse : des cargos, des institutions publiques, des sièges diplomatiques de pays faisant du commerce avec Cuba ou ayant des relations avec lui…

         Finalement, on arrête Bosch en octobre 1968. Où ? Près d’Orlando, au moment où il est sur le point de décoller à bord d’un B-26, avec d’autres gens de son groupe. Qu’y avait-il dans cet avion ? Dix-huit bombes. Où l’avion allait-il ? A Cuba. La cible des dix-huit bombes était notre pays.

         Que se passe-t-il ensuite ?  Eh ! bien, croyez-le si vous le voulez, mais notre bonhomme, arrêté sur un avion transportant dix-huit bombes, paie tout bonnement une caution de cinq mille dollars et se retrouve en liberté !  Ensuite, il est jugé. Ah oui, pour une fois, on le juge… Les chefs d’accusation sont costauds : 1) attaques de cargos – toutes reconnues par eux, il n’y avait même pas à enquêter ; 2) menaces de mort contre trois présidents étrangers (le président mexicain, le président espagnol et le Premier ministre britannique) ; 3) finalement, le chef le plus grave, cet avion aux dix-huit bombes, pour lequel on lui reproche, tenez-vous bien ! de n’avoir pas de permis d’exportations d’armes ! Pensez un peu : s’il avait eu le permis, je vous fiche mon billet qu’on l’aurait décollé sur Cuba !

         Donc, Bosch est condamné à dix-huit d’incarcération.  Mais de sa prison, il a continué à diriger son groupe par l’intermédiaire de son adjoint, l’ancien officier du SIM.

Je vous propose quelques exemples de titres de journaux à cette époque-là. Ça, c’est la rue Réplica, de 1968 : « Vague de sabotages à Cuba. Responsable : Poder Cubano. »  Le groupe le reconnaît, s’adjuge les faits. Un parquet qui se respecte avait dû agir d’office, face à des gens qui reconnaissent avoir posé des bombes.

Ou cet autre : « Audacieux sabotage d’un cargo castriste dans le canal de Panama. »  Vous distinguez ici  - la photo est vieille – quelqu’un qui explique, debout devant une carte du Panama, comment il a attaqué le cargo cubain Aracelio Iglesias. Savez-vous qui est ce personnage ? Orlando Bosch, bien entendu, expliquant en public comment il a procédé.

Donc, dix-huit de prison, mais il continue d’opérer à travers son second. De toute façon, il n’a pas fait long feu en prison : deux ans et demi à peine.

Vous allez me dire : c’est de la vieille histoire, qu’est-ce que ça a à voir avec l’actualité ? Eh ! bien, ça a à voir, je vais vous le prouver. Tout d’abord, Orlando Bosch était à Miami pour participer à un meeting contre le terrorisme organisé après le 11 septembre par Armando Pérez Roura qui le présidait. Et ça, si ce n’est pas une insulte à l’humanité ! Maintenant, regardez cette photo : elle date de l’époque dont nous parlons. Regardez bien : ici, vous avez Orlando Bosch ; ici, rien moins que Marcelino García, cet officier du SIM dont je vous ai parlé et qui était son second… Et qui voit-on à côté de ces sinistres individus, entouré d’un cercle ? Jorge Mas Canosa, l’homme qui a fondé ensuite la Fondation nationale cubano-américaine ! Et qui continue d’en inspirer, même mort, les idéaux ! Mas Canosa aux côtés d’un ancien officier du SIM et du terroriste Orlando Bosch.

Alors, si vous me demandez qui sont les vrais terroristes, eh bien, je vous réponds que ce sont tous ces gens-là, qui sont partis de Cuba, qui se sont installés aux USA, qui ont reçu de l’argent et un entraînement de la part du gouvernement nord-américain, qui ont reçu aussi le permis de résidence, qui se sont même faits naturaliser, et qui ont conçu, planifié, financé, organisé et exécuté ces actes de terrorisme contre Cuba et contre les USA même. Voilà les vrais terroristes.

Randy Alonso.  Nous en étions dans les années 60. Mais de nouvelles organisations contre-révolutionnaires ont vu le jour dans les années 70 et ont commis à leur tour des actes terroristes aussi criminels que l’attaque du hameau de Boca de Samá.

Je vous propose d’écouter le douloureux témoignage de Josefa Portelles  Tamayo, mère d’une des jeunes victimes.

 

Josefa Portelles.  Si je suis ici, c’est parce que j’ai perdu mon enfant dans l’attaque de Boca de Samá, Ramón Siam Portelles, mon fils, et je viens ici réclamer votre soutien et votre aide pour ratifier l’accusation que je fais contre les Etats-Unis, pour voir s’ils paient un peu des crimes et des dommages qu’ils nous ont faits, parce que je ne suis pas seulement une maman qui souffre, parce que des milliers de mamans souffrent dans ces mêmes conditions par leur faute, parce que beaucoup de mamans ont perdu leurs enfants ou alors ont vu leurs enfants rester invalides, sans bras, sans jambes.

         Ce sont des crimes que ces assassins criminels ne pourront jamais assez payer, parce que vous savez que la vie d’un enfant est hors de prix, parce que rien ne peut payer la vie d’un enfant.

         Je suis malade, mais je suis venu uniquement pour me voir soutenue par un tribunal révolutionnaire aussi beau que celui-ci et dont j’ai toujours rêvé. Je suis venue pour voir si vous m’aidez et si nous faisons des lois contre eux, pour voir s’ils cessent enfin de nous faire tant de mal et de tant de choses contre notre pays.

         Mon fils n’avait que vingt-quatre alors, il avait une enfant de six mois. [Elle sanglote.]

         Escalante. Quel âge dites-vous qu’avait votre fils ?

         Josefa Portelles. Vingt-quatre ans.

         Escalante. Et il a laissé une fillette de six mois.

         Josefa Portelles. Il a laissé une fillette de six mois. Il n’a jamais pu donner de chaleur à sa fille, il était fou de joie d’avoir un enfant, et il n’a pu lui donner la chaleur de père, parce qu’il était en train de passer cette école de garde-frontière à Boca de Samá au moment de l’attaque.,

         Alors je vous dis devant vous tous que je suis prête à faire tout ce qu’il faut, pleine de souffrances et de maladie comme je suis, pourvu que vous fassiez des lois contre des criminels pareils.

 

         Randy Alonso.  Vous avez entendu le témoignage de Josefa Portelles Tamayo, la mère d’une des victimes de l’attaque contre Boca de Samá, devant le tribunal révolutionnaire qui a connu de la Demande du peuple cubain contre le gouvernement des Etats-Unis. C’était en 1971, une décennie durant laquelle les organisations contre-révolutionnaires alimentées par les USA ont redoublé leurs actions terroristes contre notre pays. Le chercheur José Luis Méndez nous dresse un bilan de ces faits terribles.

         José Luis Méndez.  Les années 70 n’ont été en fait de compte que la prolongation, mais redoublée, de cette même campagne terroriste.

         En 1972, Orlando Bosch était encore sous les verrous. Alors, le gouverneur d’alors de la Floride, Claude Kirk, prenant la parole au cours d’un dîner organisé par la Chambre de commerce latine, une chambre dominée par la mafia cubaine, a osé affirmer : « Quand je pense aux hommes libres qui cherchent à libérer leur patrie, je dois forcément penser au docteur Bosch. Je travaille résolument à sa relaxe et je crois que vous en verrez les résultats sous peu. »

         Effectivement, Bosch a bel et bien été libéré : un terroriste international coupable ni plus ni moins que de 321 actions ! Qui avait dirigé Action Cubaine, Gouvernement secret cubain, les commandos Pedro Luis Boitel et qui fonda ensuite, une fois libéré, le CORU en 1976.

         Je voudrais rappeler que le 17 janvier 1965, l’organisation qu’il dirigeait à l’époque, le MIRR, a lancé environ cinq mille capsules de substance incendiaire sur la sucrerie Niagara. Il a déclaré ensuite : « Si nous avions des ressources suffisantes, Cuba brûlerait d’un bout à l’autre. »

         Dix ans après, le 22 août 1975, il déclarait : « Les complices de Castro et les agents du communisme international ne seront en sûreté nulle part dans le monde : nous internationaliserons la lutte à l’échelle du continent. »

         Il a déclaré aussi, ce qui le caractérise de pied en cap : « Les Américains veulent descendre Castro dans un style différent du nôtre, la guerre déclaré pour anéantir les rouges. S’il avait lancé sur Cuba la moitié des bombes qu’ils ont larguées sur le Viet Nam, le problème serait réglé. » Sans commentaires.

         Le 21 janvier 1974, alors qu’il était encore aux USA, il a fait envoyer du Mexique sept lettres piégées à différentes ambassades cubaines, dont l’une a explosé dans le bureau de poste central de Madrid, endommageant les locaux et blessant quelques personnes.

Mais il faut aussi mettre à son actif le dynamitage des bureaux commerciaux de Cuba à Montréal, qui a causé la mort de Sergio Pérez Castillo ; la tentative d’enlèvement du consul cubain à Mérida, ce qui a causé la mort d’Artagnán Díaz Díaz qui s’est interposé ; un attentat contre l’ambassadeur cubain en Argentine en 1974 et la disparition, dans ce même pays, de deux fonctionnaires en 1975 ; la pose d’une bombe sur un bateau mexicain qui a causé deux morts et sept blessés.

Mais ce qui caractérise le mieux Bosch, ce que notre peuple connaît le mieux, c’est son obsession de faire exploser un avion de ligne cubain en vol.  Et, là-dessus, il avait toute une série d’explications et de justifications : 1) il attirerait l’attention sur sa cause ;  2) il empêcherait qu’on puisse faire le silence sur sa lutte ; 3) il ferait trembler les structures des Etats-Unis et de Cuba ; 4) il annulerait tout rapprochement entre ces deux pays ; 5) le caractère terroriste de l’action éviterait que les pays latino-américains puissent, en conformité avec les accord adoptés par l’OEA en juin 1975, renouer les relations diplomatiques avec Cuba, ce qui maintiendrait l’isolement de notre pays ; 6) il ferait échouer les conversations engagées entre Cuba et les USA sous l’administration Ford. Tels étaient les arguments avancés par Bosch pour justifier son action.

Mais il y a au moins trois antécédents importants à signaler. En 1965, il avait payé un Cubain, Rafael Anselmo Rodríguez Molina, pour qu’il dynamite un avion devant voler à Cuba, ce qui a causé la mort du pilote, un Nord-Américain nommé Alex Rourke : l’avion a décollé pour Cuba, a fait une escale à Cozumel ; là, Bosch et son compagnon, Frank Sturgis, connu aussi comme Frank Fiorini, un autre terroriste d’origine cubaine, sont descendus, l’avion a redécollé et a explosé en plein vol.

Le 30 novembre 1975, le journal Ultima Hora,  de New York, publie un des avis habituels d’Ernesto – un alias de Bosch – qui se dit chef de l’organisation clandestine  Poder Cubano 76 et revendique la pose de deux bombes à retardement découvertes dans un avion de la compagnie Bahamas Air  desservant les Etats-Unis. Heureusement, les engins ont été découverts à temps et désactivés quelque temps avant l’embarquement des soixante-deux passagers, la plupart des vacanciers nord-américains, qui rentraient sur Miami. Et Bosch explique dans son communiqué que cette action visait en empêcher tout rapprochement entre les Bahamas et Cuba.

Finalement, l’antécédent le plus proche du dynamitage de l’avion à la Barbade, en octobre 76, a eu lieu le 11 juillet de cette même année : l’explosion d’une valise quelques instants avant qu’elle n’entre dans les soutes d’un appareil de Cubana de Aviación à Kingston, la capitale de la Jamaïque, qui devait décoller pour La Havane. L’engin a donc explosé à terre, un peu après sept heures du soir. L’avion avait pris du retard pour un problème de correspondance entre lignes aériennes. Heureusement, pace qu’il était prévu que les bombes explosent au moment où l’avion survolerait Montego Bay, sur la côte nord de la Jamaïque.

En fait, Bosch est un malade. Ecoutez ce qu’il écrit : « Je n’oublierai jamais quand j’ai posé une bombe dans un magasin de chaussures de Santa Clara ; les chaussures volaient dans les airs, les vitrines s’effondraient. J’ai entendu la déflagration et j’ai senti une grande satisfaction : j’étais en train de liquider les communistes de Fidel Castro. Je comprends aujourd’hui que ces petites bombes de rien du tout ne conduisent à rien, et que dans cette bataille, il faut être dur. »

Cet individu constitue une menace pour la sécurité nationale des Etats-Unis. En fait, le terrorisme cubain a toujours été une menace pour la sécurité de ce pays, un cas flagrant de terrorisme national. Et pourtant… je pense surtout aux actions qui ont eu lieu dans les années 70…

Randy Alonso. Et qui ont pris encore plus de force avec la fondation du CORU.

José Luis Méndez. Tout à fait. Vingt-quatre pays d’Europe, d’Amérique du Sud et d’Amérique centrale ont été touchés. Et quand je dis qu’il s’agit de terrorisme national aux USA, c’est tout simplement parce que ces gens-là y ont commis cent cinquante-six actions terroristes ! Mais ils en commis vingt-neuf au Mexique ; une à Trinité-et-Tobago ; cinq au Panam ; mais aussi en Colombie. Et aussi en Europe : en Angleterre, en France, en Espagne, au Portugal. Total, donc : vingt-quatre pays touchés par les actions terroristes des bandes conduites par ce criminel international qui s’appelle Orlando Bosch, qui non seulement déambule en toute liberté dans les rues de Miami, mais, encore plus grave, est invité aux discours de Bush dans cette ville !  C’est bien là la plus preuve la plus flagrante de l’attitude des autorités nord-américaines envers les terroristes quand ceux-ci sont de leur bord. Je vous laisse juge de la réponse à la question que nous nous posons : qui sont les vrais terroristes ? D’autant plus scandaleux que les actions de Bosh ne sont pas du passé : il les poursuit encore de nos jours.

Pour en revenir à juin 1976, quand Bosch fonde le CORU, autrement dit le Commandement des organisations révolutionnaires unifiées qui regroupait cinq organisations terroristes, il publie une espèce de brochure intitulée 40 años de lucha, 40 años de razón où on peut lire : « Parmi les autres accords stratégiques souscrits, il convient de signaler le mot d’ordre suivant : quiconque sortira de Cuba pour propage ou conquérir des gloires pour la tyrannie devra courir les mêmes risques que courent les hommes et les femmes qui la combattent ; toute autre attitude serait une recherche immorale d’avantages. »

Cela justifie bien entendu a priori le sabotage en plein vol d’un avion emportant soixante-treize passagers au décollage de la Barbade. Et explique bien qui sont les vrais terroristes et où ils sont !

Randy Alonso. Méndez vient de rappeler cette étape particulièrement intense de terrorisme dont notre pays – mais aussi d’autres – a été victime de la part de contre-révolutionnaires tous entraînés par les services de renseignements nord-américains et tous soutenus matériellement et financièrement par les différentes administrations nord-américaines.

Au sujet de l’envoi de lettres piégées à des ambassades cubaines, je vous propose d’écouter le témoignage présenté devant le tribunal ayant connu de la Demande du peuple cubain par Pilar Ramírez Vega, qui travaillait à l’ambassade de Lima au début des années 70.

 

Pilar Ramírez Vega. J’ai été touchée par une des modalités de terrorisme appliquées par l’impérialisme yankee, par le gouvernement des Etats-Unis, à travers les organisations contre-révolutionnaires installées aux Etats-Unis, et dirigées par des chefs qui continuent de se promener en liberté, plus de vingt ans après, comme Orlando Bosch et Luis Posada Carriles.

J’ai été victime de dommages physique sur ma personne, et à travers la douleur provoquée à ma fille de quatre ans qui était avec moi à l’époque à l’ambassade de Cuba au Pérou, et à mes autres proches.

Le 4 février 1974, alors que j’étais secrétaire de notre ambassadeur à Lima, Antonio Núñez Jiménez, j’étais en train d’ouvrir son courrier. On nous avait averti les jours précédents que d’autres ambassades, comme celles d’Argentine et du Canada, avaient reçu des lettres piégées.

Il y avait un colis qui était là depuis plusieurs jours, expédié par Fernández S.A., de Mexico, qui n’a pas attiré spécialement l’attention parce que notre ambassadeur échangeait beaucoup de correspondance avec l’extérieur, avec des organisations spéléologiques, des choses comme ça. Le colis avait la taille d’un livre. Quand je l’ai ouvert, c’était un livre publié par les éditions espagnoles Espasa, à couverture rouge. Mais le papier qui l’enveloppait était si serré que j’ai dû  utiliser des ciseaux et c’est quand j’ai tenté de sortir le livre que l’explosion s’est produite.  Le bureau a volé en l’air, la machine à écrire et tout ce qui m’entourait, et j’ai souffert de sévères blessures au bras gauche, au ventre, à la cuisse, au visage et à un sein.

On m’a expliqué que cette bombe était au plastic, comme celle qu’utilisaient les organisations contre-révolutionnaires financées par la CIA.

L’attentat était d’autant plus criminel que l’envoi avait été contaminé par des micro-organismes, si bien que plusieurs jours après avoir été hospitalisée, une infection s’est déclarée dont on n’a pu déceler l’origine qu’après avoir analysé les restes de l’engin et mon propre organisme.

Le peuple péruvien a été très solidaire, pas pour moi directement, mais pour la Révolution cubaine, face à ce terrorisme utilisé par le gouvernement nord-américain sous toutes les formes possibles. Dans ce cas, ç’avait été des colis piégées. Et ç’a été moi, mais ç’aurait pu être n’importe qui d’autre, et même des enfants parce que c’est passé le soir, à une heure où il y avait normalement des enfants dans notre ambassade.

Je dénonce le gouvernement des Etats-Unis pour les dommages causés à ma personne, pour la douleur infligée à mes proches. Mais c’est aussi une preuve que l’impérialisme ne nous laisse pas en paix, qu’il ne sait pas comment nous éliminer.

Grâce aux soins des médecins tant péruviens que cubains – parce que le docteur Alvarez Cambras est venu tout de suite au Pérou – j’ai pu me rétablir. Je suis rentrée à Cuba, je me suis rétablie et j’ai voulu retourner dans notre ambassade au bout d’un certain temps, non pas pour me mesurer à moi-même, mais pour ajouter ma petite pierre et prouver à ces gens-là qui nous agressent tant qu’ils ne peuvent rien contre nous et que nous sommes toujours debout, même s’ils recourent au terrorisme.

 

         Randy Alonso.  Le 6 octobre 1976 constitue une marque d’infamie pour les gouvernements des Etats-Unis et une journée de souvenir indélébile pour le peuple cubain qui rappelle toujours avec beaucoup de douleur et d’indignation ce crime horrible contre un avion de passagers. Lázaro Barredo nous rappelle les faits.

         Lázaro Barredo.  Le 6 août dernier, nous l’avons appris, le président des Etats-Unis, George W. Bush a reçu un rapport d’une page et demie sur les actes terroristes qui se préparaient contre les USA, mais il n’en a pas tenu compte, il n’a pas pris les mesures pertinentes pour éviter ce qui est arrivé le 11 septembre 2001. La preuve est donc faite, comme le disait un journal des plus conservateurs, The New York Post, que Bush savait.

         Eh ! bien, j’ai à mon tour la conviction profonde – et il y a des faits qui le prouvent – que des agences du gouvernement nord-américain savaient ce qui se préparait voilà vingt-cinq ans, cet attentat en préparation contre un avion cubain qui a eu lieu finalement le 6 octobre 1976.

Nous avons déjà parlé à d’autres tables rondes des extraits d’une conversation qu’a eue Fidel avec le journaliste Tim Golden, du New York Times, le 12 août 1998, presque deux mois après que des fonctionnaires du FBI sont venus à La Havane où nos autorités leur ont remis toute une série d’informations sur les activités terroristes commises par des Cubano-Américains vivant aux USA. Cette interview n’a jamais été publiée par le journal new-yorkais. Et Fidel demande au journaliste qui donc lui avait dit que la CIA avait décidé de rompre ses relations avec Posada Carriles en février 1976. Le journal avait en effet écrit, quelques mois avant, dans un reportage, qu’à l’époque les relations de Posada avec les autorités nord-américaines étaient brusquement entrées en crise à la suite d’un rapport secret selon lequel celui-ci pouvait être impliqué dans la contrebande de cocaïne entre la Colombie et Miami à travers le Venezuela ainsi que dans la falsification de dollars toujours au Venezuela. Le journal avait donc affirmé que Posada Carriles, un des auteurs intellectuels du sabotage de l’avion, n’était plus lié à la CIA depuis février 1976. C’était en tout cas la conclusion qu’on tirait de cet article du New York Times.

Et Fidel rappelle dans cette interview que des documents déclassifiés des archives de la sécurité nationale à Washington corroborent ce que Posada insinue, à savoir que le FBI et la CIA connaissaient en détail ses opérations contre Cuba dès le début des années 60. Selon ces documents, G. Robert Blakey, consultant principal de la Commission spéciale de la Chambre au sujet des tentatives d’assassinat en 1978,  affirme avoir révisé de nombreux dossiers secrets du FBI concernant les Cubains anticastristes depuis 1978 et constaté de nombreux cas où le FBI avait fermé les yeux sur d’éventuelles violations de la loi de leur part.

Fidel aborde en détail  - l’interview est très longue – tous ces faits et indique qu’il lui semble curieux qu’on dise que la CIA avait rompu toutes relations avec Posada Carriles en février 1976, tout en reconnaissant que celui-ci continuait de lui fournir « bénévolement » des informations ;  ainsi, Posada avertit que Bosch et un autre exilé cubain conspiraient contre le neveu de l’ancien président Allende ; en juin, Posada appelle de nouveau la CIA au sujet de plans éventuels de l’exil de faire exploser – en juin 1976 – l’avion de Cubana de Aviación au départ du Panama.

Fidel dit au journaliste : « C’est un autre document qui nous intéresse beaucoup, parce que si ça figure, où est-ce que ça figure ? C’est important, ça, où ça figure et pourquoi ça figure que les liens se terminent en février 1976. cette date-là, quel hasard – et je t’expliquerai ensuite pourquoi – les liens se terminent et pourtant il continue de faire passer des informations. »

Fidel réitère que Posada a de nouveau appelé la CIA au sujet de plans éventuels de l’exil de faire exploser un avion de Cubana au départ de Panama.

Il dit au journaliste Tim Golden : « Il a parlé dans ses déclarations que vous devez avoir enregistrées de liens permanents avec l’Agence de renseignements des Etats-Unis et d’une amitié intime avec au moins deux officiers d’active du FBI, et ce rapport-ci dit qu’il maintenait la communication, qu’il informait de tout ça. »

Fidel rappelle la création du CORU, de ce Commandement des organisations révolutionnaires unies, en juin 1976 par Orlando Bosch et l’appel à intensifier les activités terroristes.

Fidel dit au journaliste Tim Golden :

 

Tu peux donc voir la chronologie : en février, la CIA rompt ses contacts avec Posada. Censément. Et je te disais : quel hasard ! en juin, Posada informe la CIA d’éventuels plans de l’exil de faire exploser en plein vol un avion de Cubana au départ de Panama, et c’est justement ce même mois que toutes ces organisations créent le CORU.

En août 1976, un journal contre-révolutionnaire de Miami publie un prétendu rapport de guerre qui conclut sur cette phrase : « Nous attaquerons très bientôt des avions en vol. » Ce sont de curieuses coïncidences, n’est-ce pas : juin, création du CORU ; et ce même mois, selon ces documents que nous tentons d’identifier, Posada informe la CIA de plans éventuels de l’exil de faire exploser l’avion de Cubana au départ de Panama. Et en août, cette déclaration de guerre de Bosch et compagnie. Le 6 octobre, quatre mois après l’avertissement selon les documents, l’avion explose en vol. Personne ne fait rien pour éviter le sabotage de l’avion, alors qu’une déclaration de guerre a été publiée aux Etats-Unis : « Nous attaquerons très bientôt des avions en vol.  »

 

         J’ai ici un tout petit résumé d’une longue audience de la sous-commission judiciaire du Sénat des Etats-Unis, de mai 1976, portant sur le terrorisme dans la région de Miami. Avec des interventions de fonctionnaires de la CIA, du FBI et d’autres institutions nord-américaines. Il y est dit que Bosch est le terroriste le plus actif – mai 1976, je le répète – qu’il annonce la pose de bombes et d’autres attaques contre ceux qui sympathisent d’une façon ou d’une autre avec Castro, où qu’ils soient. Tout ça se dit à la sous-commission judiciaire du Sénat, en mai 1976 !  Les sénateurs écoutent aussi une interview donnée par Bosch à une radio de Miami, WQVA, où il affirme : « Nous envahirons les ambassades cubaines et nous assassinerons les diplomates cubain, nous détournerons les avions cubains jusqu’à ce que Castro libère certains des prisonniers politiques et se décide à négocier avec nous. » Tout ceci se dit et s’entend à cette audience du Sénat, au cours de laquelle des sources fédérales affirment : « Bosch est largement financé par quelques riches exilés des Etats-Unis qui soutiennent ses tentatives extrémistes », tandis qu’une source du département de la  Justice affirme : « La politique des Etats-Unis par rapport à Bosch a changé, parce que le gouvernement ne veut pas dépenser de l’argent à l’extrader, à la juger et à l’emprisonner. »

         Or, le département de la Justice avait émis un mandat d’arrêt contre Bosch, en juin, pour avoir violé sa liberté sous caution à Miami.

         Je voulais signaler ces points, parce qu’ils me semblent très importants.

         Je ne vais pas parler de Posada Carriles, parce que nous avons évoqué son histoire à de nombreuses tables rondes : la façon dont il s’est évadé avec le soutien de la Fondation nationale cubano-américaine, son séjour à la base aérienne salvadorienne d’Ilopango, justement pour soutenir l’opération Iran-Contra de l’administration Reagan, avec le soutien de la CIA et de fonctionnaires de plusieurs agences gouvernementales. Mais je tiens en tout cas à rappeler le témoignage déposé par le commissaire de police de Trinité-et-Tobago, Denis Elliot Ramward, devant le tribunal vénézuélien à l’époque : il informe que les deux Vénézuéliens auteurs directs de l’attentat, Hernán Ricardo et Lugo, ont dit être des agents de la CIA qui travaillaient alors – nous parlons d’octobre 1976 – pour Luis Posada Carriles

         Bosh est libéré en 1988 au Venezuela. Et le plus étonnant, c’est que, malgré l’existence d’un mandat d’arrêt contre lui aux USA, il décide d’y rentrer au lieu de rester au Venezuela !  Il préfère se soumettre à un procès. En fait, il est soutenu à l’époque par l’ambassadeur nord-américain à Caracas, Otto Reich, qui a reçu des instructions de ses amis de la Fondation nationale cubano-américaine de l’aider. Tout comme, aujourd’hui, des individus soutenus par cette même Fondation travaille à la libération du terroriste Luis Posada Carriles au Panama. Le même scénario !

         Bosch arrive donc aux USA en 1988, et le département de la Justice tente de le déporter. Trente et un pays refusent de l’accueillir parce que c’est un danger public – le FIB le taxe, rappelons-le, du terroriste numéro un de Miami. C’est alors que ses amis lancent l’opération, conçue dès sa sortie de prison au Venezuela, consistant à plaider auprès du président George Bush père son impunité. Ce sont la représentante anticubaine Ileana Ros, feu Mas Canosa, le sénateur Connie Mack, l’ambassadeur Otto Reich et Mgr Agustín Roman, évêque coadjuteur de Miami, qui intercèdent pour la libération de cet individu responsable, rappelons-le, de plus de trois cents actes de terrorisme contre vingt-cinq pays, Cuba comprise.

         Bosch est d’accord avec les quatorze conditions mises à sa liberté sous caution, dont l’abandon du terrorisme. Pourtant, à peine libéré, dans une conférence de presse, il taxe l’arrangement avec le département de la Justice de comédie ridicule, affirmant : « Ils ont acheté la chaîne, mais pas l’ours. » Et il repart sur le sentier de la guerre, en toute impunité, avec la complicité des autorités. Ainsi, en octobre 1991, au stade Bobby Madura, il appelle de nouveau à reprendre les sabotages, à expédier des armes et des explosifs dans notre pays.

         Après avoir été acquitté, il avait justifié intellectuellement le sabotage de l’avion cubain. Et il continue de présider un parti politique autorisé par les autorités nord-américaines à Miami, le Parti protagoniste du peuple, qui mène des activités terroristes. Voici les documents, les lettres publiques publiés dans les journaux de Miami, où tout le monde connaît ses activités criminelles.

         Finalement, voici ce livre 40 años de lucha, 40 años de razón, où il justifie toutes ses atrocités, dont une version si répugnante de l’assassinat de soixante-treize personnes innocentes que je préfère, par décence devant les caméras de télévision, ne pas la qualifier. C’est cette petite page intitulée : « Les sportifs dans l’avion de la Barbade », que je vais vous lire rapidement :

 

         Au début d’octobre 1976, six escrimeuses castristes se sont présentées à Caracas pour participer à un tournoi. Pour éviter leur désertion, elles étaient accompagnées de vingt et un membres du G-2 ou du DGI cubain. Les six escrimeuses ont remporté les six médailles d’or.

         Après le tournoi, un reporter sportif leur a demandé : « Cuba s’est toujours distinguée en base-ball et en boxe, mais jamais en escrime. Comment expliquez-vous ce succès ? » L’une des escrimeuses lui a répondu : « Ce succès se soit à notre commandant en chef Fidel Castro qui s’est toujours beaucoup préoccupe de l’éducation, de la médecine et des sports. Nous nous sentons très fières de rapporter à Fidel ces médailles que nous avons gagnées ici. »

         Une fois le tournoi conclu, les six sportives et les vingt et un membre du G-2 cubain, ont décollé de Caracas pour Trinité, là, elles ont pris l’avion qui revenait d’Angola et qui est tombé ensuite le 6 octobre 1976 au départ de la Barbade.

         Apparemment, on a appliqué aux six escrimeuses et aux vingt et un membres du G-2 cette sentence selon laquelle « quiconque sort de Cuba conquérir des gloires pour la tyrannie doit courir les mêmes risques que les hommes et les hommes qui la combattent ».

 

         Immonde. Je préfère me retenir.

         Randy Alonso.  Mais qui dit bien qui est ce criminel protégé par les Etats-Unis, formé par les Etats-Unis.

         Mais il existe d’autres témoignages. Entre autres, ceux de deux chauffeurs de taxi barbadiens qui ont dit que les deux Vénézuéliens engagés par Posada Carriles et Orlando Bosch pour exécuter le crime et descendus à l’aéroport de la Barbade, se sont rendus aussitôt à l’ambassade des Etats-Unis, puis s’y sont rendus à deux autres reprises dans la journée, ce qui donne bien une idée de liens réels existant entre les autorités nord-américaines et cet attentat atroce du 6 octobre 1976.

         L’horreur, les deux explosions, l’incendie dans l’avion, les cris d’épouvante, le désespoir des pilotes pour tenter au moins d’amerrir, les pleurs de tout un peuple pour la mort de ces soixante-treize personnes, dont cinquante-sept Cubains, entre autres les vingt-quatre membres de l’équipe nationale d’escrime junior qui venait de remporter toutes les médailles d’or du championnat centraméricain et caribéen, dont onze jeunes Guyanais, entre autres six choisis pour faire des études de médecine à Cuba, et Nord-Coréens, tous morts dans ce criminel sabotage.

         Ecoutons le témoignage douloureux d’une famille victime de cet acte de terrorisme, la femme et les enfants du régulateur de Cubana de Aviación, Carlos Alberto Cremata Trujillo. Iraida Alberti et Carlos Alberto Cremata vivent encore aujourd’hui cette absence et réclament justice.

 

         Iraida Alberti. Comme être humain, tout ce qui implique une injustice dans le monde me concerne. J’ai pleuré ici des mères sans enfants, des fils sans parents, toute une série de choses. Sur le plan personnel, je pense même que le peuple nord-américain est victime de toute cette grande injustice qu’il engendre.

         Dans mon cas personnel, on a tué mon compagnon, mon fiancé de vingt ans, le père de mes enfants. Et personne ne peut me le payer, personne ne pourra jamais me l’indemniser, parce qu’on a mutilé ma famille, une famille absolument heureuse.

         Quand je pense à cet avion, je pense à tous les gens qu’il emportait : les deux équipages – je connaissais une bonne partie de ses compagnons de travail,  je savais comment ils disaient, combien ils étaient blagueurs, joyeux – mais aussi les jeunes gens qui venaient étudier à Cuba, des Guyanais, et puis aussi les Nord-Coréens, et puis aussi tous ces jeunes, presque des enfants, avec leurs médailles.

         Ils ont dû chanter l’hymne national, peut-être même plus d’une fois, peut-être au moment où la bombe a explosé, et je ne peux pas me l’ôter de l’idée une seule seconde.

         Ils ont tué des athlètes, et nous continuons d’en former ; ils ont tué des ouvriers, des travailleurs, des gens heureux, et nous continuons d’en former. Ils ont voulu faire exploser la joie, et nous continuer d’engendrer la joie.

         Carlos A. Cremata. Tout petit, comme tant d’autres Cubains, je suis allé sur les épaules de mon papa défiler aux fêtes des travailleurs, avec toute ma famille, heureux, un point parmi des milliers de compatriotes qui allaient au rendez-vous avec Martí, avec la patrie et avec Fidel. Et soudain, voilà vingt-cinq octobre, j’ai été surpris par un coup terrible. J’avais seize ans et un nuage de larmes, je ne comprenais pas pourquoi j’étais sur une tribune, parmi tant de tristesse familiale, apprenant curieusement que j’étais l’enfant d’un martyr.  Pourquoi tant de mères pleuraient-elles l’espoir mort, des champions presque enfants. Et je me rappelle que mon adolescence ne pouvait pas comprendre. Mon père n’était pas un soldat de métier dans une bataille armée, c’était un travailleur du commun, un être absolument innocent, la personne la plus allègre et le plus amoureuse de la vie que j’aie jamais connue, et, bien entendu, je sais que je ne fais qu’amplifier maintenant les sentiments de tous les proches de nos morts. Et alors je me suis senti ému et encore plus fortifié par cette voix inoubliable du père majeur qui faisait trembler l’injustice tandis que son peuple, énergique et viril, pleurait. Ensuite, nous ne pouvons pas oublier à quel point la douleur sincère de millions de personnes nous a réconfortés.

         Voilà pourquoi je peux dire, aux côtés de nombreuses personnes ici, que nous savons très bien ce que souffre le peuple nord-américain depuis le 11 septembre, mais avec une différence : nous le souffrons comme parents depuis vingt-cinq ans, et comme peuple depuis quarante-deux ; et les assassins, avoués et passés aux aveux, continuent de vivre dans l’impunité et se vantent même, au sein même du peuple nord-américain, de leur ignoble condition de terroristes, de faiseurs d’orphelins, d’endeuilleurs d’âmes, parce que s’il y a quelque chose de sûr, même pour les assassins, c’est que rien n’a empêché ni ne va empêcher que nous continuions de faire, avant et après, ce que nous faisaient nos êtres chers : aimer, bâtir et être libres.

 

(Video sur les derniers moments de l’avion : « Ici, Seawell, Cubana 455. Nous demandons réatterrissage immédiat, immédiat… !

-       C’est pire… Colle-toi àl’eau, Fello, colle-toi à l’eau !)

 

Randy Alonso.  Un acte terroriste que notre peuple n’oubliera jamais et qui lui sert de stimulant dans son combat contre les mensonges de l’empire. L’agression des années 70 a été couronnée par ce crime horrible de la Barbade. Et les actions terroristes se sont poursuivies dans les années 80.

Par suite de l’utilisation par les Etats-Unis de la migration comme arme d’agression contre notre pays, fruit à son tour de la loi d’Ajustement cubain, Cuba a dû faire face, dans les années 60 et 70, à d’innombrables tentatives de piraterie aérienne et maritime, ainsi qu’aux attaques contre-révolutionnaires contre des bateaux cubains. Renato Recio nous en fait un bilan.

Renato Recio. Quand vous parlez de détournement de bateaux ou d’avions d’ici sur les Etats-Unis, bien des gens pensent qu’il s’agit d’une action, d’une agression purement politique. Mais quand vous analysez un peu mieux, vous vous rendez compte qu’on trouve derrière, une fois de plus, du terrorisme pur et dur, parce que cette action  déstabilise aussi l’économie et porte aussi atteinte aux familles.

Ainsi, quand on sait que près de 90 p. 100 des bateaux piratés de 1959 à 1979 étaient de pêche, vous pensez aussitôt dommages économiques. Certes. Mais que se passait-il au sein des familles de pêcheurs, quand le père part tous les matins, ou le mari, ou le frère, avec cette possibilité que le bateau soit détourné ou attaqué, et l’équipage soit blessé ou tué, ce qui est arrivé dans un certain nombre de cas ? Cela ne visait-il pas à créer de la crainte, de la terreur, de la panique ? Pourquoi ? Dans un but politique, assurément, pour que les gens ne se sentent pas sûres dans leur propre pays, pour qu’ils aspirent à la paix à tout prix, pour qu’ils renoncent à leurs principes révolutionnaires, etc. Et ça, c’est ni plus ni moins que du terrorisme. Et alors vous vous rendez compte qu’il n’y a rien – ou quasiment rien, pour ne pas être absolu – dans la politique des administrations nord-américaines envers Cuba qui ne soit pas du terrorisme. Un peu à l’image du roi Midas, tout ce qu’elles touchent se convertit en terrorisme.

Sur ce point des bateaux, je vais me borner à 1959-1979, parce qu’ensuite vient une autre étape que nous pourrions aborder après.

Dès les premiers mois de 1959, on enregistre des détournements de bateaux et des victimes. En 1961, des cinq bateaux détournés, quatre sont des bateaux de pêche. En 1962, dix, tous de pêche. En 1963, treize, dont dix de pêche. En 1964, douze. De 1965 à 1967, treize. Tous les ans, donc, des dizaines de bateaux. Dont deux ou trois seulement ont été récupérés. Certains ont même été vendus effrontément aux enchères à Miami ! Vous piratez un bateau cubain et une fois là-bas, vous le vendez aux enchères pour obtenir de l’argent en plus…

Evidemment, les pirates savaient qu’ils ne risquaient rien, qu’ils étaient assurés de l’impunité absolue. Même si vous tuiez pour ça ou causiez des blessés. On vous y recevait en héros et on vous offrait toutes les facilités du monde ! En plus, il existe des radios contre-révolutionnaires,  et même celle du gouvernement des Etats-Unis, qui vous présentent en héros, qui stimulent les autres à en faire autant, qui stimulent le crime et donc la terreur.

Le crime, oui, parce qu’il y a des morts à la clef. Un petit résumé très succinct.

En octobre 1959, un bateau est piraté de l’embarcadère du Biltmore, à la plage de Jaimanitas. En 1960, le soldat Raúl Pupo Morales est tué et le soldat Gilberto Sánchez Castelló est blessé durant le piratage du yacht Chelito III. Et je pourrais continuer la liste…

En avril 1962, un contre-révolutionnaire détourne à Batabanó le langoustier Olguita, provquant la mort par noyage de María Cabrera García.

En juin 1963, un groupe de mercenaires en provenance des USA – une action qui deviendra ensuite classique – à bord d’une vedette armée de mitrailleuses et d’un canon de 30 mm débarque sur le caye Blanco, à quinze kilomètres de la baie de Cárdenas et attaque par surprise une patrouille de quatre marins, assassinant Jesús Fernández Rodríguez, enlevant Daniel Expósito Torres et Calimerio Ramírez Jérez, abandonnant dans sa fuite de nombreuses armes de fabrication nord-américaine. Dans sa fuite, le commando s’empare d’un bateau de pêche, le Joven Elvira, dont il oblige l’équipage à le conduire au caye Maratón, où il débarque.

Il est quasiment impossible que ce genre de choses puisse se passer à l’insu des garde-frontières nord-américains et des autorités côtières de la Floride. Il ne fait aucun doute que ces actions sont encouragées.

En 1964, tentative de détournement d’un bateau de pêche, Vivero, dan le pas de Dimas, pres de Mantua, à Pinar del Río : Juan Fernández Tul est assassiné, et Antonio Marín Rodríguez Calá, blessé.

En 1964 encore, détournement du bateau Tres Hermanos, à l’île des Pins, avec assassinat du pêcheur Rafael Cabrera Mustelier.

Je ne vais pas insister sur les cas de ces années-là, mais davantage sur la modalité des attaques par des vedettes armées et pilotées par des contre-révolutionnaires vivant à Miami.

En avril 1968, un Lambda de l’école de mer est attaqué par un bateau-pirate armé, au caye Cruz, au nord de Cárdenas.

En mai 1970, deux bateaux de pêche, Plataforma I et II sont attaqués et les onze pêcheurs sont conduits sur un îlot des Bahamas et abandonnés là durant une semaine, sans aliments, dans des conditions très précaires.

En octobre 1973, un autre bateau de pêche est attaqué, piraté, et Roberto Torna Mirabal trouve la mort.

Le 6 avril 1976, Bienvenido Maurís est tué dans une attaque pirate.

En 1977, le bateau de pêche Río Jobabo est coulé et le Río Damují est sévèrement endommagé dans le port du Callao, au Pérou.

En 1980, un pêcheur est assassiné quand les bateaux FC-165 et FC-154 sont attaqués à Bahía de Samá, à Holguín, un lieu que la contre-révolution a semé de crimes et de terreur.

Je n’ai fait qu’une sélection très superficielle. Mais ce sont des dizaines et des dizaines de cas, de très nombreuses victimes.

Randy Alonso. Il faut rappeler aussi ces batailles du peuple cubain pour le retour de pêcheur séquestrés, ce que nous avons évoqué lors de l’enlèvement du petit Elián et qui a marqué l’histoire de René González Sehwerert quand il était enfant, au point qu’il a consacré un de ses poèmes à ces pêcheurs séquestrés. Juste afin de rappeler que la bataille pour Elián n’a pas été la première que le peuple cubain a dû mener pour faire rentrer ses enfants.

Renato Recio.  Et c’est en bonne logique que la population havanaise s’est concentrée ce jour-là devant l’ancienne ambassade des Etats-Unis, parce que c’était ce pays qui était responsable de ces actions. Ce qui n’est pas nouveau. C’était une  espèce d’antécédent ce qui serait ensuite les marches et les concentrations.

J’ai parlé des bateaux. Mais il y avait aussi les avions. En 1959, quand ce détournement d’avions cubains a commencé, c’était en quelque sorte une nouveauté en matière de terrorisme, créée justement contre notre pays.

Le premier cas date d’avril 1959, quand un avion de passagers DC-3 qui volait entre La Havane et l’île des Pins a été détourné par des anciens policiers de la tyrannie. C’est comme ça que cette modalité a commencé, avec tous les risques qu’elle impliquait pour les passagers.

De 1959 à 2001, cinquante et un avions cubains ont été détournés et presque tous sans exception sur les Etats-Unis. Et dans l’immense majorité des cas, les appareils n’ont jamais été rendus à Cuba. Des pilotes, des gardiens, des passagers, un bon nombre de personnes ont été assassinés ou blessés durant ces tentatives, et plusieurs appareils ont été détruits ou gravement endommagés dans des tentatives frustrées, parce qu’il y a eu beaucoup d’actions de défense héroïques, il faut le reconnaître, comme dans le cas des bateaux, de la part des travailleurs directement impliqués de l’endroit et des travailleur en général qui l’ont fait souvent au risque de leur vie.

Donc, un total de cinquante et un avions piratés. Quelles en ont été les conséquences ? Celles du proverbe bien connu : qui sème le vent récolte la tempête. En effet, cette épidémie de détournements dans le sens Cuba-USA a fini par faire boomerang là-bas, où ce genre d’actions a commencé à apparaître, pas toujours pour des motivations politiques concrètes, comme c’était le cas pour Cuba – renverser la Révolution – mais pour bien d’autres raisons, qui ne manquent pas, on le sait, dans une société comme la nord-américaine : des déséquilibrés, des aventuriers, des droit commun se sont mis à détourner des avions, en utilisant un couteau, voire une bouteille d’eau qu’ils faisaient passer pour de l’essence, avec n’importe quoi.  Et ils détournaient des avions en direction de Cuba.

Et ce, jusqu’à, essentiellement, 1973, année où Cuba a proposé à l’administration nord-américaine de souscrire un accord contre la piraterie aérienne et maritime, qui a été acceptée par l’autre partie et signé le 15 février 1973. Ce qui a entraîné une certaine diminution des actes de ce genre dans le cas des avions. Moins dans celui des bateaux de pêche et autres, parce qu’ici, la modalité a changé : ce n’était plus des tentatives de détournement, mais tout simplement des attaques de vedettes rapides visant à détruire les embarcations et à tuer, le cas échéant, les équipages.

Dans le cas des avions, de septembre 1968 à décembre 1984, on a enregistré soixante et onze détournements d’avions des Etats-Unis vers Cuba – soit plus que dans le sens contraire – la différence étant qu’ici, les pirates de l’air, contrairement à ce qui passait aux USA, étaient bel et bien jugés et incarcérés. Après ces accords, les peines avaient d’ailleurs été allongées de dix à vingt ans.

Et cela fait dix-huit ans qu’aucun avion n’a été piraté des Etats-Unis vers Cuba. Je crois que ce sont là des chiffres éloquents.

Randy Alonso.  Oui, nous avons cité à nos tables rondes bien des cas de pirates de l’air cubains qui n’ont subi aucune peine aux USA.

Renato Recio. Tout à fait exact. On ne connaît aucun cas de pirate de l’air cubain jugé aux USA. Ce qui est tout à fait symptomatique de l’attitude laxiste des gouvernements nord-américains face au phénomène du terrorisme quand il leur convient. Et démontre leur immoralité foncière. Et, par contraste, l’attitude du gouvernement cubain.

En tout cas, cet accord a été constructif, même si une partie l’appliquait et l’autre pas du tout. Ce qui prouve, je le répète, l’hypocrisie foncière des administrations nord-américaines face au terrorisme.

Fidel avait déclaré pour le vingt-cinquième anniversaire du sabotage de la Barbade : « Est-ce tant demandé que de réclamer que justice soit faite contre les professionnels du terrorisme qui, aux Etats-Unis mêmes, ont continué de recourir à leurs méthodes méprisables contre notre peuple pour semer la terreur et détruire l’économie d’un pays en butte à un harcèlement et à un blocus, mais d’où n’est pourtant jamais sorti un seul engin terroriste, voire un gramme d’explosif, afin de le faire éclater aux Etats-Unis ? Pas un seul Nord-Américain n’a jamais été tué ni blessé, pas une seule installation, grande ou petite, de ce riche et immense territoire n’a jamais souffert le moindre dommage matériel par suite d’une action en provenance de Cuba ! »

Quiconque veut savoir si l’inscription de Cuba sur la fameuse liste des pays terroristes et si l’accusation des USA sont justes n’a qu’à examiner ces chiffres que j’ai donnés !

L’administration nord-américaine ne peut présente aucune preuve, absolument aucune pour étayer ses affirmations. Bien mieux, elle signe un accord, mais s’empresse de le violer ou de l’interpréter à sa manière ou de l’utiliser à sa guise comme dans tant d’autres domaines. En revanche, Cuba l’applique à la lettre, parce que Cuba ne joue pas  avec la vie des gens, avec le destin des familles : Cuba agit moralement, s’en tient à la vérité, aux sentiments humains, toutes choses que les gouvernements qui agissent contre elle semblent avoir définitivement perdues, comme le démontrent aussi les témoignages que nous avons retransmis ces jours-ci.

Randy Alonso. Une autre preuve de la façon dont les gouvernements des deux pays font face aux actions terroristes, c’est que c’est Cuba qui a proposé aux USA de souscrire cet accord dont tu as parlé. Cuba a imposé de lourdes peines aux pirates aériens. Mais une fois l’accord annulé après le crime de la Barbade, Cuba a extradé les pirates aux USA pour qu’ils soient jugés là-bas, ce que les autorités nord-américaines n’ont jamais fait.

Renata Recio. Le plus intéressant, c’est que Cuba avait averti qu’elle allait le faire. Pour éviter que toute personne poursuivie injustement aux USA détourne un avion dans l’idée de purger sa peine ici et éviter la prison là-bas.

Randy Alonso.  Cuba l’a averti et l’a fait. On attend toujours que les USA jugent les pirates aériens et maritimes cubains qui ont commis des crimes, au lieu de les recevoir à bras ouverts !

Oui, il y aurait bien des choses à dire sur cette histoire sinistre du terrorisme nord-américain contre Cuba. Et cette administration ose pourtant se berner du monde en proclamant que Cuba est un Etat « bioterroriste !  Oui, il nous faut dénoncer avec la plus grande énergie la guerre biologique que les USA ont bel et bien menée, eux, contre notre pays pendant plus de quarante ans, ce dont nous parleront demain Arleen et Ovies.

Compatriotes :

Alors que l’administration nord-américaine répand des mensonges grossiers, des trucs fallacieux, des contre-vérités patentes qu’elles présentent comme des arguments pour justifier son agression criminelle contre notre peuple, celui-ci se dresse de toutes ses forces et démontre par des preuves irréfutables qui sont les vrais terroristes !

Je voudrais conclure cette Table ronde sur des extraits du discours de Fidel pour le vingt-cinquième anniversaire du crime de la Barbade :

 

Nos frères morts à la Barbade ne sont plus seulement des martyrs : ils sont des symboles dans la lutte contre le terrorisme, ils se dressent aujourd’hui tels des géants dans cette bataille historique qui vise à extirper de la Terre le terrorisme, cette méthode répugnante qui a causé tant de dommages et tant fait souffrir leurs être les plus chers et leur peuple, un peuple qui a d’ores et déjà écrit des pages inédites dans les annales de sa patrie et de son époque.

Le sacrifice de leurs vies n’a pas été vain. L’injustice commence à trembler devant un peuple énergique et viril qui a pleuré d’indignation et de douleur voilà vingt-cinq ans, et qui pleure aujourd’hui d’émotion, d’espoir et de fierté en les rappelant.

    Ainsi en a voulu, capricieuse, l’Histoire.

    Au nom des martyrs de la Barbade :

    Le socialisme ou la mort !

    La patrie ou la mort !

         Nous vaincrons !

 

Bonsoir à tous.